Narcisse
247 pages
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Narcisse , livre ebook

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Description

George Sand (1804-1876)



"Quand, pour la première fois, en 1846, je fus envoyé à la Faille-sur-Gouvre, la ville était malpropre, comme la plupart des villes de France, laide en ce sens qu’à l’exemple général du temps, on s’était acharné à l’embellir sans goût, et à détruire sans discernement ses vieux édifices ; mais elle était bien située au bord d’un plantureux ravin, et le faubourg offrait encore des rues tortueuses, grimpantes, d’un effet original, et des groupes d’anciennes constructions assez pittoresques.


Quand le destin m’y amena, je mis pied à terre avant d’arriver, et, m’étant enquis du nom de l’hôtel où le conducteur de la diligence déposerait mon bagage, j’entrai seul et pédestrement dans la ville.


J’avais une lettre de recommandation, une seule, et pour cause. Je ne m’occupai pas de mon gîte ; je demandai la place de la Comédie (vieux style), on dit aujourd’hui la place de la Maison-de-Ville, bien que le théâtre, la mairie et le tribunal vivent encore en bonne intelligence sous le même toit.


– C’est toujours tout droit, répondit-on.


Et, en effet, je me trouvai, au bout d’une longue rue, sur la place en question. Elle n’était pas grande : la maison de ville au fond, une maison bourgeoise à droite, un café à gauche. C’est à ce café que j’avais affaire."



Roman oublié de George Sand.


Narcisse est un cafetier qui rêve de moderniser et d'enrichir sa petite ville. Au plus profond de son âme et depuis qu'il est jeune, il aime Juliette, de famille noble, qui s'est tournée vers Dieu en créant un couvent et s'occupant d'enfants.... un amour impossible...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782374638362
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Narcisse
 
 
George Sand
 
 
Janvier 2021
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-836-2
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 836
I
 
Quand, pour la première fois, en 1846, je fus envoyé à la Faille-sur-Gouvre, la ville était malpropre, comme la plupart des villes de France, laide en ce sens qu’à l’exemple général du temps, on s’était acharné à l’embellir sans goût, et à détruire sans discernement ses vieux édifices ; mais elle était bien située au bord d’un plantureux ravin, et le faubourg offrait encore des rues tortueuses, grimpantes, d’un effet original, et des groupes d’anciennes constructions assez pittoresques.
Quand le destin m’y amena, je mis pied à terre avant d’arriver, et, m’étant enquis du nom de l’hôtel où le conducteur de la diligence déposerait mon bagage, j’entrai seul et pédestrement dans la ville.
J’avais une lettre de recommandation, une seule, et pour cause. Je ne m’occupai pas de mon gîte ; je demandai la place de la Comédie (vieux style), on dit aujourd’hui la place de la Maison-de-Ville, bien que le théâtre, la mairie et le tribunal vivent encore en bonne intelligence sous le même toit.
–  C’est toujours tout droit, répondit-on.
Et, en effet, je me trouvai, au bout d’une longue rue, sur la place en question. Elle n’était pas grande : la maison de ville au fond, une maison bourgeoise à droite, un café à gauche. C’est à ce café que j’avais affaire.
Un grand et gros homme blond, jeune, d’une belle figure, agréable et douce, allait et venait d’une table à l’autre, tutoyant la plupart des consommateurs de son âge, tutoyé par ceux qui paraissaient avoir atteint la cinquantaine. Je demandai à la servante, qui m’indiquait une table vacante, où était le propriétaire de l’établissement, M. Narcisse Pardoux. J’avais à dessein prononcé son nom en le regardant. Il m’entendit malgré le grand bruit qui se faisait dans le billard, dont les portes ouvertes envoyaient jusqu’à nous d’épais nuages de fumée de pipe, et, sans paraître se distraire de ses nombreux consommateurs, il vint à moi et me dit en se penchant :
–  Êtes-vous M. E,*** de la part de M. T*** ?
À quoi je répondis à voix basse :
–  Je suis M. E*** et je vous apporte une lettre de M. T ***.
–  C’est bien, reprit-il.
Et, appelant Jeannette :
–  Conduisez monsieur au jardin, lui dit-il tout bas.
Je suivis Jeannette, qui me fit traverser une petite rue derrière la maison. Elle poussa une porte et se retira en disant :
–  M. Narcisse va venir.
J’étais entré dans un jardin bien fleuri et bien tenu. Il y avait, à gauche, une sorte de boulingrin planté d’arbustes, et surmonté d’un kiosque qui semblait approprié au même usage que le café d’où je sortais.
M. Pardoux vint me rejoindre presque aussitôt et me fit monter dans ce kiosque, sorte de tente couverte en zinc, où Jeannette nous apporta de la bière, des cigares et quelques liqueurs à choisir.
Je dirai très succinctement le but de mon voyage dans cette ville, où je ne connaissais pas une âme. J’étais chargé, par le directeur d’une association de capitalistes sérieux, de faire des études sur la localité, en vue de l’établissement d’une exploitation industrielle d’une assez grande importance. M. Pardoux avait eu et suggéré cette idée, qui avait été traitée de rêve par les indigènes. Il s’était adressé à l’homme de progrès et d’intelligence dont je lui remettais la lettre. On m’envoyait vers lui pour qu’il me mît à même d’examiner son projet et d’en vérifier les chances de succès.
Il me les exposa avec beaucoup de logique et de clarté. Je reconnus vite en lui l’homme sans culture, mais doué du génie du bon sens, qui avait écrit plusieurs lettres remarquables à M. T***, mon directeur et mon ami, et, comme je me montrai disposé à le croire et à commencer mes études avec confiance, le bon Pardoux se livra à une joie enthousiaste.
–  Enfin ! s’écria-t-il, voilà cinq ans que je m’époumone à dire à tous les gros bonnets de pays qu’il y a pour eux et pour les pauvres, une fortune dans mon idée. Et ils ne font que lever les épaules en répondant toujours :
« – Ça coûterait trop cher à établir !
« Eh bien, je le savais, moi qui n’en ai pas appris plus long qu’eux tous, que la science réduirait les dépenses à cent pour cent au-dessous de ce qu’ils imaginent ; et, comme je suis sûr de n’avoir calculé les profits certains qu’au minimum, comme vous allez, sans prévention et tranquillement, vous en convaincre en très peu de temps, je peux dire enfin que notre petit pays va devenir un des plus aisés et des plus utiles de la France, au lieu de croupir dans la paresse et la misère. Oui, oui, je vas le leur dire, à ces beaux esprits...
–  Un moment ! repris-je en arrêtant le bon jeune homme. Si vous voulez que votre idée aboutisse, il y faut le secret le plus absolu pendant quelques mois.
–  Pourquoi ça ? Vous craignez la concurrence ? Ah ! bah ! il n’y a pas de risque ! Ils sont trop poltrons de leur argent pour risquer un sou avant de voir le succès ; alors ils regretteront leur incrédulité, mais il sera trop tard !
–  Permettez, lui dis-je, nous avons l’expérience des entreprises ; quelle que soit la couardise des habitants, dès que le bruit d’un établissement soutenu par des capitaux se répandra dans l’air du pays, tous ces gens qui raillent aujourd’hui continueront de railler, et même ils railleront davantage, voulant se tromper les uns les autres pour avoir chacun le monopole d’une fortune à faire. Et chacun d’eux agira en secret pour obtenir du gouvernement le privilège de l’exploitation. C’est à vous de savoir si vous voulez que quelqu’un d’eux en profite ; alors je me retire, et leur laisse le soin d’étudier eux-mêmes la question, s’ils en sont capables.
–  Il n’y en a pas un ! Ce sont des ânes ! Et trop avares pour dire à un savant comme vous : « Travaillez à notre compte ! »
–  Alors, comme de mon côté je ne consentirais, à aucun prix, à les servir, taisez-vous et laissez-moi faire. Votre but n’a jamais été d’enrichir monsieur tel ou tel de cette ville ou des environs ?
–  Non, certes ! c’est en vue du pauvre monde que je rêve une industrie chez nous. Et puis l’amour du clocher, l’amour-propre si vous voulez ! Je serais fier et content de voir nos rues bien pavées et éclairées au gaz, nos campagnes assainies, nos rues plus passagères , notre nom moins inconnu du reste de la France.
–  Vous aurez tout cela si votre idée est réalisable ; quant à vous, en particulier, je suis chargé de vous demander quel prix vous attribuez à votre initiative, et à souscrire à vos désirs sans conteste, en cas de succès.
–  Quoi ? que voulez-vous dire ? me payer ?
–  Vous donner une part dans les profits : c’est trop juste !
–  Je ne veux rien ! s’écria Narcisse Pardoux avec l’accent de l’enthousiasme. Moi, vendre mon idée ? Jamais ! C’est une idée qui m’a été transmise par mon pauvre père. C’est Dieu qui la lui avait envoyée. Je crois honorer sa mémoire en faisant le bien. Si ça réussit, je serai bien assez récompensé !
Et, comme j’insistais, il ajouta :
–  Eh ! mon cher monsieur, sans faire le grand homme et le romanesque, je peux et dois refuser. Voyez : si le pays entre en prospérité , mon établissement, qui ne va déjà pas trop mal, ira vingt fois, cent fois mieux, et ce serait alors à moi d’offrir un payement ou un cadeau à ceux qui auront mis les choses sur ce pied-là.
Il n’en voulut pas démordre. Il y avait en lui une candeur et en même temps une solidité de caractère qui me gagnèrent le cœur. J’étais heureux de rencontrer cette belle nature dans un milieu où le désintéressement et le dévouement sont rares. Je ne me sentais plus triste et seul dans ce pays inconnu. J’avais un ami.
Nous convînmes de nos faits. Il s’agissait pour moi de passer quelques jours dans la ville, de m’éloigner ensuite pour parcourir tous les environs, de revenir mettre mon travail en ordre, enfin, de rester, au besoin, quelques semaines dans ce pays, et de n’éveiller les soupçons d’aucun habitant sur le but de mon séjour et de mes courses.
Quelque chose que je fisse, je devais certainement devenir vite un objet de curiosité, peut-être d’inquiétude ; mais, cela étant inévitable, je ne pouvais que donner le change en me posant en voyageur naturaliste, en me liant avec très peu de personnes, et en usant

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