Si l’homme est un animal qui se sait mortel, le poète est le seul à approcher l’éternité. Pris entre la volupté du monde, et la transcendance du Verbe, la poésie de Julian Cerutti nous montre le tracé qui mène à une passion achevée, clairvoyante, à l’instar de la lumière émanant des mots qui la servent… Pointe alors à l’horizon le sans fin, à l’image d’une boucle que l’on répète: l’amour, l’intemporel, une même fulgurance pour l’homme dont on sait que son rapport à l’éternité ne peut s’inscrire que dans l’intensité, et non la durée. Dans la préface du recueil de poèmes, "Poètes, vos papiers", un Léo Ferré d’humeur plutôt caustique déclare que "la poésie contemporaine ne chante plus. Elle rampe. Elle a cependant le privilège de la distinction, elle ne fréquente pas les mots mal famés, elle les ignore. Cela arrange bien des esthètes que François Villon ait été un voyou. On ne prend les mots qu'avec des gants: à "menstruel" on préfère "périodique" […] Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse. Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, c'est la poésie qui illustre le mot." C’est en ce sens que Julian Cerutti a fait sienne cette pensée du maître. Libérée de toute contrainte, sa poésie congédie la finitude, abhorre et tance les timorés! Faire de sa propre misère un riche bagage, voilà l’agir du grand poète!
Voir