Mémoires d un passant
91 pages
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Mémoires d'un passant , livre ebook

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Description

Extrait : "Imaginez le lendemain de la Révolution de Juillet. Il n'y avait plus trace de barricades ; Paris était tout à fait pacifié. Au printemps, on ne rencontrait le long des rues que petites charrettes pleines de fleurs et que jeunes marchands de hannetons, car, il y a cinquante ans, vendre des hannetons empilés dans un bas, c'était encore un commerce." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 20
EAN13 9782335076271
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335076271

 
©Ligaran 2015

Au lecteur
En guise d’avant-propos, un simple mot de reconnaissance.
Il y a un an, sous ce titre : Petits Mémoires du XIX e  siècle , il a paru, à cette même librairie, un volume signé de notre nom et que l’on n’a peut-être pas encore eu le temps d’oublier.
Ces pages étaient des Souvenirs de la vie littéraire.
On y voit défiler une vingtaine de figures rayonnantes, figures de poètes et d’artistes, qui ont marqué avec éclat de 1820 à 1860.
Le public ayant fait très bon accueil à ces récits qui roulent sur le passé d’hier, l’auteur s’est cru autorisé à donner suite à cette publication.
Sous un titre quelque peu différent, ce livre est donc le tome second des Petits Mémoires du XIX e  siècle .
Cette vie parisienne, faite de labeur et de plaisir, de misère et de gloire, de crime et de vertu, nul ne la connaît autant que nous. Voilà cinquante ans que nous la pratiquons jour par jour, ce qui nous a mis à même d’en noter tous les contrastes. C’est un monde à part, où abonde le mystère. La scène n’y est pas moins changeante que l’aspect d’un de ces kaléidoscopes à l’aide desquels on fournit des loisirs ou un amusement salutaire aux enfants malades. Dans la circonstance, le passe-temps a cet autre avantage de rappeler sans cesse l’histoire contemporaine et de servir ainsi d’enseignement.
Dans le premier volume des Petits Mémoires du XIX e  siècle se meuvent des personnalités littéraires de haute volée : Henri Heine, Alexandre Dumas, Philarète Chasles, Méry, Félix Arvers, Charles Philipon, Gérard de Nerval, Alfred de Musset, des journalistes, des actrices. Dans ce tome second, le personnel qu’on exhibe n’est pas moins intéressant à passer en revue.
Ce sont toujours des hommes de ce siècle, des acteurs de la comédie sociale qui se joue de notre temps : des grands et des petits, des fantoches et des hommes de génie, les Dieux et les Diables du jour.
Prenez, lisez et jugez.

PHILIBERT AUDEBRAND.
Avril 1893.
Le roman de Paganini
Imaginez le lendemain de la Révolution de Juillet.
Il n’y avait plus trace de barricades ; Paris était tout à fait pacifié. Au printemps, on ne rencontrait le long des rues que petites charrettes pleines de fleurs et que jeunes marchands de hannetons, car, il y a cinquante ans, vendre des hannetons empilés dans un bas, c’était encore un commerce. À la fièvre de la politique succédait une autre endémie, l’amour de l’art. Impossible de faire cent pas sans se heurter à une question de poésie, de peinture ou de musique. Le beau temps ! La libérale et joyeuse époque ! Victor Hugo venait de faire paraître les Feuilles d’automne , si bien venues, quoiqu’on fût en avril. Eugène Delacroix attirait déjà tous les regards par sa grande toile : Dante et Virgile  ; l’Opéra montait Robert le Diable , qui, tout compté, sera tenu pour l’œuvre maîtresse de Meyerbeer. Dans une mansarde, un débutant taillait son crayon pour jeter sur le vélin son premier dessin : un jeune beau du jour, entre deux jeunes femmes, deux dominos, qui se le disputaient au bal masqué, et il signait cet essai d’un pseudonyme destiné à devenir célèbre, celui de Gavarni.
Vous voyez d’ici ce que pouvait être la physionomie de la grande ville à une pareille heure : une autre Sybaris, mais autant éprise de volupté que des plaisirs de l’esprit. À cette immense fourmilière, il fallait désormais à forte dose les jouissances que donne l’étude. Ce fut sur ces entrefaites qu’après son retour d’une superbe tournée en Angleterre, Paganini opéra sa rentrée dans Paris afin d’y reprendre la série de ses premiers concerts, ceux qu’il avait donnés en 1829.
À un demi-siècle de distance, il y a eu tant de révolutions, les choses ont si souvent changé d’aspect, et la Mort d’Hogarth a couché sur le sol tant de contemporains illustres, que les générations, naturellement peu poussées à reporter les yeux en arrière, sont bien excusables de ne pas savoir ce qu’a été Nicolo Paganini. Il en est, d’ailleurs, d’un joueur de lyre ou de violon comme d’un grand comédien. Une fois mort, il ne reste de l’homme que son nom, et un nom s’en va vite quand il n’est pas imprimé sur le papier, taillé dans la pierre ou gravé sur le bronze. Ce nom de musicien, c’est donc aux survivants de ces âges lointains à l’apprendre aux âges nouveaux.
Premier point : Paganini était-il seulement un homme ? On comptait alors un quatuor de grands pianistes : Franz Liszt, Sigismond Thalberg, Chopin et Albert Sowinski, tous quatre rivaux ou à peu près. Mais il n’existait qu’un Paganini, l’incomparable Linus du violon, et, de la Néva à la Seine, et du ruisseau de la rue Le Peletier à la Tamise, il n’y avait là-dessus qu’une voix : l’instrumentiste était divin. Second point : ce mystérieux Italien portait sur les épaules une tête étrange, échappant à toutes les lois de l’esthétique, pas belle et pourtant séduisante au plus haut point, terrible et souriante tout ensemble, ce qui faisait que Théodore Hoffmann, le grand conteur allemand, l’avait introduite comme un élément diabolique dans l’une de ses sombres fantaisies. Cette même figure, presque surhumaine, faisait que, de Vienne à Paris, on disait : « Regardez donc ! c’est un démon ! »
Une chose certaine, rien qu’avec son Stradivarius, il donnait à lui seul un concert, et l’élite de la société la plus élégante du monde accourait à lui. Jeune homme, il avait débuté tour à tour à Naples et à Milan ; après quoi, enjambant le Tyrol, il était allé à Vienne et à Saint-Pétersbourg ; mais, après quinze années d’épreuves, il s’était dit : « On aurait en soi tout le génie du monde, tant qu’on n’a pas conquis le public de Paris, on ne compte pas ; on n’est rien. » Et, bien qu’ayant déjà un peu de renommée, il s’était décidé à venir chez nous. Ce fut pour le mieux de ses intérêts, car, au sortir de Paris, il emportait dans sa valise quelque chose de plus précieux que l’or pour un artiste, c’est-à-dire la gloire. « À présent, me voilà sacré roi du violon, » disait-il, et c’était vrai. Il alla de là à Londres et la richissime aristocratie anglaise, ces lords qui sont de petits rois, prévenus par notre presse, le couvrirent de bravos et de banknotes. Paganini n’était pas insensible aux applaudissements, mais, né de parents pauvres, il aimait le fauve métal avec ferveur, et il ne s’en cachait pas. Quand il est mort, il a laissé à son jeune fils, alors à Nice, un trésor de trois millions, déposé chez les Rothschild. Trois millions en 1840, c’était presque la fortune d’un prince.
Ces trois millions, on les lui a grandement reprochés. Par exemple, la presse satirique l’a traité d’avare en toutes lettres. À tort ou à raison, chez nous un grand artiste, s’il veut être aimé de ses pairs, doit négliger les biens temporels. Il faut qu’il soit prodigue jusqu’à devenir un panier percé. Autrement, c’est un bourgeois ou un cancre, par conséquent un petit esprit. Ajoutons que l’épithète d’Harpagon, appliquée au divin violoniste, venait surtout de Jules Janin. En ce temps-là, l’auteur de Barnave était dans tout l’éclat de sa rayonnante jeunesse. On aimait sa figure rose et réjouie ; on s’arrachait ses romans, écrits avec tant de verve ; on se répétait l’écho de ses feuilletons. Enfant de Saint-Étienne, il avait, un jour, organisé un grand concert au profit des inondés de sa ville natale, et, pour donner à cette fête musicale un surcroît d’agrément, il avait demandé, par écrit, à Paganini de venir y produire deux ou trois coups d’archet. Un salut au public, un air, cinq minutes d’art, un autre salut et un sourire. C’en aurait été assez ; les deux grands faubourgs, Saint-Germain et Saint-Honoré, avaient mis un vif empressement à prendre des billets. Mais que vous dire ? Un soupir de son violon qui ne rapporterait rien, pas un sou, pas un centime, le positif Italien n’entendait pas de cette oreille-là. Il refusa donc net. Il refusa à Jules Janin et il eut lieu de s’en repentir. À dater du jour où il avait répondu par un « non » formel, il eut, n

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