Mauvaises réputations
416 pages
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Mauvaises réputations , livre ebook

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Description

Heureux adolescent de l'après-guerre, Émile, frère et fils de résistants, s'attache profondément à son neveu David, de dix ans son cadet, né en 1945. À Nice, tous deux prennent des chemins qui leur confèrent une « mauvaise réputation », en particulier l'oncle dont les amours peu conventionnelles scandalisent une partie de son entourage bourgeois. Mais lorsque la tragédie survient et menace de détruire David, Émile lui offre un indéfectible soutien jusqu'à s'oublier lui-même. Des années plus tard, la rencontre de Clarisse, une lumineuse étudiante, et de Jean-Pascal, tendre et fantasque jeune homme au « coming out » difficile, bouleverse à nouveau leur vie. Chacun des quatre personnages se métamorphose peu à peu au contact des trois autres, s'apportant mutuellement douleurs et richesses...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 mai 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414208159
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-20813-5

© Edilivre, 2018
I Clarisse
C’était un matin gai, on pouvait dire heureux ou quelque chose du genre, un matin où le soleil jaune avait une allure de soleil et pour Clarisse le signe palpable des jours riants qui transportent et font voler, une impression si fugace qu’elle s’y raccrochait avec fougue quand par chance elle survenait. Elle commençait à peine la fac de lettres, section histoire, après avoir abandonné sans bruit hypokhâgne qu’elle détestait, qu’on lui avait imposée alors qu’elle n’avait aucun désir de ces études-là, aucune envie d’y retrouver les prétentieux, ou supposés tels, des lycées niçois du centre et des villes voisines, si redoutables à ses yeux. Son père lui avait dit, « C’est ça ou math sup mais tu détestes les maths », sa mère, « Tu seras agrégée, tu gagneras bien ta vie », les autres avaient insisté aussi, sauf son frère aîné, Clément le bien nommé, le bien aimé, un sourire calme et confiant, qui approuvait tout d’elle, « Fichez-lui la paix », en vain l’avait-il défendue, elle s’était résignée à Masséna, classe préparatoire, lettres supérieures, une seule consolation, Suzanne Clain, l’amie de toujours, l’avait suivie, aussi peu enthousiaste, juste par amitié, de ces amitiés à la Montaigne Parce que c’est elle, parce que c’est moi qui sauvent des vies.
En sortant de ses premiers cours, Clarisse se sentit sauvée, les yeux éblouis par la luminosité blanche et crue du parvis de la faculté des lettres et sciences humaines , « J’y suis enfin », songea-t-elle, « Je ne connais personne et c’est tant mieux », elle descendit les marches, tête en l’air, devant, derrière, à l’affût de l’air qui passe, d’elle ne savait quoi, de ce qui adviendrait, en quête de fragilités , elle avait cette idée, se mit à rire d’un coup, espérant que personne n’avait remarqué son rire idiot, des garçons passaient, tournaient les yeux, des regards, de vagues sourires, aucun ne l’avait impressionnée pendant les cours, moins enfants sages et encore moins sales gosses que les khâgneux de Masséna, des gens normaux comme les filles, en jean et cheveux longs, quelques mots avec un dénommé Jean-Pascal – un Corse sans doute – qui lui avait demandé pourquoi elle n’avait pas assisté aux cours précédents, « J’étais en prison », avait-elle répondu, puis devant l’effarement, « Mais non ! Une sorte de… lycée Masséna, tu vois ? », « Ah ! C’est bon, j’ai compris », et il lui avait souri, « Moi, c’est Jean-Pascal et je refais une première année », une grimace, « Je suis pas doué, pas courageux, j’ai pas de mémoire », embêtant quand on étudie l’histoire, elle s’était abstenue de la remarque, après tout c’est la réflexion qui compte, elle n’avait jamais pensé en ces termes auparavant, se dit que c’était évident, qu’elle aurait enfin le temps de réfléchir, évadée de l’ambiance abrutissante, irrespirable de l’hypokhâgne. Une marche dans le boulevard et une course soudaine pour rejoindre Suzanne qui rêvassait en contrebas, avenue Aymé Martin, à la terrasse du Florence, attablée sous les branches dépouillées d’un platane, elles s’embrassèrent, s’émerveillèrent de la douceur du temps, presque chaud pour décembre, le serveur essuya la table et attendit la commande, il regardait au loin, apporta les jus de fruit qu’elles n’avaient pas demandés, Clarisse allait protester, Suzanne lui saisit le bras.
– Laisse tomber, on s’en fout. Ça nous changera du coca, hein ?
– Tu aurais dû t’inscrire en histoire, dit Clarisse.
– Non, j’aime pas, je sais pas ce que je pourrais faire, lettres après tout, c’est pas plus mal, je sais lire.
Elles riaient dans l’écrin bleuté du soleil d’hiver, parlaient des études neuves, table rase de Masséna, pas complètement, impossible songeait Clarisse, c’était bien aussi, une mince couche de regret, sauf l’anglais, le professeur la terrifiait par son accent incompréhensible et ses exigences, elle fit la moue devant la note que le serveur posa sous son nez, il attendait.
– Tu vois, on aurait dû prendre des cocas, les jus c’est cher.
– Au point où j’en suis, dit Suzanne, je t’invite… faut que je trouve un boulot, mes parents n’ont pas de sous, de moins en moins.
– Alors ne m’invite pas !
Le serveur attendait sans impatience, Clarisse lui tendit un billet et il rendit la monnaie.
– C’est trop ! lui dit-elle, vous vous trompez.
Pas d’expression embarrassée, un sourire que Clarisse jugea goguenard et il finit par comprendre enfin qu’il se trompait, Suzanne fouilla dans ses poches pour laisser un pourboire, il la remercia, les deux filles s’éloignèrent, « Tu crois que je peux lui demander s’ils ne chercheraient pas une serveuse ? Il me faut un boulot », Clarisse acquiesça, elles revinrent sur leurs pas, le serveur essuyait les tables, faisait attendre les clients qui le hélaient.
– Vous n’auriez pas besoin d’une serveuse par hasard ? J’ai déjà fait ça.
L’homme la regardait, il plissait le front, se gratta le visage, détourna les yeux et montra le fond de la salle.
– Faudrait revenir et demander au patron, là il vient de sortir… Franchement, je crois pas qu’il ait besoin, je sais même pas s’il va me garder, reviens cet après-midi vers cinq heures.
Suzanne hocha la tête, elles traversaient la rue sans hâte comme désœuvrées, « D’un autre côté, je comprends que le patron ne le garde pas, c’est pas une flèche », Clarisse regretta ses paroles, un bref regard de sa copine, aigu comme un poinçon.
– Toi, tu penses que c’est facile de servir ?
– Non, bien sûr. Je l’ai trouvé un peu tarte, et je sais que j’ai jamais rien fait de mes dix doigts, seulement gardé les gosses insupportables de mes voisins, je reconnais, j’ai pas travaillé comme toi.
– C’est pas ce que je voulais dire… Il a l’air sympa, ce mec.
Cette fois encore, le serveur s’était trompé, Suzanne rencontra le patron à l’heure dite, fut prise sur-le-champ parce qu’une fille lui avait fait faux bond, engagée ailleurs, il aimait sa physionomie décidée , un essai d’une semaine suivi d’une embauche, « Tu es plus vivace que David, c’est pas difficile », lui dit-il, « si c’était pas mon neveu, il serait à la porte », elle rapporta ces mots à Clarisse qui s’amusa du sens de la famille du patron.
– T’as intérêt à te démener, toi ! T’es pas sa nièce.
– T’es con, parfois, Clarisse.
Clarisse se jeta dans les études, s’aperçut vite que rien ne la tenait, aucune échéance brutale comme c’était le cas en hypokhâgne où elle devait rendre des copies chaque jour, préparer les devoirs et les colles du samedi après-midi, ne pas sembler perdue mais au contraire désinvolte, cultivée, travailler sans avoir la tête fatiguée, feindre la sérénité et passer des nuits folles entre culture et sorties, elle perdit tout contact avec les gens de Masséna, n’y tenait pas, Suzanne s’était comme elle échappée, ses autres amies , elle le sentait, ne le seraient bientôt plus, quant aux garçons, à part Michel qui habitait son immeuble, garçon sage à raie de côté, destiné à la géographie, elle n’avait que des souvenirs d’ennui, elle avait dansé en automate le soir de la fête des classes prépas au Bar des Irlandais , une boîte de la Promenade, les khâgneux lui paraissaient un peu plus vibrants que ses camarades de première année, ils l’intimidaient pourtant, trop flamboyants, certains avec de jolies gueules arrogantes, elle avait murmuré à l’oreille de Suzanne qu’ils lui faisaient peur, l’amie avait haussé les épaules, « Pires que des loups, pas pour nous, ces mecs, ils se croient seuls au monde, des petits cons », Clarisse n’avait pas de mots, ne savait pas s’ils l’attiraient ou non, peut-être celui qui était assis à une table en face du professeur de philo et qui rêvassait en sirotant du whisky, son regard absent quand elle le croisa l’enfonça dans l’ombre jusqu’à ce qu’un première année la tire du coin où elle était blottie et l’entraîne sur la piste. Ces souvenirs de malaise passaient dans son esprit quelquefois lorsqu’elle ne parvenait plus à se concentrer sur le travail, elle aurait pu aussi bien ne rien faire, sécher les cours, préparer du bout des yeux les quelques exposés exigés, rester chez elle les jours de remise des devoirs sur table, s’épargnant ainsi la honte de notes infamantes comme c’était le cas de nombreux apprentis historiens de première année, elle ne les jugeait pas, se disait qu’ils étaient probablement contraints de gagner leur vie comme Suzanne, en doutait pour quelques-uns qu’elle voyait plus souvent traîner sur le parvis ou au Florence qu’entrer dans les bâtiments de la fac, qui lui demandaient ses cours, oubliant de les lui rendre ce qui la plongeait dans des crises d’hésitation timide au moment où elle se résignait à les réclamer, elle ne jugeait pas et ne comprenait pas le sens que pouvaient avoir des études à peine effleurées, elle savait que son amie était comme ces étudiants dilettantes ou voués à l’échec faute d’assiduité, elle l’aimait d’une infinie tendresse, frissonnant à l’idée de sombrer à son tour dans le vide insondable d’une vie sans études.
Elle étudiait à corps perdu et dès qu’elle levait le nez de ses bouquins ressentait une détresse, quelque chose qui creusait au-dessous du plexus, s’y replongeait aussitôt pour ne pas sentir cette espèce de trouble pénible, jusqu’en février, d’un commun accord, Clarisse ne rentra pas une fois au Florence, elle comprenait bien qu’elle risquait de gêner son amie, tellement liées et complices que cette désunion momentanée leur parut essentielle, quasi vitale, il fallait aussi respecter le travail universitaire de Suzanne qui ne pouvait avoir lieu qu’en-dehors du temps passé au bar, c’est pourquoi elles se rencontraient peu, Clarisse avait au f

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