Jusqu au rien
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Jusqu'au rien , livre ebook

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Description

"Elle se dressait là au sommet d’une digue regardant la mer, les bras tendus, avec un goût de sel et de vent sur ses lèvres. Entre le ciel et elle il y avait cette lumière de cendre que baignait lentement le sable. Elle ne disait plus rien, elle pleurait. Le jour avait ouvert les branches de ses mains, oubliant le secret d’un sanglot devenu muet... rien qu’un instant encore pour un bord de ciel qui invente une autre fois... quel souvenir d’avant le souvenir? Elle eut envie d’aller plus loin mais elle ne le pouvait pas. L’illusion ne ressemble pas à l’espoir, elle en est le remords. L’oiseleur de l’impossible ne retient pas le calme vol des ailes qu’il emprisonne." Elle : figure centrale de ce "Jusqu’au rien" de R. Magnant. Mais un centre qui serait comme absent, un point trouble, dont la présence ne serait jamais assurée. Un centre en creux, sur lequel les mots achoppent, qui se laisse devenir plutôt qu’entendre, qui sert de pilier à ce texte sans jamais être véritablement là. Une femme qui tient ainsi de la Sphinge et du spectre, faite de silences et d’évanescence, pour une œuvre en fragments et en éclats, conjuguant prose et poésie... Impressionniste...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 novembre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748371550
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jusqu'au rien
Raymond Magnant
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Jusqu'au rien
 
 
 
À Nadine Wuillaume
 
 
 
 
…vous ne retardez jamais l’instant qui m’éloigne…
Benjamin Constant
 
 
 
… Qui ne naît ni ne meurt,
Je me souviendrai peut-être
Et peut-être j’oublierai…
Christina Rossetti
 
 
 
Préface
 
 
 
Un homme, une femme. Mais qu’on est loin, ici, de l’histoire convenue – de l’amour consommé.
Tôt dans sa vie, un homme voit une jeune fille, il ne voit qu’elle. Il la regarde. Toute sa vie, il la regarde. Elle ne lui a laissé aucune illusion – du reste, il ne lui a rien proposé. Que pourrait-il bien lui offrir ? Elle est celle qui s’écarte et qui passe. Si elle revient, c’est pour se dérober encore. Il le sait, Il ne demande rien. Elle se cogne à tout et à tous, il l’aurait protégée, peut-être. Elle s’épuise. Il souffre de ne rien pourvoir pour elle.
La vie brasse attentes et hasards, les temps se confondent. Rien n’est sûr, rêve et réalité ne sont qu’un. Au fond, n’aura été réel, n’est réel, que cet amour dans son absolue modestie, « ce trop vaste espoir de rien ». Comme une ligne de vie : la préférence non choisie pour l’inaccessible, la voie sans issue de l’impossible, ce « renoncement opiniâtre » qui est aussi son contraire, la permanence du feu.
On est tout près du pur amour cher aux mystiques. L’absence n’est pas la rupture, le manque n’est pas le vide, ou le vide est un mode d’existence, une façon d’être et d’aimer.
Raymond Magnant écrit avec de la lumière et de l’eau. Sa prose coïncide avec ce qu’il sait de la quête humaine, « c’est la vague qui aussitôt déferlante est recouverte par une autre et une autre. Tout au plus reste-t-il cette frange brillante sur la grève mobile où se noient les plus impossibles certitudes ». il a des phrases d’un dépouillement splendide : « Tu sais, je voudrais que tu ne t’en ailles pas encore », des images qui triomphent de toute idée d’avoir et de pouvoir : « Si la neige était ce retour impossible auquel on croit toujours ? ».
Il faut un grand courage pour faire face, ainsi, sans illusion aucune, à l’inanité de nos désirs et à la vanité de nos entreprises. Le plus beau est qu’ici cela se fait sans amertume, ni cynisme, ni désespoir mais au contraire dans une sorte d’émerveillement douloureux où se rejoignent tristesse et joie, incompréhension et connaissance, révolte et acquiescement : « Toutes les blessures infligées n’auront eu pour effet que de laisser moins avide la bouche enfiévrée. »
 
Laurence Cossé
 
 
 
 
 
 
 
Elle se tenait là, assise sur le bord du lit, la tendresse glacée de ses doigts dans un geste hésitant frôlant ses lèvres.
Elle ployait la tête sous le désordre de ses cheveux. Elle se taisait… à quoi bon les mots. Son regard sauvage et solitaire devenait craintif lorsqu’il se levait vers le sien.
Était-ce là le signe de futures défaites, d’une faiblesse pleine d’abandon… Sa bouche devenue douce semblait dire tout cela dans une faiblesse grave ou flottait une incompréhensive peur.
 
L’aube naissait dans les rideaux, ses yeux retournèrent vers les siens, et pour la première fois ils se comprirent.
Lui, toujours immobile dit tout bas : reste…
Elle voulait être approuvée telle qu’elle était s’offrir et se refuser sans réserve à la vie.
C’était tout.
 
 
 
 
 
 
 
Tant de lendemains qui s’efforcent au silence et si peu de nuits promises dans la patience d’une fin… si peu… à peine des digues et des gués, des passerelles et des embarcadères, une main pour perdre ou unir ton regard dans la dentelle froide d’un contre-jour, jusqu’à la pointe extrême de tes mots sans mots, et brève ta voix qui cherche une rive, l’écume trouble d’avoir été le sommeil d’un visage entre du sable et des heures, le regret d’un autre matin qui perce la clarté de cendre prise aux filets de tout de ce qui ne peut finir, ni mourir.
 
Le jour avait résumé nos silences. Dans la ruelle où l’on oublie, c’était l’espace de pierres sans ombre quand le noir vacille au gré d’une flamme frêle contre le carreau éteint d’une fenêtre, le halo des chemins de suie.
 
Elle m’attend là, elle ne me parlait que dans l’écriture de ses questions comme l’on pleure ou l’on aime, comme le rien de la pluie, la poussière d’un rire. Elle me disait le murmure de ses mots, enfermés dans des prisons de miroirs.
 
Peut-être me suffisait-il de dessiner son nom sur ma bouche, d’entrouvrir l’obscurité des flaques d’eau sur les rebords des pavés. La nuit tournait autour de tes yeux, loin derrière la ligne floue des terrains vagues et le récif des lendemains où tu t’en allais, changeant de lieu comme un feu enseveli, tes mains nues cherchant des aubes invisibles.
 
Quand le soleil séchait les toits, elle regardait le ciel en le serrant contre elle, même s’il était trop haut, même si elle ne le reconnaissait pas. Un jour, lorsqu’elle partit, ce fut comme un assentiment discret, une obéissance dans le désarroi qui cherche, l’exil muet de son geste, sa nudité peureuse, son lent désordre à peine déguisé, le silencieux envoutement de l’imprévisible où elle se défaisait. Il y tant de mots qui noient et accueillent… tu ne t’attardais jamais à cela…
 
Tu es sans futur, sans passé, l’ombre des arbres monte et se déplie comme une invisible cendre, l’inachevé d’une eau qui s’écoule sur des lignes buissonneuses. Comment finir quand on ne sait où cela recommence…
 
J’ouvris la fenêtre, offris mon visage à la morsure de l’air, le souffle retenu des heures que l’on n’épuise plus. Tu habitais encore la soif du ciel.
 
… et l’aube bientôt encore comme une neige grise sur la fatigue du blanc vers où nous sommes allés… une île posée sur l’horizon que mes yeux brisent ou inventent, de quel désir, de quelle absence jamais aboutie… peut-être que cela s’appelle le temps, un silence me recouvre comme une terre morte, par-delà toute ruine, tout désaveu.
 
 
 
 
Et la parole est notre seule absence
 
 
 
Combien d’heures, d’années me séparent de toi ?
La fenêtre est noire ; c’est demain.
Quelle est cette autre chose que je ne connaîtrai jamais quand rien ne reste sur la fatigue de l’invisible, rien ou presque… le signe dont l’ombre est le voyageur, tout ce qu’on peut dire encore à la terre, à la pluie, à ce qui n’a pas de nom, au ciel dans l’eau.
 
L’aube allait à ma rencontre, me touchait de la pointe de sa clarté nue, dans le gris poudreux des arbres où elle se glissait.
Je ne l’imaginais pas, elle vivait, elle vivait peut-être parce que je n’avais aucune idée de son visage, que je l’avais oublié mais que, dans cet ailleurs hésitant du ciel je continuais à le chercher. Elle était l’aujourd’hui qui demeure quand les jamais sont des toujours ? Il pleut sur la lumière qui oublie…
 
J’écris sur les feuilles des jours et c’est toi dans chaque matin pour effacer hier, toi mon invisible pour me porter et emporter.
— N’y pense plus, tais-toi.
Ma vie t’écoute. Le temps est le cœur noir des tes yeux, la plainte dormante de ton sourire triste qui s’en va de reflet en reflet, de refus en refus, seulement cela.
 
 
 
 
I – Ce que je sais d’elle
 
 
 
Que puis-je confier au silence que tes lèvres ne traduisent ? Le souvenir n’est qu’une goutte d’instant, comme si je voudrais que rien ne fût dit afin d’en prolonger la lente fuite partout où tu n’es pas.
J’ai renoncé aux heures d’un plus tard.
* * *
Au-delà des nappes d’ombre encore bleues du crépuscule, ses pieds nus enjambaient l’écume des vagues avec une subtilité intrépide. Dans sa hâte enfantine de loin, elle venait vers moi…
* * *
Que peut-on découvrir dans l’impassible dénuement de son geste ? N’est-ce rien d’autre qu’une voix qui brûle l’instant sur des lèvres doucement mordues ? La nuit l’enferme et la délivre. Il n’y a pas de passé dans le moment qui s’achève.
 
On ramassait des feuilles sur un banc – je ne sais plus l’heure, je ne sais plus la saison.
 
Le vent fraîchissait, elle n’a pas bougé de place, elle préfère le silence à des paroles qui pourraient faire mal. Quand elle se détourne un peu la solitude la regarde comme de brèves pluies sur l’eau… Lui aussi la regarde. Comment le malheur peut-il être beau ?
 
 
Il la voyait, comme une Colombine un peu lasse, émerger très lentement de l’incertaine clarté des vitres, comme un feu courant sur les crêtes de l’aube.
 
Il s’éveillait avec sa voix, tout ce qui était elle, le péril, la source et le miracle. Il mesurait sa peur à son amour, à la dérive de ses mots, la fatigue d’un rire dans le piège d’une vie inventée.
 
Quand elle dormait il passait des doigts furtifs sur sa bouche, si précise, si simple parce que sans le savoir, elle inventait le dernier obstacle du plus merveilleux secret.
 
Je n’ignore pas pourquoi je l’ai imaginée ainsi, avouant par bribes sa tristesse, ses refus, ni pourquoi je l’ai tant regardée quand il était presque trop tard.
 
Apprendrai-je seulement qu’il faut habiter ce qui ne se peut pas, se perdre dans la fuyante poussière d’une invisible nuit ? Parler m’en rapproche-t-il ?
 
Elle dormait… la lampe éteinte comme un murmure de patience, l’entrebâillement de la lumière ajoutant un peu de vie à ma vie fragile, perpétuelle dans l’obscur effroi du bonheur.
 
Elle pourrait avoir mille fois le même visage, être le secret d’un temps qui n’est plus le temps mais une flamme soufflée, quelques ombres qui se dé

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