Mwegni
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Description

« C'est pendant une nuit étoilée de l'année 1963 que le cargo des réfugiés à bord duquel j'avais embarqué quittait le port de Pointe-Noire pour Libreville après les émeutes. Un an après, la barge Louis Vincent quitte Mayumba avec des passagers parmi lesquels je me trouve. Après la traversée nocturne de l'océan Atlantique en 24 heures, l'aurore éclaircit à l'horizon le port de Pointe-Noire. Ce matin de l'an 1964 annonce un autre épisode de mon destin. Debout près de la cabine de pilotage, je contemple l'apparition pittoresque du port. Nous y accédons au même rythme que nous l'avions quitté avec le grand cargo. La mélancolie du souvenir de l'embarquement des réfugiés me fait frissonner lorsque le Louis Vincent, qui rentre dans le port pour accoster à son quai, passe à proximité de celui où jadis fut amarré le cargo des réfugiés. » 1962. Une guerre civile éclate à Pointe-Noire suite à un match de football, les tensions entre Congolais et Gabonais explosent. Dominique a alors une dizaine d'années. Membre de l'ethnie Vili, né de parents gabonais, il va échapper de peu à des représailles. L'année suivante, il est contraint de fuir et de se réfugier au Gabon. Là, la musique et le théâtre scolaire vont jouer un rôle déterminant dans ses futurs choix professionnels... Entre le Congo, le Gabon et la France, l'auteur revient sur une trajectoire singulière indissociable des troubles de l'époque, entremêlant chronique sociopolitique et peinture d'une vocation artistique qui ne l'a jamais quitté.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 septembre 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342163179
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mwegni
Dominique Douma
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Mwegni

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
1. Le match
J’ai mis plusieurs années à me décider à découvrir le Bwiti au Gabon. Je n’aurais jamais franchi le pas, si ce n’étaient mes études doctorales à l’université Paris-III Sorbonne-Nouvelle pendant la parenthèse des recherches sur ma thèse intitulée « Vers une intégration des rituels traditionnels dans le jeu de l’acteur gabonais ». On y reviendra car je vous parle d’abord à présent des origines de ma famille avant le retour définitif au Gabon dans les années soixante-dix.
Mon père, Douma Mavoungou Jean-Marie, et ma mère, Matoundou Jeanne, sont vili du royaume Loango. En effet, les Vili, comme les Yombé – ethnie culturellement et géographiquement proche –, les Lumbu, les Vungu et les Kugni formaient les composantes ethniques de l’ancien royaume Loango. Celui-ci occupait le vaste territoire allant de la région de Setté Cama du nord Gabon à l’actuel Cabinda au sud.
Les Vili sont principalement répartis dans un triangle formé par la côte Atlantique comme base en allant de Madingou Kayes vers la frontière cabindaise et la localité de Tchikanou sur la route de Tchitondi, anciennement Holle. On trouve également les Vili dans les villages de Bambala, Bueti, Diosso, Hinda, Lendji, Lubu, Makala, Mabindu, Mpilitchissekeni, Nanga, N’longo-Bondi, Ntandu Yumbi, N’tupu, Nkumbi, Tchilunga, Tchierula, Tangu Mbata et enfin Banda Pointe à cheval sur la région du Kouilou au sud du Congo-Brazzaville et la province de la Nyanga au sud-ouest du Gabon.
La destinée postindépendance du peuple vili est intimement liée à l’évolution géopolitique et économique des Républiques de l’Angola, des deux Congo et du Gabon. En effet, établis dans cette zone depuis des siècles comme membres d’un seul peuple, le tracé des frontières coloniales va les diviser.
Père et Mère se marient à Banda Pointe et s’installent à Pointe-Noire, capitale du Moyen-Congo qui en devient la capitale économique, après un transfert de pouvoir qui fait de Brazzaville la capitale administrative. Pointe-Noire est aussi ma vraie ville natale. Traditionnellement, avant la colonisation, les membres du «  Liziku en vili  », littéralement « la famille nucléaire », ne portaient pas le même nom. Un enfant pouvait par exemple porter le «  Lizina   N’luku », littéralement le nom de l’aïeul ou celui d’un autre membre de la famille. Il devenait ainsi le «  N’dusi  », littéralement « la marraine » ou « le parrain ». On peut aussi accoler le patronyme d’un grand-parent à celui du père. Notre famille respecte ce système ancestral. Ceci explique les noms composés de mes sœurs et de mon frère. Mes deux sœurs aînées se nomment Douma N’safou Honorine et Douma Bouanga Claire. Je suis le troisième de la lignée à qui la tradition des patronymes n’a pas été appliquée. Après moi, il y a Douma Matouba Lucienne, Douma Mavoungou Jean-Joseph, Douma N’gono Elisabeth et Douma N’kouanga Alphonsine, la benjamine. Célestine et Évelyne sont nos demi-sœurs.
Mère a deux sœurs : Rose Mouendou et Bernadette Mpouna ; et deux frères : Jean-Claude Pambou Souamy et Roger Tchibota Souamy. Jean-Claude va jouer un rôle clé dans ma vie car Mère vient en mariage chez Père, sans enfant, mais avec Jean-Claude, son jeune frère. Père prend sous son aile et éduque son jeune beau-frère comme un fils aîné jusqu’à ce que celui-ci s’accomplisse dans sa vie professionnelle. L’oncle Jean-Claude fait partie des premières promotions d’instituteurs nationaux du Congo en Afrique équatoriale française et y fait carrière jusqu’à son décès. Sa profession détermine mon éducation, car il est cadre de l’Éducation nationale et célibataire sans enfant cinq ans après ma naissance.
Pour remercier Père et Mère de leur soutien dans son édification sociale, il leur demande à son tour de m’encadrer. Ce geste illustre aussi à sa manière la tradition matrilinéaire de la société vili, notamment sur le «  Si Likanda  », littéralement « le Clan », dans laquelle les biens et les intérêts visibles et invisibles appartiennent à tous les membres de la communauté. Il faut aussi savoir que l’aîné des «  ma nkashi  », littéralement « oncles maternels », est responsable des affaires du clan. Même si l’on porte le nom de son père, le «  muana nkashi  », littéralement « enfant de l’oncle », est placé sous l’autorité de son oncle maternel, qui a droit de vie et de mort sur son destin. La requête de l’oncle Jean-Claude est acceptée par Père et Mère, je quitte le « liziku  », littéralement « la famille nucléaire », dès l’âge de cinq ans où commence aussi mon instruction jusqu’à l’âge adulte.
Sa fonction d’enseignant nous fait beaucoup voyager à travers le territoire congolais. Avec lui, je séjourne notamment dans les villes de Brazzaville, Dolisie, Mouyondji et Sibiti, y compris « Ngoyou Ntu », le village natal de l’écrivain Tchikaya U Tam’si qui est dans la périphérie de Pointe-Noire. Les péripéties de mon adolescence aux côtés de l’oncle Jean-Claude forment la base de mon savoir. C’est à partir d’elles aussi que je discerne déjà les mélancolies d’un « étranger » au cœur de son pays et de son continent.
Mon oncle bénéficie d’un stage de l’enseignement en France et les émeutes Congo-Gabon se déroulent pendant son absence. Les cours étant suspendus, je quitte son domicile du quartier NTié-Tié pour habiter chez Père et Mère au quartier Mvou-Mvou.
Après son service militaire, Père est Blanchisseur et chef cuisinier chez le couple Gallon à Pointe-Noire. À l’avènement des indépendances, le couple français Gallon est propriétaire de la société Agret & Cie, spécialisée dans l’exploitation forestière et le commerce. Bien que son siège social soit situé à Pointe-Noire au Congo, l’essentiel de son activité de transports de marchandises se fait à Mayumba au Gabon. La société est identifiée par le sigle SOCOMA pour Société commerciale de Mayumba et a un supermarché implanté sur la rive gauche de la lagune Banio après l’embouchure de l’océan. SOCOMA devient un quartier et le débarcadère des pirogues provenant de Bana et celui du Louis Vincent, la barge de la société Agret, qui fait la navette Pointe-Noire–Mayumba–Pointe-Noire.
En 1962, le stade Félix Éboué de Brazzaville est le théâtre du match retour des éliminatoires de la première édition de la Coupe des Tropiques opposant le Congo au Gabon. En effet, le 14 juillet de l’année en cours, le Gabon avait gagné le match aller au stade Révérend-Père-Lefebvre de Libreville sur le score de 3 à 1. Deux mois après, précisément ce 16 septembre, le Congo doit prendre sa revanche en remportant largement le match s’il veut être qualifié pour le prochain tour. L’enjeu est historique. Le gouvernement congolais déclare chômée, fériée et payée cette journée de l’après-midi où se déroule depuis plusieurs minutes le match retransmis en direct sur les ondes courtes de Radio Congo.
À Mvou-Mvou, l’auditoire composite d’adeptes et des moins passionnés de foot suit le match à la radio grâce aux haut-parleurs placés spécialement pour l’occasion aux devantures des bistrots et autres lieux publics. Le score à l’approche de la fin du temps réglementaire est de 3-1 en faveur du Congo qui doit impérativement inscrire cinq buts à domicile pour se qualifier d’office grâce à la différence des buts et empêcher le match d’appui qui départage en cas d’égalité de points. La perspective survolte l’équipe congolaise qui met la pression sur les derniers instants du match. Mais la hargne des stratèges attaquants décidés à tuer le match se heurte aux ultimes arrêts spectaculaires de Moubamba, suprême et ultime rempart de la défense gabonaise, totalement assiégée par les onze Congolais, traqueurs du but libérateur. Mais rien ne passe. Moubamba seul contre tous est impérial. Il dévie avec ses poings nus les tentatives acharnées des joueurs congolais dominateurs et survoltés. Leurs puissants tirs des bottines sont inefficaces contre son bouclier mystique. Il bondit sans cesse, tel un félin agressé par des projectiles et intercepte de vicieux ballons avec les manœuvres d’une araignée, rythmé par un jeu vexant de sauts de jaguar. Son extraordinaire exploit réduit à néant les affronts et face-à-face de Léopold Ndey dit « Flamion-ziboulateur », le téméraire et mythique manchot n° 9 du football congolais, redouté pour ses légendaires salves mystiques, souvent transformées en sagaies meurtrières pour expédier au cimetière les gardiens de but les plus redoutables.
Malheureusement pour les Congolais, le score reste inchangé au terme des minutes additionnelles. Moubamba plonge la nation congolaise dans le désarroi d’un échec humiliant. Bien que le Congo l’emporte, les supporters sont insatisfaits. Cette victoire, qui équivaut à une défaite, est âprement commentée en lingala et en kikongo, les deux langues nationales, par des reporters sportifs, très chauvins, qui attisent la colère des auditeurs mécontents. Les commentateurs en direct décrivent comment la pelouse du stade est prise d’assaut par les 25 000 supporters chauvins qui dans un élan nationaliste décident de châtier les joueurs gabonais qui ont déjoué les pronostics de la qualification. L’arbitre est protégé dans une voiture de police. L’équipe du Gabon et son entraîneur français se cachent pendant plus de deux heures sous les gradi

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