Géographies
87 pages
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Géographies , livre ebook

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Description

Géographies est son premier recueil. L’auteur y a rassemblé quelques-uns des textes écrits lors de ses séjours professionnels en Afrique mais aussi lors d’allers retours touristiques ou purement virtuels.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 novembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312017006
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Géographies
Luc Madec
Géographies
Poèmes








LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01700-6
Ailleurs
A FRIQUES (1979-92)
Afrique (Nord)
A U NORD D ’O UZOUD (1979)
Cinq cordes en nylon
Frottées
Un archet de fortune
Les sons amplifiés
Par le bidon d’essence
Percé au bon endroit
Les sons amplifiés
Par le Moyen Atlas
Qui prolongeait l’aurore
Nous avaient délogés
D’une nuit hors du temps
Elle gardait ses moutons
Au pied des neiges éternelles
Ses doigts couraient
Le long du manche
Elle était sale
Et ses habits déchirés
Rouge et or
Par le passé
Cristaux sonores
Qu’elle offrait au ciel
Un sourire
Tout à l’invisible
Sans se soucier
Du reste
De nous
Qui ne savions plus distinguer
Le vrai du faux
Nos corps fourbus
D’un partage illicite
Surtout ne pas s’accrocher
A une vie possible
Au plus vite
Lever le camp
Et reprendre la route
U TIQUE R UINES
Tandis que la chaleur plombe la ville
Les carreaux de mosaïque se détachent
Les couleurs s’éparpillent
Les poissons perdent leurs écailles
Et la mer son écume crémeuse
Je foule un sol qui se disloque
Jusqu’aux guerres puniques
Soulevée par les racines d’un figuier
L’allée de marbre à l’ombre des lauriers roses
Les navires n’accostent plus ici
Les scènes bucoliques sont en miettes
Je peux fermer les yeux et la ville recueillir
Les confidences d’un naufragé du soleil
ROUTES A LGÉRIENNES , PRINTEMPS 1990
Là comme partout ailleurs, un meurtre a été commis, à l’arme blanche. Après une course folle, dans le champ de ruines. Ruines exsangues, mer bleu-roi. C’est, paraît-il, le seul endroit au monde où l’eau a choisi cette couleur. Spectateur. Encore cette impression de violer l’intimité d’une communauté en exil. J’ai déjà visité de nombreuses villes mortes, en toute innocence, me suis servi de leur marbre blanc comme d’un miroir. Une forêt de colonnes corinthiennes supporte aujourd’hui le poids du ciel. L’arc de triomphe s’apprête à accueillir Scipion le Conquérant ; il se dresse au centre de la cité, en plein soleil, il attend, obsolète. La mémoire des pierres, immobile. Le squelette d’une fourmilière avec encore, ça et là, quelques lambeaux de couleurs et de formes patiemment rongés par le temps.
On a donné quelques dinars aux enfants sans histoires ; j’ai béni leur inconscience, ils ont souri comme jamais je n’ai vu des gamins sourire, au milieu de leurs chèvres et des vestiges qui ne les concernent pas. Quelques dinars, que faire d’autre ? Peut-être les jeter dans une fontaine porte-bonheur. ‘Donne-moi un dinar…’. Pas besoin de visite guidée, je veux entendre battre leur cœur, alors surtout pas de guide bavard et insolent, je veux entendre le cœur des pierres, seul. Le théâtre est là, intact ; y résonne encore l’écho d’une tragédie, suinte dans les coulisses le trac d’éternels débutants. Mais le spectacle cède bientôt quelques-uns de ses interstices aux premières fleurs sauvages, aux premiers mollusques à coquille. Combien de saisons des pluies, combien de sable depuis l’abandon de la scène ?
On a repris la route dans le brouillard. Berbères enveloppés dans trois épaisseurs de pauvreté, leurs visages de star, en dehors de la ville sale. Demain, on sera à la lisière du Sahara qu’on longera à la recherche d’une carrière de roses brunes. La pompe à eau risque de nous lâcher à tout moment : que deviendront nos projets, que nous restera-t-il à faire ?
La baie de Séraïdi, les petits restaurants de la côte Est, la trouille de nos héros morts tous les vingt kilomètres en plein cœur des Aurès. Dévaler la pente abrupte et plonger dans un lit de lauriers roses et frais, que ferons-nous ? Alger à l’écoute du monde, avec une multitude d’oreilles paraboliques, quelques mètres au-dessus des poubelles pleines à ras-bord. Les villes impériales, les jardins de l’Allambrah, la coupe du monde de football, le tournoi de Roland Garros, les canyons de l’Andalousie…
Après s’être assis à moins d’un mètre de moi, après avoir introduit son regard dans la franchise qu’il me reste, le singe des gorges de Kherrata se saisit délicatement du morceau de pain que je lui tends. Tout à l’heure se déplaçait comme un chien. Sa main est exactement semblable à la mienne mais c’est moi qui offre le pain et c’est lui qui a peur. Rigoureusement la même, jusqu’au bout des ongles, et il a peur, il me craint comme si j’étais un pestiféré, comme si j’étais contagieux et que la mort m’accompagnait, comme si j’étais l’image de la mort. Avec une souplesse inouïe, ses copains s’amusent ou se chamaillent dans un figuier voisin tandis que d’autres tentent de piquer tout ce qu’ils peuvent dans la voiture dont les portières sont grand-ouvertes.
D JÉMILA (1990)
Tiennent vos traits en mémoire
Bien plus
Qu’un triomphe de pierre
Il fait froid
Les pavés ont éclaté
La route ne mène plus nulle part
Foules quotidiennes
A fleur de terre
Egrenées
Vingt siècles de vent
Plus au sud un désert







Afrique (Ouest)
B ALLADE IMMOBILE SUR LE FLEUVE N IGER
Bleu froid, par hasard
Au bon moment
Au bon endroit
D’aventure
En aventures
Berges brumeuses
En noir et blanc
Jaunissent sous le verre
Les instantanés
J’ouvre une Afrique coloniale
Vue d’un tueur de trophées
La pirogue en acajou trône
Devant les yeux
En habits du dimanche
Preuve intouchable alors
Fermer les yeux
Prennent vie
Les lèvres du piroguier
Les écailles du crocodile
Les murs de sable de Gao
Là où s’arrête le goudron
J’écoute
La lumière du jour
Un jour
Que l’on n’épargne pas
Rien d’électrique
Rouges les lèvres du piroguier
Vertes les écailles du croco
Rose le sable caressé par le vent
Bleus les matins à la source
A l’aube du jour de chasse
On affûte l’arme blanche
S UR LA ROUTE DE C ONAKRY -N IMBA
Un arbre au milieu de la ville
Vestige vivant d’une peste venue du froid
Rien à comprendre
Riant tu me disais
Le microbe ne tue pas l’africain
Sûr, et je filtrais
Odeurs de peau de pluie et de lessive
D’insectes engourdis
De scorpions noirs et maladroits
De cobras voleurs de poules
Le toit d’un monde prospecté
Ors vert et rouille
Je me souviens d’une savane foulée pieds nus
Par des rebelles hauts
Comme deux kalachnikovs
Un jour de crue le pont céda
Le bac rompit ses amarres
Au désespoir des pieds chaussés
Du mauvais côté de l’humanité
T’as bien rigolé
Découvrant ta porcelaine déchaussée
A nous les canards à l’orange africaine
Un rire de passage
Aujourd’hui est un autre jour
Beau sillonner la savane
Sans toi je suis perdu
Cobra aux yeux secs et rire de paille
Orphelin d’une peau nue
D’une vie sans butin
P ASSAGE À Z IÉLA
J’étais tombé par hasard
Sur une propriété abandonnée
Sans raison apparente
Ouverte aux quatre vents
Des lambeaux de tissu
S’agitaient aux fenêtres
Des larves d’insecte flottaient
Dans l’eau croupie de la baignoire
On était en été
Un chien sans maître flairait
Fébrilement la bonne affaire
Une chèvre efflanquée
Arrachait quelques brins d’herbe
A la belle saison
Les manguiers plantés là
Offrent leurs fruits
Comme si de rien n’était
S UR LA CRÊTE DE N ION , M ONT N IMBA
La forêt devenait de plus en plus dense
La pente de plus en plus raide
Nous avions laissé Gouela
Et ses éclopés du bout du monde
Qui observaient impuissants
Leurs plaies gagner du terrain
Toute vie animale s’éclipsait à notre approche
Ascension pénible et silencieuse
Les vêtements trempés de sueur et de pluie
Assuraient un peu de fraîcheur moisie
La fatigue alourdissait nos pas
Juste avant la nuit la prairie d’altitude

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