Mine de rien
46 pages
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Mine de rien , livre ebook

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Description

Rugo vit sur un banc avec Victorine, sa poussette qu'il ne quitte jamais. Sa vie est une suite de gestes pour survivre, de moments d'ennui et de rêves qui l'aident à supporter la solitude, jusqu'au jour où il rencontre Florence, une fillette qui l'aime bien et Clovis, un homme en errance comme lui. Un matin différent des autres, un objet métallique heurte son banc : une clef qui va l'emmener de rêve en déception et en trahison, puis quelque part où il va retrouver le désir de vivre. Un conte, un rêve, un espoir !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 mai 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414076741
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-07672-7

© Edilivre, 2017
I Rugo
Place Victor-Hugo, c’est la cohue. Les bureaux et les magasins expulsent les employés affamés qui s’engouffrent dans le café et la brasserie de la place. Les portières claquent, le bus 224 avec sa portière plaintive déverse ses troupeaux de godasses. L’homme assoupi jette furtivement un œil entre les planches disjointes de son banc et, dans sa barbe : « Ça va, Victorine ? », puis, dans la foulée : « Fais chier, tu pourrais répondre ! »
C’est son seul bien, sa seule compagne. Les commerçants de la place se souviennent de les avoir vus arriver il y a au moins dix ans, lui et Victorine, avec une poussette des années cinquante à grandes roues. Depuis, on raconte qu’il aurait eu femme et enfants avant d’échouer là !
Il avait choisi un des bancs, taillé une écharde avec son canif, demandé au tabac des vieux journaux et cartons qu’il avait installés sur les planches luisantes de crasse.
Depuis ce jour, le banc est à lui. Personne n’ose lui faire une remarque. Une seule fois, il y a de cela bien longtemps déjà, un flic l’avait prié d’aller chercher asile ailleurs :
– Eh ! l’rouquin, faudrait viser à dégager les lieux ! Y’a une visite officielle.
Il avait obéi. Puis, après une semaine d’exil, il était revenu sur ses planches poisseuses, attendant la prochaine expulsion.
Au début, il n’avait vu que le banc, tant il était fatigué. Puis, après être allé pisser en prenant un escalier qui se perd sous le bitume, il avait vraiment découvert la place ; une place avec, face à son banc, la poste et la brasserie Croquine et des commerces sur les trois autres côtés. Sur le premier, Le Four à Pain , aux effluves de croûte dorée, et le charcutier traiteur narguent la vitrine vieillotte de La Côte de Bœuf. Sur le deuxième côté, l’étalage gluant de la Poissonnerie côtoie les cartes postales du Tabac Journaux. « Comme ça, les homards peuvent voir la mer ! », avait-il pensé. Au coin, le Café du Coin » , et, sur le dernier côté, deux puants : ONET, qui expire par vagues son halo de vapeurs chimiques, et l’auto-école, avec la fumée blanchâtre de son unique Clio blanche. En plein milieu, un kiosque à fleurs, dont la pancarte « Ouvert tous les matins » tangue au moindre souffle de vent. Au voisinage des seaux de marguerites, de narcisses et d’anémones, il lui avait semblé que la solitude serait moins dure et les gens plus généreux…
Enfin, il s’était soucié du nom de la place : Victor HUGO, cela lui avait vaguement rappelé quelque chose de bien.
« Rugo » , c’est ainsi qu’on l’avait nommé, passe une bonne partie de son temps allongé sur son banc. Personne ne l’a jamais vu faire de mal à qui que ce soit.
Une pièce roule au pied de son lit ; le plus vite possible, il saisit l’Europe bicolore qui mord la poussière et la fourre dans la poche intérieure de son veston.
Cette agitation, pour lui, c’est midi, et comme il ne saute jamais un repas, il farfouille dans son sac ficelé sur sa poussette. Sous le morceau de savon et la vieille brosse à dents aux poils racornis, il extrait un morceau de pain gros comme son poing et une bouteille de vin aux trois quarts pleine. C’est tout ce qui lui reste. Hier, le boucher n’avait plus ni talon de jambon, ni lard, et ce matin il n’avait pas osé y revenir. Le mardi, c’est mauvais. Le mercredi ou le dimanche, il y a marché sur la place, et, à cette heure-ci, des kilos de fruits trop mûrs pour être remballés gisent dans les cageots : un festin de rogatons qu’il sauve de justesse des camions poubelles.
Il évide l’intérieur du quignon encore tendre. Avec application, ses doigts épais pétrissent la mie, façonnent une boule noirâtre. Un peu de salive, et le moulage s’écrase entre ses paumes qui pivotent l’une contre l’autre...

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