Pavé de Paris
111 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Pavé de Paris , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
111 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Extrait : "Pour voir des peuplades barbares, des tribus farouches, il n'est pas besoin de traverser les mers ; il y a des hordes de sauvages à nos portes. Paris a ses Peaux-Rouges ; la Seine a ses Hurons ! Et de même que les farouches sauvages qui vivent de leurs excursions sur les terres du Mexique, les Peaux-Rouges parisiens se livrent à des razzias souvent sanglantes sur les districts des Visages-Blancs parisiens..." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 25
EAN13 9782335076707
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335076707

 
©Ligaran 2015

I L’homme-wagon
Pour voir des peuplades barbares, des tribus farouches, il n’est pas besoin de traverser les mers ; il y a des hordes de sauvages à nos portes. Paris a ses Peaux-Rouges ; la Seine a ses Hurons !
Et de même que les farouches sauvages qui vivent de leurs excursions sur les terres du Mexique, les Peaux-Rouges parisiens se livrent à des razzias souvent sanglantes sur les districts des Visages-Blancs parisiens, qu’ils dépouillent par ruse ou par force ; ils attaquent les caravanes qui, revenant des villages voisins, traversent les savanes de la plaine Saint-Denis, les défilés des Saint-Chaumont.
Au cœur même de Paris, ils pillent les promeneurs, avec une adresse inouïe. Et imitant ces bandes de Comanches du Brésil qui ont l’audace de se ruer contre des haciendas situées à quelques pas des forts, ils osent pénétrer dans nos villas d’Asnières placées pourtant sous les canons des remparts et ils les mettent à sac.
Ces tribus barbares qui campent à nos portes ont eu des historiens : leurs mœurs ont été décrites ; mais il est, dans les contrées qu’ils habitent, des coins qui sont restés inexplorés. Nous avons découvert des pistes nouvelles, visité des wigwams inconnus, exhibé des types inédits. Ce sont là les sujets de nos études, – nous avons rencontré dans nos voyages des espèces d’hommes taillés à la façon de Bas-de-Cuir , des pionniers que Cooper ne renierait pas.
Vivant hardiment au milieu des nomades, ces hommes exercent des industries bizarres et mènent une existence pittoresque. Sans avoir les vices de ceux qui les entourent, ils ont adopté leurs mœurs et leurs coutumes et ils offrent des côtés saisissants que nous tâcherons de mettre en relief, en rappelant que, tout aussi piquante que celle des bandits célèbres, leur vie offre l’intérêt particulier que l’on accorde aux honnêtes gens.
Non loin du railway de ceinture, au pied des buttes Montmartre, dans un terrain vague l’on aperçoit un objet qui ressemble à un wagon que l’on dirait échoué au milieu des terres, épave de quelque accident de chemin de fer.
C’est bien un wagon, un wagon, peste, habité par un personnage original, Simon Jésus (le sobriquet lui vient de son profil qui rappelle celui du Christ). C’est peut-être le seul Parisien qui ait réalisé le problème d’être bien logé sans payer de terme.
Avant la scène, le décor ; avant l’escargot, sa coquille ; avant l’homme, sa maison ; maison bizarre qui annonce ce que doit être l’habitant.
Simon a acheté son wagon à la Compagnie de l’Ouest ; il l’a conduit dans un terrain libre, avec permission des autorités auxquelles il a exhibé des papiers réguliers et prouvé, qu’ayant un métier et des capitaux, il n’était pas un vagabond. Il a exhaussé sa demeure d’un étage : il en a caché les roues par un carré de planches clouées au marche-pied ; entre les roues il a creusé des trous pour recevoir bouteilles et barils ; et il a eu ainsi cave, corps de logis et grenier.
Au grenier, sa marchandise et ses outils.
Le corps de logis se compose d’une banquette, sur laquelle une natte est étendue ; à la tête une couverture est pliée en quatre ; un coussin de varech est l’oreiller. Du plafond tombe un rideau de serge verte qui voile ce lit de camp et limite la chambre à coucher.
Un mètre carré, partant du rideau et s’arrêtant à une seconde banquette, forme l’atelier ou Simon travaille.
Enfin une tenture de soie sépare de ces deux pièces le reste du wagon qui compose le salon ; un salon somptueux, orné d’un grand tapis et garni de glaces comme certaine salle de Versailles. Simon a ramassé tous les éclats de miroirs qu’il a pu se procurer et les a collés sur les cloisons les uns près des autres ; les trois faces du salon ne forment qu’un immense miroir mosaïque d’un effet saisissant ; car chaque fragment renvoie une image et l’on se voit reproduit en diverses grandeurs, cinq ou six cents fois.
Un service à thé en magnifique porcelaine est posé à terre. Les différentes pièces en sont raccommodées avec une pâte très solide et proviennent de débris reconstitués.
Çà et là, sur des étagères, sont étalées des curiosités de toutes sortes ; papillons inconnus, coquillages introuvables, armes du Nouveau-Monde et enfin un tableau qui est tout simplement un superbe Prud’hon que jamais Simon n’a voulu vendre.
Il paraît qu’il lui rappelle une aventure, une liaison, dont il n’a jamais livré le secret.
Simon reçoit au salon ses visiteurs et leur sert le café ou le thé. Il n’a pas de siège ; chez lui on s’assoit à l’orientale sur le tapis. On devise avec le propriétaire en fumant ; il met au service de ses hôtes la plus riche collection de pipes qui fut jamais et toutes les variétés de tabac connu.
Le wagon est entouré d’une palissade.
Un énorme chien le garde.
Le cerbère est admirablement dressé ; il aboie pour écarter les gens et ne mord que ceux qui n’écoutent pas ses avertissements.
Au-dehors, la cuisine qui se fait en plein air.
Outre son chien, Simon quand il sort, a des moyens de préserver son bien des voleurs ; il a organisé un système de carabines et de révolvers qui partiraient dans la poitrine de celui qui essayerait de pénétrer dans la maison roulante.
Plusieurs fois Simon a dû déménager.
Il a enlevé sa balustrade, levé quelques planches, attelé trois chevaux à son wagon ; puis, vogue la galère ! Il est parti à la recherche d’une oasis dans les plaines désertes qui s’étendaient devant lui. Quand il trouvait un terrain à sa convenance, ayant une fontaine à quelque distance, il s’y arrêtait.
Mais Paris s’est agrandi à ce point qu’il est maintenant aux fornications ; Simon s’apprête à passer la barrière.
Telle est la demeure ; voici l’homme :
Grand, blond, barbe fauve, front intelligent, l’œil doux et farouche à la fois. Du reste, un mot le peindra : qu’on s’imagine un Christ byzantin empaysanné.
Il nous a parlé, ce qui lui arrive rarement en dehors de ses affaires. – Il fait des affaires. – Il a l’élocution difficile et il emploie les tournures de style les plus élégantes au milieu de phrases débitées dans le patois béotien de la Champagne. Il parle par sentences, et ses sentences inédites sont souvent frappées au bon coin. Son éducation explique, du reste, toutes les anomales de cet esprit singulier. Il est né à Rizancourt, un petit village champenois situé au milieu de forêts immenses ; tout jeune, il exerça la profession de braconnier vivant dans les bois, y chassant, y mangeant, y couchant.
Il se procurait dans une ferme du lard cuit pour huit jours, une miche de pain, un broc de vin et payait le tout par une pièce de venaison. Quand il était sûr de n’être pas pris, il rôtissait un perdreau pendant que son chien faisait le guet. En été » il logeait dans les broussailles ; en hiver, il s’installait dans le creux d’un vieux chêne que les gens de Rizancourt nous ont montré (ce qui nous donna le désir de voir Simon à notre retour à Paris).
Le braconnier pénétrait dans son chêne par un trou que dissimulait une sorte de porte garnie de mousse se souciait des gardes comme un sanglier d’un plomb à perdrix ; il leur échappa toujours. Simon avait commencé sa vie errante vers ses huit ans ; il savait déjà lire ; plus tard, en allant vendre son gibier à Bar-sur-Aube, il y achetait des bouquins pour se servir des feuillets afin de bourrer son fusil : un in-18 dans sa gibecière de toile ne le gênait pas beaucoup et ne le chargeait pas. Un jour Simon s’avisa de lire une page d’un de ces livres ; c’était du Jean-Jacques Rousseau. Il dévora le Contrat social . Épris du style du grand philosophe, il acheta peu à peu toutes ses œuvres, puis il passa à Voltaire, puis à d’autres. Il voulut avoir une profession, pour se conformer aux conseils de Jean-Jacques ; il avait appris en deux hivers celle de cordonnier à Bar-sur-Aube ; chose bizarre, car il allait nu-pieds en tout temps. Pas un cordonnier ne fut bientôt capable de lui en remontrer dans le département ; mais si reprit tout à fait sa vie errante, quand il fut passé maître dans l’art de chausser les autres.
Sur ces entrefaites, il lut Balzac, le grand corrupteur !
Une tarentule le piqua au talon ; il résolut de partir po

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents