Oberman
99 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Oberman , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
99 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Extrait : "Vous renvoyez en deux mots tous mes possibles dans la région des songes. Pressentiments, propriétés secrètes des nombres, pierre philosophale, influences mutuelles des astres, sciences cabalistiques, haute magie, toutes chimères déclarées telle par la certitude une et infaillible."

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 45
EAN13 9782335043303
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335043303

 
©Ligaran 2015

Lettre XLVII

Lyon, 18 août, VI.
Vous renvoyez en deux mots tous mes possibles dans la région des songes. Pressentiments, propriétés secrètes des nombres, pierre philosophale, influences mutuelles des astres, sciences cabalistiques, haute magie, toutes chimères déclarées telle par la certitude une et infaillible. Vous avez l’empire ; on ne saurait mieux user du sacerdoce suprême. Cependant je suis opiniâtre comme tous les hérésiarques : il y a plus, votre science certaine m’est suspecte, je vous soupçonne d’être heureux.
Supposons un moment que rien ne vous réussit : vous souffrirez alors que je vous expose jusqu’où vont mes doutes.
On dit que l’homme conduit et gouverne, que le hasard n’est rien. Tout cela se peut : voyons pourtant si ce hasard ne ferait pas quelque chose. Je veux que ce soit l’homme qui fasse toutes les choses humaines : mais il les fait avec des moyens, avec des facultés ; d’où les a-t-il ? Les forces physiques, ou la santé, la justesse et l’étendue de l’esprit, les richesses, le pouvoir composent à-peu-près ces moyens. Il est vrai que la sagesse ou la modération peuvent maintenir la santé, mais le hasard donne et quelquefois rétablit une forte constitution. Il est vrai que la prudence évite quelques dangers, mais le hasard préserve à tout moment d’être blessé ou mutilé. Le travail améliore nos facultés morales ou intellectuelles ; le hasard les donne, et souvent il les développe, ou les préserve de tant d’accidents dont un seul pourrait les détruire. La sagesse fait parvenir au pouvoir un homme dans un siècle ; le hasard l’offre à tous les autres maîtres des destinées vulgaires. La prudence, la conduite élèvent lentement quelques fortunes ; tous les jours le hasard en fait rapidement. L’histoire du monde ressemble beaucoup à celle de ce commissionnaire qui gagna cent louis en vingt ans de courses et d’épargnes ; et qui ensuite mit à la loterie un seul écu, et en reçut soixante-quinze mille.
Tout est loterie. La guerre n’est plus qu’une loterie pour presque tous, à l’exception du général en chef, qui cependant n’en est rien moins que tout à fait exempt. Dans la tactique moderne, l’officier qui va être comblé d’honneurs et élevé à un grade supérieur, voit auprès de lui le guerrier aussi brave, plus savant, plus robuste, oublié pour jamais dans le tas des morts.
Si tant de choses se font par hasard, et que pourtant le hasard ne puisse rien faire ; il y a dans la nature, ou une grande force cachée, ou un nombre de forces inconnues qui suivent des lois inaccessibles aux démonstrations des sciences humaines.
On peut prouver que le fluide électrique n’existe pas. On peut prouver qu’un corps aimanté ne saurait agir sur un autre sans le toucher ; et que la faculté de se diriger vers tel point de la terre est une propriété occulte et par trop péripatéticienne. On avait prouvé que, l’on ne pouvait voyager dans les airs, que l’on ne pouvait brûler des corps éloignés de soi, que l’on ne pouvait précipiter la foudre ou allumer des volcans. On sait encore aujourd’hui que l’homme qui fait un chêne, ne peut pas faire de l’or. On sait que la lune peut causer les marées, mais non pas influer sur la végétation. Il est prouvé que tous les effets des affections de la mère sur le fœtus sont des contes de vieilles, et que tous les peuples qui les ont vus, ne les ont pas vus. On sait que l’hypothèse d’un fluide pensant n’est qu’une impiété absurde ; mais que certains hommes ont la permission de faire avant déjeuner une sorte d’âme universelle ou de nature métaphysique, que l’on peut rompre en autant d’âmes universelles que bon semble, afin que chacun digère la sienne.
Il est certain qu’un Châtillon reçut, selon la promesse de St. Bernard, cent fois autant de terres labourables à la charrue d’en haut, qu’il en avait donné ici-bas aux moines de Clairvaux. Il est certain que l’empire du Mogol est dans une grande prospérité, quand son maître pèse deux livres de plus que l’année précédente. Il est certain que l’âme survit au corps, excepté s’il est écrasé par la chute subite d’un roc, car alors elle n’a pas le temps de s’enfuir, et il faut qu’elle meure là. Tout le monde a su que les comètes sont dans l’usage d’engendrer des monstres, et qu’il y a d’excellentes recettes pour se préserver de cette contagion. Tout le monde convient qu’un individu de ce petit globe où rampent nos génies impérissables, a trouvé les lois du mouvement et de la position respective de cent milliards de mondes. Nous sommes admirablement certains, et c’est pure malice, si tous les temps et tous les peuples s’accusent mutuellement d’erreur.
Pourquoi chercher à rire des Anciens qui regardaient les nombres comme le principe universel. L’étendue, les forces la durée, toutes les propriétés des choses naturelles ne suivent-elles pas les lois des nombres ? Ce qui est à-la-fois réel et mystérieux, n’est-il pas ce qui nous avance le plus dans la profondeur des secrets de la nature ? N’est-elle pas elle-même une perpétuelle expression d’évidence et de mystère visible et impénétrable, calculable et infinie, prouvée et inconcevable, contenant tous les principes de l’être et toute la vanité des songes ? Elle se découvre à nous et nous ne la voyons pas ; nous avons analysé ses lois, et nous ne saurions imaginer ses procédés ; elle nous a laissé prouver que nous remuerions un globe, mais le mouvement d’un insecte est l’abîme où elle nous abandonne. Elle nous donne une heure d’existence au milieu du néant ; elle nous montre et nous supprime ; elle nous produit pour que nous ayons été. Elle nous fait un œil qui pourrait tout voir ; elle met devant lui toute la mécanique, toute l’organisation des choses, toute la métaphysique de l’être infini : nous regardons, nous allons connaître ; et voilà qu’elle ferme à jamais cet œil si admirablement préparé.
Pourquoi donc, ô hommes qui passez aujourd’hui ! voulez-vous des certitudes ? et jusques à quand faudra-t-il vous affirmer nos rêves pour que votre vanité dise : Je sais ? Vous êtes moins petits quand vous ignorez. Vous voulez qu’en parlant de la nature, on vous dise comme vos balances et vos chiffres : ceci est, ceci n’est pas. Et bien, voici un roman : sachez, soyez certains.
Le Nombre…… Nos dictionnaires définissent le nombre une collection d’unités : en sorte que l’unité qui est le principe de tous les nombres, devient étrangère au terme qui les exprime. Je suis fâché que notre langue n’ait pas un mot qui comprenne l’unité, et tous ses produits plus ou moins directs, plus ou moins complexes. Supposons tous deux que le mot nombre veut dire cela : et puisque j’ai un songe à vous conter, je vais reprendre un peu le ton des grandes vérités que je veux vous envoyer par le courrier de demain.
Écoutez : c’est de l’antiquité ; mais elle ne savait pas le calcul des fluxions.
Le nombre est le principe de toute dimension, de toute harmonie, de toute propriété, de toute agrégation ; il est la loi de l’univers organisé.
Sans les lois des nombres, la matière serait une masse informe, indigeste ; elle serait le Chaos. La matière arrangée selon ces lois est le Monde. La nécessité de ces lois est le Destin : leur puissance et leurs propriétés sont la Nature : et la conception universelle de ces propriétés est Dieu.
Les analogies de ces propriétés forment la doctrine magique, secret de toutes les initiations, principe de tous les dogmes, base de tous les cultes, source des relations morales et de tous les devoirs.
Je me hâte ; et vous me saurez gré de tant de discrétion, car je pourrais suivre la filiation de toutes les idées cabalistiques et religieuses. Je rapporterais aux nombres les Religions du feu : je prouverais que l’idée même de l’Esprit pur est le résultat de certains calculs : je réunirais dans un même enchaînement tout ce qui a pu asservir ou flatter l’imagination humaine. Cet aperçu d’un monde mystérieux ne serait pas sans intérêt ; mais il ne vaudrait pas l’odeur numérique exhalée de sept fleurs de jasmin que le souffle de l’air va porter et perdre dans le sable sur votre terrasse de Chessel.
Cependant sans les nombres, point de fleurs, point de terrasse. Tout phénom&#

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents