À la merci de l étoile
123 pages
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À la merci de l'étoile , livre ebook

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Description

Ma colombe me roucoule sa mélancolie, que je lui remette la délicieuse souffrance d'un coup de tournevis ; et toujours à la même adresse, où l'on forge des épées.
Gilles Latour, titulaire d'une maîtrise en langue et littérature françaises, a publié trois recueils aux Editions L'Interligne, dont Mots qu'elle a faits terre, en 2015, finaliste au prix Trillium, au Prix littéraire Le Droit et au Prix du livre d'Ottawa.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 mai 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782896996100
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Préludes
 
 
 
 
La colombe  1
 
 
 
 
Ma colombe me roucoule sa mélancolie, que je lui remette la délicieuse souffrance d’un coup de tournevis ; et toujours à la même adresse, où l’on forge des épées. On se dessine alors des sourcils flottants, et on élève des colonies d’épices dans les poches de nos vestes ; on se sent ainsi devenir truand, qu’on ait du pain ou pas. Car devant ces mâles tatoués comme des enfants, on le sait, l’ordre est sans but ; ou alors, c’est un absolu dévoré d’urgence qui s’écrit à la hâte au réveil, blessé par l’acide des baisers. Ce mauvais sort envahit le corps et nous rend humains ; puis le capitaine chauve surgit de sa cabine, s’étant longuement lavé les mains, tout auréolé du prestige d’un feuillet hygiénique qu’il a composé, dont le titre suscite encore en nous le trouble d’une énigme profonde ; ce qui excite le surhomme qui jouit sans haleter.
 
 
 
 
Chant d’extase dans un paysage triste
 
 
 
 
Certains matins d’hiver, on se compare au spectre poudreux que nous devenons dans ce miroir ; et il nous semble entendre une musique de Chausson, nourrie d’arbres, de cordes et de pianos cristallins ; de vin tiède et de pain triste ; de mains frêles et translucides, lissant les lourdes robes qu’on nous destine pour ces lendemains de si peu. Mais dites, qu’en ferons-nous ? Un dictionnaire invulnérable bondé d’exploits tranquilles et qui nous dispense de toute foi pratique ? C’est ainsi que se prépare aux hantises le poète aphasique et choyé de mystères dans ses tirades. C’est aussi l’encens d’une chevelure languide qu’il secoue dans l’air humilié, et qui s’allonge dans la broussaille de ses nerfs nus. Puis il émerge de ce brouhaha de cymbales et lance, en hurlant, l’enfant pur dans la lumière de ce jour cru.
 
 
 
 
Le nombre léger
 
 
 
 
Dessous mes pieds le bond déjà, l’envol aussi ; dans ce nid de salive et de boue, sur la platine du vieux phonographe, l’oie démente cultive son paradoxe. Aucune trace de carnage ici, sinon celle d’une cinglante ironie, et quelques vertiges sur les remparts de Babel. On tire en l’air puis, devant le lent déferlement de cette lave, on lui propose le mariage, mais en charrette et sur un sentier pierreux. Il est si facile, en effet, d’oublier le plongeon d’Orion dans la mer pour échapper au scorpion ; voilà pourquoi les bateaux marchent à petits pas discrets : pour ne pas ameuter son chien-guide, Sirius. Hier, un satellite le signalait au large de la Nouvelle-Calédonie, un jeune homme aveugle sur un cheval rose. Une averse soudaine, un chapeau difficile, sont-ils signes avant-coureurs d’un léger désastre ou d’un rêve où tout va trop vite ?
 
 
 
 
Instants défunts
 
 
 
 
Cela se passe surtout dans les purgatoires de banlieue où les épées sont pures ; les animaux mangés sont encore un peu vivants, ne serait-ce que dans l’enflure de leurs mollets. À l’approche des vêpres, le volume de la musique augmente sensiblement, notamment les cordes, et on fait avancer la catapulte lubrique sur les rails rutilants, comme pour un travelling avant dans un vieux film. Le clocher poignarde alors inlassablement la lune mûre, comme un camembert laissé sur le comptoir, tout baveux d’être si passionnément aimé. Il semble qu’on soit mis en présence d’un de ces rares cas où l’on peut affirmer sans ambages que la poésie est la réponse plutôt que la question ; et devant l’ascension soudaine des miasmes cloacaux, il est recommandé de tirer ses volets, et de fermer ses fenêtres.
 
 
 
 
Les sons impalpables du rêve
 
 
 
 
La liste des colonies qui se vident l’une dans l’autre par simple capillarité s’allonge dans ce jardin funéraire, où l’eau converse avec la lumière au milieu des algues oscillantes et sous la mince pellicule du ciel avide. Son engin si fragile soit-il sait aussi voler : il se laisse traverser par le fantôme de l’amour, comme on nous l’a écrit sur la carte postale reçue ce matin, sur laquelle une mariée tout en blanc syntonise la station imaginaire d’un ancien poste de radio dans une bijouterie inondée de soleil où tout scintille. Là, au fond, ce qu’on prend pour un coucou s’avère un petit serpent de vent qui sert de queue au cerf-volant, comme nous l’annonce le fiancé ravi se servant d’un porte-voix en cuir verni noir. Alors, on finit par comprendre que ceux qu’on aime nous parlent dans une langue inconnue.
 
 
 
 
Cloches d’angoisse et larmes d’adieu
 
 
 
 
Réfugié, sors de cette armoire pleine de vestons vides, enroule-toi une écharpe d’étourneaux autour du cou, et rentre chez toi où un peloton d’élocution t’attend dans la cour de ce qui fut ta maison. Il n’en reste plus qu’un éternuement de microbes, qu’un mauvais vent d’automne emporte à tire-d’aile, dans un vieux Boeing plein de missionnaires et de poètes. La nuit venue, cesse de fouiller la voûte et de chercher l’étoile ; regarde plutôt où tu poses le pied, car la plus mince des flaques réfléchit l’univers qui adhère à tes semelles, et un concert de croassements fait frémir la gelée tendre de ton cerveau. C’est par ce hublot qui s’ouvre sous tes pas que le peuple des corbeaux s’envole dans la nuit des temps ; là aussi s’ouvre le tunnel au bout duquel la neige enrage les écrans ; et où t’appelle ce goût de lait premier.
 
 
 
 
Plainte calme
 
 
 
 
On éclate en sanglots, pour voyager, s’éloigner, s’approcher. Mais on n’a qu’un but : rentrer chez soi, par effraction s’il le faut ; par le détour d’un miroir, par le biais de son art, par le trou de sa serrure ; par un jeu du hasard, par défaut, à l’usure. Quand les chiens ont cessé d’aboyer, qui s’est souvenu des caravanes ? Des tapis blancs de poussière, du sucre pour le thé ? Et de l’air pieux des montagnes encore jeunes ? Du scintillement des univers naissants ? Des précédents ? Car s’immoler revient à renaître ; de préférence aux petites heures, au premier filet du petit jour, par l’agence d’une gifle experte, la tête en bas. Les trains déraillent et se vident de leur sang ; on les observe à la longue-vue, en tenue de maréchal. Puis on tire les volets, on éteint et on s’étend pour attendre le dernier souffle. On sait être patient. On est si las. Si las.
 
 
 
 
Un reflet dans le vent
 
 
 
 
Le rythme sage des vagues sur le sable des pages me suffit ; et l’oubli s’apprend, comme la franchise. Victime d’un crime abstrait, je m’en remets au nomadisme discret des plantes et à leur paresse ardente ; à quelques cris de distance, une montagne feuillue pend au balcon des nuages, ni de joie moins frileuse ni de chagrins moins grasse ; ou comme une sérénité d’étable ; car les chiens qui aboient le font par acquis de confiance et le monde pense par eux. Il fait presque froid sous l’horrible beauté, et cet univers brûle sans fumée. On le comprend aussi avec les mains de deux corps qui se sont connus dans la certitude folle des statistiques, et avec la reconnaissance des êtres guéris. On enterre l’arme blanche des condamnées à l’orée d’un bois de bouleaux nains, et là-haut un escadron d’oies fourbues s’allonge dans la nuit.
 
 
 
 
Constellations
 
 
 
 
 
 
 
 
 
constellation du Cygne
 
pans debout
dans le sable blanc
des marges
refuges d’effarement
où la nuit se décompose
 
 
 
 
en particules fines
 
 
 
 
Puis voyez un peu, dans le foutoir du futur antérieur : c’est le prophète qui plonge, jamais l’émule ; alors, vous aurez compris : il ne s’agi

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