Continuations
220 pages
Français

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Continuations , livre ebook

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Description

«... Mon cœur s'est enlisé aux miasmes du passé, Et je tête la lune au bord d'un Styx glacé... »



Christian Fumeron n’hésite pas à s’inspirer de poètes français qui le fascinent pour scander des textes modernes et audacieux, faisant frémir le lecteur au rythme de son interprétation singulière et passionnée.



Plus qu’un recueil poétique, Continuations est une invitation à la divagation, une envolée vivifiante, une explosion de liberté et d’originalité.



Tel un explorateur, le poète, nomade, révèle une prose tourmentée, fougueuse ou délicieusement diabolique avec laquelle il séduit ou choque, forçant les barrières de l’infranchissable. Visionnaires, avant-gardistes ou bien fantaisistes, les mots de Christian Fumeron ne laissent pas indifférent...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 janvier 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414505548
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-50555-5

© Edilivre, 2021
Du même auteur
Le vent gouverne (Éd. Champ Vallon, 2004)
L’invention de l’homme (Edilivre, 2016)
La vie est un livre (Edilivre, 2018)















Illustration de couverture : Coll. part. Droits réservés.
Préambule
Comment exprimer cette relation de lecture si particulière qui a lieu entre un amateur de poèmes (qui n’est pas un dilettante) et ces œuvres rares qui font de lui, à la longue, quelqu’un d’autre ?
L’essai implique une distanciation ; le pastiche, plus amical, n’est jamais loin de la parodie ; l’éloge, le toast, le panégyrique ont des roideurs de cierge. J’ai choisi une voie médiane, l’imitation sensible. Et encore ! Appliquer uniformément à tous la même recette – le calque du style ? J’espère avoir évité ce piège en modulant mes approches. Si certaines sont de naturels hommages mimétiques, d’autres s’apparentent à des rêveries affranchies ou à de libres interprétations.
Dans cette courte galerie d’effigies sont suspendues bien des figures connues. D’autres le sont moins ; quelques-unes sont enfouies dans les réserves lectoriales de l’époque. En convoquant une trentaine de mes fascinations, je ne prétends pas réécrire l’histoire de la poésie française dite « moderne ».
Quant à ce titre, les Continuations , c’est faute de mieux. Comme il n’en existait pas qui désignât la multiple façon de dire mes redevances, je dus attribuer une acception nouvelle à un brave mot courant qui passait par là.
Continuation I
Un pas de côté
« C’est en les penchant sur la margelle des puits qu’on guérissait jadis les insensés : le ciel à l’envers leur remettait l’esprit à l’endroit. »
Aloysius Bertrand (apocr.)
Un homme nouait des sources larronnes à la dévalée. Il en vint un autre, nemrod de grenouilles.
« – Où t’en vas-tu, myrmidon ? – Peindre sans bruit. – Vois comme elles giguent ! Un maravédis la brochée ! – Je préfère des mondes qui furent le vitrail éviterne… – Touchez ma bosse, archiviâtre ! »
Une jonchère me dissimula la suite de leur controverse.
*
Derrière leurs savoirs touffus, des fomenteurs aux ombres flasques comme de gros œufs sans coquille grillaient la peau de l’ours. Leurs belles guisarmes luisaient sur l’herbe.
Et au matin se levèrent langue gourde, cervelle en cendres : escamotés, leurs bilboquets ! On battit les fourrés, on fouilla les contrescarpes, on supplicia quelques gueux.
Sorcellerie de va-nu-pieds ? Invasion de pies juives ? Colère d’un anacorite ou douce malice des anges ? On ne sut expliquer. Seul le diable, adjudant de la troupe, s’en sortit sauf.
Hardi, hardi la beauté !
*
« Je ne crois ni à vos prières de lait, ni à vos pâteux onguents, ni à vos sangsues suifées » , dit le mourant. « Ma mesure s’épuise… Nul ne peut, à la fin, forger la clef de son remontoir. »
Et c’est ainsi que, Grand Régulateur du Temps Perpétuel sis au Royaume, il rendit son âme, en toute pureté.
Mais la Faculté loua son charron, qui fouetta son attelage, et la pelle et le vérin d’un dévoué nécrophile. On allait connaître.
On vit sans voir la chair se défaire, un fin balancier d’argent dans la crypte thoracique, et trois minuscules roues dorées, dentelées au centième, qui tournaient, tournaient éperdument.
*
La Moresque chiromancienne qui rôdaille à l’octroi, ses yeux sont un bûcher de sel et d’émeraudes.
Ou est-ce Lucinde, serveuse au torse camard ? Buvez donc sans croiser son regard, soiffards poisseux.
Passe une Célestine, enrôlée du désir, à tous promise. Sous le masque elle incarne, baladine luminante, la destinée.
Tous ces crânes greniers abritent une licorne hippocampe, toutes ces bravoures une veuve blanche ou bleue, cependant que je trempe ma mèche dans les vapeurs soufrées de l’ineffable bioscient.
*
« – L’adulation ? – Non. – L’or des lauriers ? – Encore moins. – Le témoignage ? – À d’autres. – La longue marche de l’art ? – Plutôt un pas de côté. – De la graine de sédition ? – C’est fini. – L’absolu ? – Improbable. – Mais alors quoi ? La barque funéraire en route vers le soleil ? – Taisez-vous, pet-de-loup ! »
Ainsi s’entretenaient le maître et l’élève. Celui-ci tremblait de tout son être, celui-là souriait à sa capiteuse croisée – de laquelle il épalait le polder de Beemster, en l’an de grâce 1612.
*
D’ondoyantes sylves festonnent le bord, au bas, que rehausse à leur suite une étendue lisse et ridée : des labours.
Puis, à mi-hauteur, deux étangs ciliés de frênes tachent d’eau claire l’espace avide.
Une arête montagneuse, indistincte, les sépare.
Au loin, dessous, la double estafilade d’un chemin s’insinue.
Le fond-de-sac du paysage bascule abruptement au sommet. Là, derrière, la sourdrée des sèves se décante en une guède grisée.
Sur le bois doré du cadre, un seul mot gravé : Europe. Mais lisez-moi à l’oblique, et vous verrez le mot Visage.
*
Quel hiver ce fut ! C’est encore. Souviens-toi.
Des pluies venteuses dont l’aigre psaltère tintait foulèrent ton toit, s’emparèrent du balcon, criblèrent tes volets.
Trois nuits durant de lune velusque, ta tête fut un musée éclos comme un lys, replié comme un cloître, à Coulefontaine.
De vagues golgothas justicièrent aux carrefours.
Brocarts ponts-levis sous tant de moirures, pistils de nymphes, tulipes à la langue râpeuse, penseurs colimaçons sous les étoiles – la tapisserie humaine aux parois de ta chambrée.
Soudain la voici sous ma lampe en un livre cristallin pailleté de spores d’épisodes, fantaisies micacées dans la lymphe des siècles – que je traverse.
*
Un ange rouge parut, clochard lyriqueux, fébrilement follet, aux grilles béantes de l’ossuaire, qui divaguait. Il prétendait accueillir les vestiges d’un indigent qui, allez savoir comment, avait fait de lui, braillait-il, un devancier nonpareil, un poète ! On le chassa à coups de pierre.
La sainte famille des glorieux aînés, à cet instant, s’égaya dans le salon pers. L’air y était lourd. On lançait maintes pensées ciselées quand les vitres de la baie, fouettées de violentes lueurs, se mirent à vrombir. Les cieux procédaient crescendo à d’agonales canonnades.
Dérobé à l’ensevelissoir, masque injuriant encore son méchef, le numéro six fut exposé devant l’autel d’une chapelle vide. Le tonnerre hurlait. Une âme filiale succéda au prêtre, puis deux fossoyeurs, une croix, la pluie cessa. Ici allait reposer, dans la noblesse indéfectible du gisant, celui qui objecta le mot.
[2014]
**
Continuation II
Et le ciel s’est fendu
De Mortefontaine à Vieille-Lanterne et par le rapt de plusieurs fées s’annonce la fin lente des enchantements. Ce temps-là des secrets qui peut-être disaient vrai, ce temps-là sinuait, – mais quelque chose viola le dernier des mystères, qu’on appelait Amour.
Dans le tourment de son visage perdu, Nerval bifurque, – traverse l’eau arrondie, les petits bois d’enfance et le bon ménage des chapelles avec les kiosques à soupirs et les péristyles moussus qui sont de hauts lutrins désœuvrés.
Qui peut aujourd’hui saisir ce qu’ils furent, ces tréteaux de verdure qu’on dressait sous les vieux chênes, aux lisières d’une oseraie, à l’ombre d’une pauvre châtellenie ? On entrait là si simplement dans une vie seconde où, derrière une porcelaine de jeunes corps, des cœurs purs se parlaient avec grâce… Soudain tout se mêlait, la résurgence antique, le génie naturel, l’effronterie acquise.
S’il existe un monde pour l’esprit, il doit bien être quelque part, non ?
La terre s’est ouverte. Il part en arrière, il part en avant, ce vagabond de petite taille mangeur de roses, qui ne sait pas encore, tandis qu’il sort en vacillant des brumes tendres de son Valois-en-France, qui ne sait pas encore que toutes ses nécessités lui seront rendues, transfigurées.
Et le ciel s’est fendu. Ses bons amis de Paris, chroniqueurs sensationnels, lui ont aimablement passé les fers de la démence disqualifiante. En son Orient chthonien, son Allemagne séminale, son Italie isiaque, il amasse, il assemble des signes qui, peu à peu, gravent une constellation nouvelle : la sienne.
Alors ses yeux le voient, infranchissablement seul, et nu, qui écarte les festons, s’introduit aux tentures, s’enfoncer sans cri dans le froissis des siècles… Au fil des ans l’encre est devenue rouge, l’heimatlos a supplanté le travailleur charmant à la phrase mâle et modeste. Il y a du fils au père un endettement de réalité, irrémissible – alors que tout revient, diaboliquement toujours tout revient comme d’un édifice les ruines se veulent réunir, immobiles.
Aussi faut-il l’imaginer, crotté comme un derviche des faubourgs, fourbu de hasards, étourdi de rencontres, ayant épuisé pour le moment le tressaut de ses affolements par toutes sortes d’affabilités pittoresques, et devancé ses anciens truchements, s’en allant rejoindre on ne sait quel réduit, quel non-lieu insaisissable où le jour et la nuit ne font qu’un, cependant que s’exalte son intime bravoure et qu’à cet instant béni, vers une page à jamais neuve, la main infralucide conduit l’âme en lambeaux.
Surgissent aussitôt du gisant misérable en chair et en os un sabbat de souvenirs, une floraison de figures antérieures, une lave de visions dans le dédale de ses existences, – tout l’œuvre à découvert de l’indicible matrice – la famille des races de jadis, dont on est par le repentir de vivre…
Qu’est-ce qu’une mission sans patrie, sinon une pensée aux enfers ? Et le rêve, ce joli mot gris, sinon l’entrée défendue de l’intraduisible ?
L’insensé est au sein de la création, littéralement. Il le sent, dernier nécromant, il le chante, dernier architecte, au promenoir sous la lune qu’on lui prête à l’écart. C’est ici le tombeau d’une bien-ai

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