Physiologie du vieux garçon
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Physiologie du vieux garçon , livre ebook

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Description

Extrait : "On n'est rien en naissant, a dit M. Jules Janin, le rédacteur du Journal des haras, l'auteur du Jeune homme mort et de la Jument guillotinée. Cette grave et sensible vérité nous a plus d'une fois attendri nous-même. On ne naît donc pas célibataire comme on naît avec une couronne de berger (je n'ose pas dire de roi, il n'y a plus de rois), avec cent mille francs de rentes."

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Publié par
Nombre de lectures 17
EAN13 9782335035162
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335035162

 
©Ligaran 2015

CHAPITRE PREMIER Exposition : l’auteur à sa lectrice
Ne trouvez-vous pas, Madame, que la chose la plus burlesque de notre glorieuse époque est sans contredit la physiologie ?
Si j’ai choisi celle du célibataire, c’est parce que je vous aime et parce que je m’indigne chaque fois que j’aperçois un de ces pauvres êtres.
Ceci sera donc une œuvre morale, –
Que je vous engage fortement à lire et à méditer, – à moins que vous n’ayez à vous livrer à quelque grande occupation, –
Telle que celle de rêver, ne rien faire ou dormir.
Après ce court avant-propos, –
Je commence, en me prosternant devant vous jusqu’à terre, à la manière des peuples orientaux,
– Si voluptueux,
– Si sensuels,
– Si poétiques dans leur matérialisme. –

PAR ORDRE SUPÉRIEUR,

Dessin supprimé.
Mais laissez-moi m’écrier avec Gresset :

Un écrit clandestin n’est pas d’un honnête homme !
CHAPITRE II Comme quoi on arrive à être célibataire
On n’est rien en naissant, a dit M. Jules Janin, le rédacteur du Journal des haras, – l’auteur du Jeune homme mort – et de la Jument guillotinée –
Cette grave et sensible vérité nous a plus d’une fois attendri nous-mêmes.
On ne liait donc pas célibataire comme on naît avec une couronne de berger (je n’ose pas dire de roi, il n’y a plus de rois), avec cent mille francs de rentes.
Le célibataire, après avoir passé par l’état d’enfant, d’écolier, de jeune garçon, puis d’homme, devient un type déplorable, hideux.
Le célibataire commence à trente ans, à l’âge où l’on finit par se marier quand on a négligé d’y songer jusque alors.
La jeunesse est assurément une chose belle et respectable, à laquelle nous serions désolé de faire la moindre peine. Dieu m’en garde ! J’aimerais mieux monter la mienne (de garde).
– Pardonnez-moi le calembour, il n’est pas de moi, – à chacun son bien, – César, prends ton épée ! – il est de M. Flourens, de l’Académie française .

PORTRAIT DE M. FLOURENS,

Supprimé par générosité.
Je vous disais donc que la jeunesse engage l’homme qui sera plus tard célibataire à s’amuser pleinement et avec enthousiasme. À vingt ans, il aime les pauvres créatures équivoques, lorettes, femmes entretenues, vierges folles ; il recherche les yeux agaçants, les lèvres pincées et rieuses, les jupons courts et les immoralités de tout genre. – Les jeunes gens affectent même une désinvolture qu’ils n’ont pas, et sont fanatiques des fines parties. – Ils sont carnassiers de pâtés de foie gras et de vin de Champagne. –
Ils disent ce qu’ils ne pensent pas et tout ce qu’ils pensent. Par exemple, ils feront remarquer à une grisette qu’elle est jolie, – de même qu’ils s’empresseront de persuader aux plus crédules bourgeois qu’ils possèdent un sérail, un turban, un poignard damasquiné, une lame de Tolède ébréchée, un ou plusieurs matelas de cheveux de femmes. – Histoire d’orgueil ! La jeunesse est naturellement suffisante.
Ce qui arrive fréquemment aux gens vertueux qui remportent le prix Monthyon.
Le temps brûle la jeunesse comme le soleil brûle les fleurs et les raisins.


À vingt-cinq ans, – le jeune homme dont nous parlons est séducteur, Lovelace, don Juan, Byron ; il fréquente les acrobates et applaudit les drames de Bouchardy. – Jusque-là il y a erreur, mais pas vice. Respect aux erreurs ! – À cet âge, il a horreur de la pudeur, il prend l’habitude de regarder attentivement les statues dans certains endroits que ma dignité m’empêche de nommer. – Il pense que la moralité est une invention ridicule. – Il est vrai qu’il serait désolé lui-même d’aller tout nu. – Le digne jeune homme ! il sent combien ce serait désagréable à l’œil.
Il ajoute foi à certains livres dont je n’ose vous faire l’analyse, et qui ont pour titre : Histoire des amours secrets de Napoléon Bonaparte , – le Messager des Grâces , – l’Amour conjugal , – Anecdotes morales sur des prélats libertins .
À vingt-huit ans, le jeune homme laisse voir son linge et porte régulièrement des gants. – Un habile physiologiste pourrait deviner, à sa mise, à ses allures, à sa démarche, à sa conversation, que son ambition en fera un vieux célibataire, crétin, despotique, hargneux, chignard, ratatiné. – Il devient coquet à mesure que la jeunesse le quitte ; il porte des dessous de pied, des cols crinoline, des chemises irréprochables et des pantalons de nankin. – On l’aime en société, il chante agréablement la romance, il sait danser et faire danser au piano. – Il est libertin plutôt en pensée qu’en action. – Il convoite, – et à ce souvenir mes cheveux se dressent sur ma tête ! – il convoite les femmes mariées, et parfois les veuves. – Il est indécent avec ses amis ; il les conduit devant les gravures lubriques que certains marchands égarés ont l’inconvenance d’étaler à leurs carreaux. – Là il se complaît en regardant les gorges nues, les blanches épaules ; – il fait des réflexions inconvenantes à haute voix, surtout lorsque des femmes sont à portée de l’entendre. –
Je prends moi-même, il est vrai, plaisir à voir ces sortes de nudités, mais je n’ai pas été élevé à faire gloriole de mes faiblesses.
Lui, au contraire, passe les matinées (quand il est riche) à regarder ces tableaux, à étudier ces pauses luxurieuses et pleines de mollesse, ce qui lui monte l’imagination et traîne après soi des suites fâcheuses. – Là il est dans son élément : il crie, il rit, il fait tout remarquer, il met en évidence ses pauvres vices.
Du reste, il est difficile à vivre ; – il ennuie et attriste ; – il s’applique à dire du mal des femmes et à railler la vertu. – D’ordinaire l’histoire de ses liaisons dangereuses est basée sur des mythes ; – il l’invente en vous la racontant, car il n’est pas absolument dénué de quelque fécondité.
Après s’être posé en don Juan, – il se pose en Werther en tête à tête avec les femmes, auxquelles il répète toujours la même chose, le même catéchisme. – Il se dit pâle, il porte les cheveux en apôtre. –
Cette phase de sa jeunesse est la moins prononcée. –
Alors il ne fume plus, et jure à peine.
Il a, vous le voyez, quelque souplesse.
Il est convenable de vous rappeler qu’il n’est encore qu’à l’état de naïveté primitive ; il ne sera célibataire, voué au crétinisme, qu’à partir de trente ans ; jusqu’alors il espère se marier, plus tard, plus tard, dans quelque temps ; il attend une jeune et belle héritière, – une belle au bois dormant ; – il dédaigne les bourgeoises et les veuves, il ne cherche qu’à les séduire.

DESSIN SUPPRIMÉ.
Or, plus tard, vous le verrez mourir avec cette vague et voyageuse espérance qu’une reine indienne viendra mettre sa couronne à ses pieds.
Parmi ses rêves, on doit compter :
– Un oncle millionnaire en Amérique,
– Un mariage avec une princesse éloignée,
– Beaucoup de victimes jusque-là,
– La croix de la Légion-d’Honneur,
– Une poignée de main de son roi, le plus grand des monarques !
Il a à vingt-neuf ans des idées saint-simoniennes.
– Avouons-le à sa honte, il est un peu dieu : il travaille à l’émancipation des noirs, il se pose en philanthrope, – fait des évangiles, débauche les jeunes filles, et pousse la cruauté envers celles qu’il a trompées jusqu’aux actes les plus barbares de l’anthropophagie.
Il jouit d’une certaine faveur dans le cercle qu’il fréquente ; on a sur lui les idées qu’il a sur la reine du Mogol ; – les mères chargées d’années le convoitent pour leurs filles majeures. Quand il s’en aperçoit, il exploite cette faiblesse maternelle, et se fait inviter tous les jours à dîner, sous divers prétextes dont nous dirons un mot plus tard.
C’est alors qu’il n’est pas donné au

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