Par-delà la ligne rouge
212 pages
Français

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Par-delà la ligne rouge , livre ebook

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Description

Tunisie. 2011. Slim et Nour forment un couple marié. Au fil des ans, un décalage s’est creusé entre eux. Slim voudrait tenter de rétablir les choses et lance à Nour le défi de profiter des vacances pour se retrouver mais elle est face à sa peur viscérale de tout perdre... Chanaz est une jeune journaliste tunisienne. Avec la révolution du 14 janvier 2011, elle sent un vent de liberté souffler sur sa vie. Elle rencontre Neil, reporter de guerre venu couvrir les événements de Tunis. Neil est rapidement appelé à Ben Ghazi pour suivre la révolution libyenne. Chanaz ne sait presque rien de lui et décide de le suivre...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 septembre 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782332808677
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-80865-3

© Edilivre, 2014
I Le décalage
Elle est avec lui, il la suit sans mot dire. Elle est vêtue d’un pantalon bleu marine à pinces, d’espadrilles et d’une chemise blanche à manches courtes. Sur elle, flotte une odeur de savon à laquelle s’est mêlée celle de la cigarette.
Elle a l’allure légère d’une adolescente à la sortie du collège.
Son sens pratique se voit à ses vêtements aux nombreuses poches qu’elle utilise vaillamment, à sa chemise au toucher agréable, également munie de poches.
Lui porte une chemise en lin blanc entr’ouverte, à manches courtes, un pantalon de coton ample et aussi des espadrilles.
C’est elle qui lui a choisi sa tenue.
Ils s’apprêtent à passer quelques jours de vacances à Djerba. Ils sont à l’aéroport de Tunis-Carthage et marchent en direction du hall des vols intérieurs.
Un peu à l’avant, des enfants jouent à se courir après. L’aîné des deux se fait gronder par sa mère. Elle lui tire l’oreille. Par bravade, l’enfant surexcité éclate de rire. Lui trouve la scène comique, mais pas elle. Elle a le pas sûr, presque conquérant. Elle donne l’impression que, même à portée immédiate, très peu de choses peuvent l’émouvoir.
Son pas est pressé, le sien légèrement en retrait, son attitude est distraite, la sienne pleine d’assurance, telle une signature, presque hautaine.
C’est à ce moment là qu’il comprend que quelque chose lui échappe. A cet instant, il ressent une fulgurante envie de retrouver leurs visages d’antan, agités de sentiments authentiques et simples, rire aux larmes, pleurer, détester, aimer la vie.
Un vent chaud s’éveille en lui, un frisson le traverse. Il sent qu’il est déjà trop tard. Le décalage monte inexorablement en lui, telle une sève.
Il l’aspire dans son monde. Il le sent gagner du terrain. C’est pour cela qu’il a préféré ne rien dire du tout. Parce qu’il y a des histoires qui glissent d’un plan à l’autre, decrescendo.
– Dis quelque chose – fait-elle.
– Nous devrions profiter de ce séjour pour aplanir les choses entre nous, répond-il d’un ton morne.
– Quoi, par exemple ?
Elle jette un bref regard vers lui qu’elle détourne aussitôt, puis ajoute :
– Nous en reparlerons à notre arrivée.
Peu à peu, il avait senti leurs rapports se distendre, tels ceux d’un couple aux habitudes bien établies. Mais il n’en a pas été effrayé. Au contraire, il a laissé faire ce vieillissement. Au début, il y a même vu un signe de réussite, celui de la maturité de leurs rapports et des responsabilités relevées avec succès.
Dans ce hall d’aéroport, il comprend que ce n’est pas une question de devoir mais d’aspiration au bonheur. Il sait aussi qu’il n’y a aucune incompatibilité entre les deux et que le semblant d’unité familiale ne rend pas les hommes plus responsables qu’ils ne le sont en réalité, ni plus heureux quand ils ne le sont pas vraiment.
Il peut aussi se dire qu’il se trompe, que les jeux sont déjà faits et qu’il faut au contraire, comme beaucoup d’autres, s’atteler à conserver les choses en l’état et organiser sa vie en hiérarchisant les priorités. Mais lui est persuadé qu’ils sont passés à côté de l’essentiel. « Est-il trop tard ? » se demande-t-il ; il sent le décalage gagner du terrain, « Est-ce rattrapable, sinon autant tout envoyer promener de suite ! ». Il se tourne brusquement vers elle et une exaltation le saisit, elle peut se lire sur son visage : La part la moins humaine en nous n’est-elle pas celle qui nous pousse à ne rien faire alors que l’on sait devoir agir ? s’interroge-t-il. Tout cela virevolte à vive allure dans son esprit. Il voit des hordes hébétées avancer tête baissée dans l’enfer de ceux qui n’ont pas osé affronter la vérité des choses. Il en serre les dents et détourne le visage. Aujourd’hui, il a un défi à lui lancer. Il vient d’en avoir la confirmation.
Le vol est rapide et aucun vent ni altitude ne parvient à dissiper les nuages surchargeant son humeur.
Arrivés à l’hôtel, ils remplissent silencieusement les formalités d’usage et se laissent conduire à leur chambre. Derrière les rideaux, ils devinent la mer et avancent lentement vers la terrasse. Sans détourner le regard, il lui prend la main et la serre légèrement ; sous l’effet du toucher familier, il sent la distance régresser. A l’extérieur, ils fixent silencieusement l’horizon, par-delà les parasols gonflés à bloc et prometteurs de mille mensonges ; plus loin encore, là où les embarcations minuscules se détachent et les oiseaux blancs tournoient sur le bleu azur des eaux vives.
Il recule d’un pas, se retourne et d’un revers de main tire les rideaux et revient à l’intérieur. Elle le rejoint :
« Peux-tu attendre que je descende avec toi ? lui demande-t-elle.
– Je reviens !
– Je ne suis pas ta nounou pour ranger tes affaires ! »
« Mais pourquoi donc ? » se demande-t-il.
Il examine la pièce, les meubles et trouve subitement l’ensemble désolément vide.
Et puis pourquoi le terme de « nounou ». Une « nounou » protège. Voulait-elle dire qu’il sollicitait sa protection ? Ou pire encore, qu’il en avait besoin et qu’elle ne voulait pas tenir ce rôle ?
Immobile, cloué au devant de sa valise, il subit patiemment le fil de ses pensées, l’une tirant l’autre avec force.
– Sais-tu seulement ce que je comptais faire ? dit-il sur un ton faussement farceur tout en marchant vers la porte.
Aucun ne surenchérit, cela n’aurait servi qu’à retourner le fer dans la plaie. Parce que les quiproquos, ils connaissent bien, ils leur sont même devenus familiers. Elle le fixe du regard d’un air attendri. Une légère moue se dessine sur son visage. Et le besoin d’explications s’estompe presque immédiatement, laissant place à une brume remontant des tréfonds de leur être. Poussé par quelque besoin intérieur, il sort de la pièce et scande « je t’attends au bar ».
Il est adossé à même le comptoir du bar et commande une bière. Il peut voir son reflet dans la glace d’en face. Elle l’y rejoint et demande une limonade.
– N’as-tu pas toujours pu compter sur moi ? demande-t-il.
– Oui, pourquoi cette question ?
– Parce que tu me reproches de ne pas t’aider.
– Je n’ai jamais dit une chose pareille ! Seulement que je ne suis pas ta nounou pour m’occuper des taches ménagères que tu ne veux pas faire, c’est tout.
Tous deux sont campés dans des chaises hautes de comptoir. En face, un large miroir occupe toute la largeur de l’espace. Ils échangent de manière intermittente, à coups d’œil rapides. Ils se regardent à peine.
« Qu’est-ce qui déclenche ces reproches à répétition ? » se demande-t-il. S’agit-il d’événements objectifs ou bien est-ce l’image qu’il lui renvoie ? Il la regarde dans la glace d’en face tandis qu’elle tire sur la paille de sa limonade. Il lui chuchote à l’oreille, « ces vacances seront celles de la liberté ». Elle se tourne vers lui et dit :
– D’accord, mais nous le sommes déjà, je veux dire « libres », en un sens, nous le sommes déjà, non ?
– Laissons-nous un peu aller, tu veux ? Cessons de vivre selon les desiderata de l’autre, dit-il sur un ton se voulant enchanteur.
Il prononce cette phrase d’un air si énigmatique qu’il lui semble clair qu’il l’a volontairement tronquée et que tout n’a pas été dit. Il poursuit, en pensée seulement, « cet autre tantôt complice, tantôt ennemi ». « A-t-il volontairement mis en œuvre cette mise en scène ? » se surprend-t-elle à penser. Le corps légèrement penché contre le comptoir, elle se tourne vers lui, le fixe puis ajoute :
– Tu me fais peur. Je vais acheter des cigarettes dans le kiosque de l’hôtel et je reviens.
Quelques instants après, elle revient, un paquet à la main. Pris dans l’élan de ses réflexions, il lance :
– Est-ce que tu m’aimes ?
Aussitôt, un petit ruban de temps lui vient à l’esprit, le temps se suspend et les souvenirs jaillissent. Elle passe rapidement en revue leurs sept années de mariage à l’aune de cette qualité essentielle qu’il pointe du doigt ; y avaient-ils encore de l’amour ? Et que fallait-il penser des choses de la vie auxquelles ils faisaient face ensemble, parce que le mariage l’exigeait, ces choses là créent aussi de l’attachement. Comment porter un jugement sur tout cela ? Comment additionner ceci avec cela pour en tirer une conclusion ? Peut-on additionner patates et cornichons ? Non, assurément non.
– Oui, bien sûr, tu es mon mari.
– Non, je t’ai juste demandé si tu m’aimes ?
« Oui, sans doute » se dit-elle, sinon que feraient-ils encore ensemble, mais en même temps, songe-t-elle, le mariage demande tant d’autres qualités !
– Oui.
– Alors pourquoi ce décalage entre nous. Nous commençons à ressembler à un vieux couple qui ne se dit plus rien.
– La passion s’estompe après sept ans de mariage, c’est bien connu.
– Es-tu prête à laisser parler tes émotions ?
Il prend subitement ses mains entre les siennes et avoue sans détours :
– Parfois il m’arrive de me demander ce que nous faisons ensemble.
Elle lui en veut d’avoir dit cela. « Ce n’est pas moi qui l’ai dit », pense-t-elle, et en levant les yeux vers la veste blanche du barman, trouve celle-ci resplendissante à la lumière du bar. Elle lui donne l’étrange impression de scruter leurs esprits, de purifier leurs cœurs et de les exprimer. Mais elle n’aurait pas osé dire cette chose exagérée. Il lui arrive certes d’y penser par moments, lorsque exténuée de contrariétés, elle ne trouve pas le soutien qu’elle attend de lui, mais uniquement en son for intérieur, sans jamais songer à le dire. Et puis, ils en ont déjà parlé. Oui, oui, elle se souvient bien de l’après midi où elle lui a reproché « de parfois se sentir seule à affronter les problèmes du quotidien » et de sa réponse ridicule, « cette projection p

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