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CXXIII éphémères outrenoirs
Jean Pierre Simonet
CXXIII éphémères outrenoirs
LES ÉDITIONS DU NET 126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2016 ISBN : 978-2-312-04331-9
Avant-propos
¶ trente et un août deux-mille-quinze | le tambour des médias a battu le ban de la rentrée | il a sonné la fin d’un été marqué | par le drame des « migrants » | par la terreur islamiste | par le changement climatique ¶ mon été a bruissé d’un silence assourdissant | malentendus et discordes familiaux | maladie et vieillesse de proches parents ¶ je n’ai trouvé ni apaisement | ni repos ¶ aujourd’hui | après une étrange succession | de jours de pluie glacée | de jours caniculaires | je suffoque | en respirant l’air chaud | humide | étouffant | de paris ¶ je forme le projet d’écrire une chronique | cent-vingt-trois morceaux | un par jour | entre aujourd’hui | et la fin de l’année ¶ tous les jours des phrases se forment dans ma tête | je les couche sur l’écran tactile de mon ordiphone ¶ le soir | je les transfère sur mon ordinateur ¶ un jour elles deviendront traces d’encre sur une page blanche ¶
¶ point de majuscule | point de chiffre arabe | dans mon texte | ¶ et | sont mes seuls signes de ponctuation ¶ écriture à lire | dans une scansion | réelle ou silencieuse ¶
MMXV - XXXVI
¶ lundi trente et un août deux-mille-quinze ¶ j’ai faim | proclame un panneau en carton | posé devant un homme gras | assis à même le sol | et flanqué d’un grand chien blanc sale | tout tremblant de vieillesse | lorsque j’arrive | à mi matinée | à la gare de lyon ¶ pas envie de le regarder | pas envie de lui jeter une pièce ¶ gavé de mendicité | mon cœur se ferme | sous mes habits policés ¶
¶ mardi premier septembre deux-mille-quinze ¶ assis dans l’entresol du restaurant naked | près de la grande arche de la fraternité | je mange une soupe | soi-disant japonaise | en regardant passer | par devant ma table | les élégantes qui travaillent dans le quartier | et qui goûtent | du bout des lèvres | quelque met macrobiotique ¶ leurs robes de fin d’été | donnent à voir leur joli décolleté doré | et leurs jambes bronzées très soignées ¶ je déguste du regard | les jambes des femmes | ces compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens {1} | puisqu’il faut bien passer le temps ¶
¶ mercredi deux septembre deux-mille-quinze ¶ des enfants jouent dans un parc public ¶ des parents les regardent ¶ fin de journée de début septembre | sous un ciel clair ¶ c’est l’heure de la fermeture et la gardienne du temps | clés en main | fait sortir tout le petit monde ¶ l’air a le goût frais du printemps | en ce début de soirée ¶ le ciel éclaire | je pense à mes enfants | j’ai le cœur serré ¶
¶ jeudi trois septembre deux-mille-quinze ¶ forte de mille-cinq-cent tracteurs | une jacquerie a bloqué paris ¶ les paysans font sortir de terre la nourriture | qui s’incorpore à nos cellules | en passant par notre bouche | en traversant notre appareil alimentaire et digestif ¶ avec nos paysans | nous faisons corps | indissociablement | mais nous n’avons plus la reconnaissance du ventre | nous ne payons plus la nourriture | fruit de leur sang et de leur travail | à son juste prix ¶ forts de quelques promesses insipides | prodiguées par un gouvernement sans saveur | les paysans s’en sont retournés chez eux | par une amère nuit ¶ je me souviens d’une gravure | en couverture d’un livre publié par henri mendras | en mille-neuf-cent-soixante-dix ¶ on y voyait un paysan | dans un cadre naturel | au milieu des ses bêtes ¶ le livre s’intitulait la fin des paysans | nous y voilà ¶
¶ vendredi quatre septembre deux-mille-quinze ¶ chaque matin | à la défense | je rejoins mon bureau depuis le quai du rer ¶ j’emprunte le passage des reflets | à la pointe ouest des quatre temps ¶ pour empêcher les pigeons de nicher dans l’entrelacs des canalisations sous plafond | de chier sur la tête des passants | les gestionnaires de l’espace public ont installé un filet anti-pigeon | quand d’autres installent des barrières anti-migrant ¶ le pigeon est malin | il arrive à se glisser entre les mailles du filet | il arrive à se poser sur les canalisations | sous le filet ¶ las | son roucoulement est de courte durée | et se transforme en battements d’ailes désespérés | lorsqu’il se rend compte | qu’il ne trouve pas la sortie | qu’il se trouve piégé dans la nasse ¶ commence alors une lente agonie ¶ pendant icelle il se conchie | nous fait l’offrande du contenu de ses tripes ¶ en y regardant bien | modernes haruspices | nous pourrions y deviner notre avenir ¶ puis | un jour | cessent les battements d’ailes ¶ le pigeon tourne en un petit tas de plumes | os | pourriture | mêlés ¶ je suis un pigeon | pris dans les rets du temps ¶
¶ samedi cinq septembre deux-mille-quinze ¶ tard | dans la soirée | affalé dans un fauteuil | j’ai zappé | sur l’écran de l’idiot box ¶ soudain | est apparu l’inspecteur columbo ¶ ce lieutenant de la police criminelle de los angeles | incarné par peter falk | m’a toujours touché ¶ il est à l’opposé | de la représentation habituelle des policiers | de la filmographie hollywoodienne ¶ columbo est simple | adore se faire passer pour simplet | bien éduqué | modeste | déférent | et par-dessus tout | il est redoutablement intelligent et perspicace ¶ il ne laisse rien de côté | réussit toujours à confondre le coupable | connu du téléspectateur depuis le début ¶ sa touchante façon d’être | son cabriolet peugeot quatre-cent-trois démodé | m’ont une fois de plus | à quarante ans de distance | enchanté ¶
¶ dimanche six septembre deux-mille-quinze ¶ dieu conclut au septième jour | l’ouvrage qu’il avait fait | et au septième jour il chôma | après tout l’ouvrage qu’il avait fait ¶ dimanche | jour du seigneur | jour de repos | fourré sous la couette | jour chômé | jour des interrogations métaphysiques | jour de la brioche aux fruits confits | fourrée à la crème pâtissière | jour du cinéma ¶ on y donnait une comédie belge {2} | sur dieu | sa femme | son fils jc | sa fille ea ¶ dimanche | veille du lundi qui déchante ¶
MMXV - XXXVII
¶ lundi sept septembre deux-mille-quinze ¶ je ne sais si je pars | si je reviens ¶ je pars | pour me rendre à mon travail | dans mon bureau | à paris ¶ quelle force me tire là-bas | pourquoi est-ce que j’écris mon travail | mon bureau | pour désigner un lieu sans grâce | où j’accomplis quelque obscure tâche bureaucratique | pour une administration sans âme ¶ je devrais écrire | passe-temps rémunéré | bureau | ou bien temps et bureau | ou mieux temburo ¶ pétri d’un sens aigu de l’inutilité | je me rends au temburo | mu par la force de l’habitude ¶ je marche dans la ouate | je ne me sens pas moi | mais pas non plus un autre ¶ je suis | comme un souffle léger dans l’éther ¶ à travers la vitre sale du rer | je vois un panneau publicitaire qui clame | que tout le monde lit society ¶ moi je lis sausalito | mon esprit s’envole | dans le charmant port de sausalito | au nord de la baie de san francisco | à bout touchant du golden gate | et se pose | sur les house-boats habités par des artistes et des baba cool ¶ la vie semblait belle cette année-là | nous cherchions les sculptures marines | de mark di suvero | sur la grève de la baie ¶ ce temps-là est advenu | un bois flotté | sur le sable noir d’une plage du pacifique ¶
¶ mardi huit septembre deux-mille-quinze ¶ ordinaire la matinée au temburo | ordinaire et solitaire le repas de midi | ordinaire l’après-midi passé à aligner | sur l’écran plasma de la machine-à-penser-pour-nous | des mots | qui forment des phrases | des paragraphes | des chapitres | des documents | dits structurés | avec un sommaire actif ¶ voilà à quoi je passe mon temburo | je suis un arrangeur de mots | une sorte de compositeur | de la petite musique sordide et lancinante | de l’administration gouvernementale ¶
¶ mercredi neuf septembre deux-mille-quinze ¶ aujourd’hui jour de réunions au temburo | grandes réunions | importantes réunions ¶ ils montent des services déconcentrés provinciaux | ou de leurs bureaux | ils s’assoient autour d’une grande table rectangulaire | recouverte d’une nappe bleue | des paroles sortent d