L'Inaccompli

Michel Parrat

Description

Le poète adresse « ces pages à tout amoureux de la poésie, de la mythologie et de la nature ». Son recueil de poèmes rimés s'inspire du célèbre mythe d'Orphée séparé d'Eurydice. Émues par ce drame malheureux, les Dryades initient l'amant devenu mutique au langage des différentes espèces d'arbres. Grâce à la révélation des mystères du monde naturel par les amicales nymphes, Orphée retrouve peu à peu le goût de vivre. Il prend de nouveau la parole pour chanter une ode accompagné de sa lyre et ainsi conjurer le triste sort de celle qu'il aime. Légende des temps immémoriaux où les hommes ne faisaient qu'un avec la nature, ce récit d'un amour contrarié – inaccompli – emporte par son lyrisme.

Sujets

• Poetry
• Poésie
• Littérature

Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 05 février 2019
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782414309726
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

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ISBN numérique : 978-2-414-30973-3

© Edilivre, 2019
Du même auteur
Du même auteur :
Le matin du druide ou le conte de la lune 1984
(Forme et Langage)
Paroles d’étoiles (poésie) 1993
(Imprimerie Benet)
L’étoile bleue (roman fiction) 2016
(Edilivre)
Le miroir désert (poésie) 2017
(Edilivre)
La dévoilée (odes mythologiques florales) 2017
(Les Plumes d’Ocris)
Orphée et sa lyre, mosaïque romaine
Dessins originaux de Sylvie Libourel
Exergue


À mon père, dix années déjà…
« L’arbre du silence porte les fruits de la paix »
(proverbe arabe)
Prologue
Les arbres ou buissons connus du monde antique
Figures ou totems dans les tribus celtiques
Ont été vénérés des Grecs ou des Romains
Comme par les peuplades de Gaulois ou Germains.
Encensés dans leur culte ils leur attribuaient
L’incarnation boisée de Dieux ou de Déesses,
Leur croyance sylvestre pour eux perpétuait
Les forces de la vie régénérées sans cesse.
De ces troncs vigoureux nombre de créateurs
Poètes, troubadours, aèdes ou conteurs
Ont chanté l’arbre comme une image éternelle
Religieuse ou profane en brillante chapelle.
Son cycle naturel le met par excellence
En relation avec la mort la renaissance
Il unit à lui seul les niveaux du réel
Le rêve conscient l’éveil spirituel.
Pont du ciel il défie de verticalité
La matière et l’esprit le ciel avec la terre,
À la fois connaissance il est fécondité
Source de protection et objet de mystère.
Notre histoire est le fruit d’antiques traditions
De rites végétaux et d’arbres consacrés,
Depuis la préhistoire aux civilisations
Archaïques ou modernes ils restent adorés.
Qui peux mieux rapporter leurs paroles boisées
Que les Nymphes liées à leurs destins croisés,
Écoutons à présent l’histoire d’Eurydice
Pour qui l’amour d’Orphée fut mortel préjudice…
L'Inaccompli
 
 
Montant des profondeurs de la Terre noyée dans la brume mouvante une voix mélodieuse aux accents affligés déchira le silence :
– Chacun a entendu mon tragique destin
Dans le noir des Enfers s’éveillent mes matins,
Mon nom est Eurydice et je suis née Dryade
Pour un chêne choisi je fus Hamadryade,
Orphée vint me chercher puis devint mon époux
Nous vécûmes des jours et des moments si doux !
Poète musicien il chantait de sa lyre
Et ses mots résonnaient de la Thrace à l’Épire,
J’étais insouciante et heureuse à la fois
J’en avais oublié mes rêves d’autrefois.
Puis vint ce jour funeste où je partis cueillir
Quelques fleurs dans un pré afin de recueillir
Leur beauté leur parfum et leur délicatesse
Afin de les offrir à mes chères déesses,
Mais le Dieu Aristée voulut me pourchasser
De ses élans soudains je devins angoissée
Et courus pour m’enfuir et sauver mon honneur :
Mon pied sur un serpent a signé mon malheur !
Au fil de son épée Thanatos prit ma vie
Orphée fou de chagrin aux Enfers m’a suivi
Perséphone et Hadès par son chant adoucis
Se montrèrent cléments mettant pour condition
Qu’Orphée n’ouvre les yeux qu’à ma libération,
Las ! Il se retourna juste avant l’éclaircie
Pour moi inespérée au bout d’un long tunnel
Où je fus engloutie dans le noir éternel !
L’eau de mes souvenirs en ce sombre séjour
Coule sur mon passé lorsque luisait le jour
Dans l’été frémissant sous les futaies des chênes
Quand je dansais au vent libre de toutes chaînes !
Le rire de mes sœurs Dryades au loin s’est tu
Mon amour pour Orphée à jamais s’est perdu
J’en appelle aux Dieux et aux Génies des bois
Pour que cesse la peur de mon cœur aux abois !
J’aimerais caresser une dernière fois
L’écorce tant aimée rugueuse sous mes doigts,
Dryades, accomplissez en souvenir de moi
Ce geste rituel comme un acte de foi,
Racontez à chacun l’histoire arborescente
Des bois et végétaux pour nous évanescente… »
Du fond de leur jardin les Hespérides Aeglé , Erytheïa , Hespéris , en compagnie des Dryades Chrysopélie, Caïssa et Aïgeïros cessèrent soudain toute activité. Cette voix venue de la nuit, elles la reconnurent entre mille… C’était celle de leur sœur Eurydice !
Orphée, le visage décomposé et le cœur arraché, lentement s’avançait à l’orée du jardin. Ombre parmi les ombres dans ce brouillard épais, il errait égaré vide de sentiments. Sa lyre inutile balançait sa tristesse depuis ses bras ballants jusqu’au bout de ses doigts.
Les dryades , impuissantes, ne purent assister qu’à l’expression figée de sa désespérance. Son regard sans éclat tourné vers le néant luisait étrangement dans le noir infini.
Se prenant par la main en cercle autour de lui, les Nymphes entamèrent leur ronde lancinante, psalmodiant les yeux clos et les lèvres entrouvertes leur mélopée brisant la lourdeur du silence :
 
–  Divinités cachées et gardiennes des bois
Force végétale des forêts d’autrefois
Nous avons le brillant de belles jeunes filles
Errant en liberté de nuit comme de jour…
Nous, Dryades , dansons à l’ombre des charmilles
Si frêles et si légères évoluant autour
De l’arbre consacré placé sous notre garde
Afin de garantir toujours sa sauvegarde.
Gardiennes redoutables une hache à la main
Nous guettons l’impudent téméraire et hautain
Qui oserait s’en prendre à nos arbres chéris
Sans compter sur la foi de nos cœurs aguerris !
Nous sommes toutefois comme dépeintes douces
Bienveillantes venant toujours à la rescousse
De voyageurs perdus ou aidant les bergers
Au secours des enfants dans les bois égarés.
Nos sœurs Hamadryades, liées à un seul arbre,
Ont le triste destin de périr avec lui
On les verra plus tard dans les antiques marbres
Muettes racontant leur histoire enfouie.
Écoute dans le vent bruissant dans les feuillages
La légende des arbres, végétaux ou branchages,
Au silence feutré de gloire et de renom
Planant sur les futaies en murmurant leurs noms…
Voici pour toi Orphée les mythes primordiaux
De Déesses ou Dieux qui les ont engendrés
Ils t’offrent la couleur de leurs instants cruciaux
Dans ton monde aujourd’hui à jamais effondré ! »
Mais Orphée n’eut aucun semblant de réaction. Il demeura prostré dans son mutisme sombre. Les Dryades, insistantes, le prirent par la main :
–  Viens avec nous Orphée partager les secrets
Et la magie des arbres habitants nos forêts !
Ensemble accomplissons d’Eurydice les vœux
Qui pour toi murmura le plus doux des aveux…
Prête-lui tes oreilles pour qu’elle puisse encore
Une dernière fois entendre les accords
De ta lyre louant l’histoire et la splendeur
De nos arbres faisant du monde sa grandeur ! »
Un éclair foudroya soudain les yeux d’Orphée… Il vit dans le regard des Nymphes tout l’amour porté par Eurydice, il entendit dans leurs chants la voix de ses paroles. Il tendit au hasard une main confiante et se laissa porter guidé par l’étrange douceur qui en lui s’infiltrait.
Marchant à reculons, les Dryades l’invitèrent à les suivre jusqu’à l’orée d’une forêt d’où un rayon de lune laissait deviner la silhouette d’arbres autant différent les uns que les autres. Elles l’encerclèrent à nouveau tout en lui murmurant :
–  Suis-nous dans la forêt où aucun maléfice
Ne pourra jamais plus t’éloigner d’Eurydice…
Apprécie la beauté des arbres survivant
Aux communs des mortels jusqu’aux siècles suivants,
De leur essence pure apprécie les bienfaits
Pour calmer la douleur de ton amour défait
Ne sois plus cet errant dans son âme écorché
Qui sans but sur la Terre ne sais plus où chercher
L’ombre d’un seul sourire pour éclairer sa nuit
Longue de trop d’absence et de mortel ennui,
Viens avec nous Orphée sous les futaies occultes
Célébrer avec nous des arbres l’ancien culte ! »
Orphée baissa les yeux pour les suivre en silence.
Le premier arbre rencontré se dévoila dans la pénombre, puis peu à peu l’obscurité fit place à la pleine lumière du jour révélant les contours d’un acacia . De leur voix douce et envoûtante les dryades poursuivirent :
– Dans les bois d’acacia nous gardons en secret
Le mystère d’Isis et d’Osiris ancré…
Sous sa ramure est né le grand Dieu Osiris
Époux frère et amant de la divine Isis
La légende nous dit que son esprit habite
L’esprit des acacias depuis sa mort subite…
Guide spirituel des prêtres égyptiens
Il est l’arbre sacré de l’illumination
Menant par son langage à l’initiation
Et l’approche des Dieux par des rites anciens.
Il préside à l’éveil de la vraie renaissance
De l’esprit imposant sur la chair la naissance,
Puissance de la vie au symbole phallique
De l’immortalité il devient symbolique.
Il fut buisson ardent attisant de son feu
L’alliance et la foi ...