Anna Barkova
267 pages
Français

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Anna Barkova , livre ebook

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Description

Etonnante Anna Barkova (1901-1976) : jeune poète d'Ivano, dans l'élan révolutionnaire, elle se fait remarquer des plus grands (Brioussov, Blok, Lounatcharski). Dès 1924, commence pour elle une longue vie d'errance avec, pendant près de trente ans, de 1935 à 1965, l'horreur du goulag et l'exil ; elle survit aux pires épreuves grâce à sa rumination des textes littéraires et à l'écriture. Biographie d'une femme, poète et martyre, ce livre présente de nombreux poèmes traduits et tisse une histoire du terrible vingtième siècle russe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 208
EAN13 9782336258256
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Poètes des Cinq Continents
En hommage à Geneviève Clancy qui l’a dirigée de 1995 à 2005. La collection est actuellement dirigée par Philippe Tancelin et Emmanuelle Moysan

La collection Poètes des Cinq Continents non seulement révèle les voix prometteuses de jeunes poètes mais atteste de la présence de poètes qui feront sans doute date dans la poésie francophone. Cette collection dévoile un espace d’ouverture où tant la pluralité que la qualité du traitement de la langue prennent place. Elle publie une quarantaine de titres par an.
Déjà parus
520 – Marie-Louise DIOUF-SALL, L’Autre Genre , 2010.
519 – Suzanne MERIAUX, Secrète beauté du monde , 2010.
518 – Chloë MALBRANCHE et Marie-Angèle PRETOT, Abécédaire de la poésie surréaliste , 2010.
517 – Soisik LIBERT, Nivôse blues , 2010.
516 – Walid AMRI, Sols , 2010.
515 – Eric SHIMA, La voix des grands lacs , 2010.
514 – Gabriele NERIMEN, L’Orient Breton. Les contes d’une péninsule de l’Ouest vers l’Orient , 2010.
513 – Tristan CABRAL, Le cimetière de Sion , 2010,
512 – Marc BARON, Poèmes sous la lampe , 2010.
511 – Jacques GUIGOU, Par les fonds soulevés , 2010.
510 – Serge VENTURINI, Eclats d’une poétique du devenir. Journal du transvisible. Livre IV (2007-2009), 2010.
509 – MALIBERT, Triptyque pour un visage , 2010.
508 – Lek PERVIZI, Pétale de rose , 2010.
507 – Rainer Maria RILKE, Élégies de Duino. Les Sonnets à Orphée (bilingue allemand-français), 2010.
506 – Bâbâ TAHER Oryân, « Le génie du millénaire » , Cent quatrains lyriques traduits par Mahshid Moshiri , 2010.
505 – Djamal BENMERAD, Chants d’amour et de combat , 2010.
504 – Paul Henri LERSEN, Axis , 2010.
503 – Jean Herold PAUL, Je tresse mes mots , 2010.
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Anna Barkova
La voix surgie des glaces

Catherine Brémeau
Sommaire
Poètes des Cinq Continents Déjà parus Page de titre Page de Copyright Anna Barkova témoin de son temps AVANT-PROPOS 1- « Dès le berceau… » 2- Ivanovo, la ville rouge 3- Jeunesse : « De rares éclairs… » 4- La prolétarienne 5- Dans les allées du pouvoir 6- Moscou, l’entrée en dissidence 7- Premier « voyage » 8- Kalouga, 1940-1947 9- La glace, le feu, les barbelés 10- Multiples transferts 11- Les dernières années Connivences : Louise Michel, Simone Weil Choix de POÈMES Index
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296128224
EAN : 9782296128224
Anna Barkova témoin de son temps
L’histoire de la poésie russe du XXème siècle (plus exactement, de l’époque soviétique) peut se lire comme un martyrologe. Pas un poète d’importance qui n’ait connu poursuites, longues années de misère et de terreur, prison, persécution des proches, mort civile ou physique.
Les uns ont été pourchassés et déshonorés publiquement, « de par la sanction populaire », (comme Anna Akhmatova et Boris Pasternak) ou ont vécu des années en camp, en prison et en exil (Nikolaï Zabolotski, Nikolaï Kliouev, Iosif Brodsky et tant d’autres), d’autres ont été éliminés physiquement (Nikolaï Goumiliov, Ossip Mandelstam, Pavel Vassiliev) ou conduits au suicide (Serguéï Essénine, Vladimir Maïakovski, Marina Tsvetaïeva), d’autres encore n’ont vu leur première publication qu’au soir de leur vie (Arséni Tarkovski, Maria Petrovykh) ou sont morts avant d’être édités (Véra Merkourieva, Léonid Goubanov, Léonid Aronzon)… Et je ne fais mémoire ici que des noms les plus connus ! Il n’y a pratiquement pas eu d’exception. Pour un destin plus favorable, le prix à payer était élevé, il fallait renoncer à écrire librement, autrement dit trahir son propre talent. Ceux qui se sont engagés sur cette voie sont devenus des « victimes de l’histoire » au sens de collaborateurs involontaires du mal, selon l’expression de Brodsky dans son discours du Nobel. D’autres comme Anna Barkova sont devenus des témoins de l’histoire . « Témoin » et « martyr », on le sait, traduisent un seul et même mot grec, martur .
Cette guerre d’un Etat contre ses poètes, d’après moi sans précédent dans l’histoire, n’a cessé que dans les années Gorbatchev. Cette liste, bien incomplète, de poètes éliminés ou condamnés au silence, me semble en dire déjà long sur la nature d’un régime et sur la place tenue par la poésie dans notre pays. « Nulle part on n’accorde un tel prix à la poésie qu’en Russie : ici, on va jusqu’à tuer pour elle » : voilà les mots légendaires de Mandelstam.

Mais même au vu de tant de destins tragiques, on est frappé par celui d’Anna Barkova (1910, Ivanovo-Voznessensk, – 1976, Moscou). Plus de la moitié de son existence (à partir de décembre 1934) se passe dans des camps ou des lieux d’exil, les seconds étant souvent pour elle plus rudes que les premiers. Elle demande lors de sa première arrestation à être condamnée à la peine capitale, la mort immédiate lui semblant moins terrible que ce qui l’attend. Mais, comme elle l’écrit, « on l’a laissée en vie » 1 . C’est-à-dire qu’année après année elle a subi des tortures vraiment inhumaines, privation de liberté, humiliations, maladies, famine, misère, errance, solitude. Et elle a fini par devenir l’un des poètes russes les plus significatifs du siècle, dont l’œuvre est restée inconnue des décennies encore après sa mort, si ce n’est dans son entourage très restreint. Entre le premier livre d’Anna Barkova ( Femme , 1922) et le livre posthume qui l’a fait entrer dans la littérature russe ( « … Jamais celle qu’il faudrait » , 2002), se sont écoulés quatre-vingt ans !
Chapitre après chapitre, Catherine Brémeau conduit le lecteur dans les cercles de cet enfer terrestre qu’a traversés Anna Barkova et où ont mûri sa voix poétique, sa pensée incisive et forte, son témoignage sur l’époque et sur l’homme.

Le destin d’Anna Barkova a ceci encore d’étonnant qu’il ne s’agit pas (comme pour Akhmatova ou Pasternak) d’un « ennemi de classe », d’un individu à l’origine « incorrecte » (c’est-à-dire non ouvrière ou paysanne), porteur d’une autre idéologie « non révolutionnaire », d’une culture ou d’une esthétique différentes. Barkova vient du bas de la société, d’une ville ouvrière de province, milieu considéré a priori comme le ferment de la révolution, le soutien du nouveau pouvoir, le personnage principal de la nouvelle histoire. Mais ses origines ne sont pas seules en cause. Au départ, Anna Barkova n’a pas de différends idéologiques avec le monde nouveau. Au contraire : elle a été à l’avant-garde du mouvement. Elle a pris parti pour la poésie prolétarienne, elle en a fait son choix personnel. Dès ses premiers vers, elle se présente comme un poète nouveau, une « femme nouvelle » (on l’a appelée la « Jeanne d’Arc de la Révolution russe »), un combattant passionné qui prend fait et cause pour la doctrine révolutionnaire et qui ne s’arrêtera devant rien, au nom de… Au nom de quoi ? Voilà ce qu’on ne saurait dire, car la jeune Barkova ne le dit pas non plus.

Au nom , nous envoyons l’ami sur le billot, Nous détruisons notre maison, notre famille.
Au nom de qui ? de quoi ? Le vide qui suit ce « nom » à qui tant de victimes sont apportées, stupéfie. Nous ne pouvons que supputer : c’est au nom de l’union avec tous, « avec les masses » 2 . Tel est le premier acte du témoignage posé par Barkova : vraisemblablement sans le vouloir, elle dit tout haut ce que l’idéologie tente de cacher, la vacuité du but par quoi toute cruauté est justifiée et sanctifiée. Nous ne trouverons pas dans les vers de jeunesse de Barkova de tableaux de « l’avenir radieux » au nom de quoi tout cela est censé se faire. Prolétarien, pour elle, signifie révolté, impitoyable, dévastateur ; c’est le feu, l’incendie universel qui détruit le passé avec toutes ses valeurs, humanistes, chrétiennes, « européennes ». C’est le « nouveau Nouveau Testament » en place de « l’Ancien Testament de l’amour », celui de « la sainte haine ». Barkova prolonge ainsi le thème « asiate » et « fatal » d’Alexandre Blok :

Sus à tous les bourgeois ! Nous attiserons l’incendie, Incendie mondial et sanglant…
Mais là où Blok transcrit les voix de la rue, Barkova parle à la première personne. Elle ajoute aussi ce que Blok n’a pas dit. La femme de ce « nouveau Nouveau Testament » n’est ni mère ni épouse ni bien-aimée. Elle est l’incarnation même de

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