Les Confessions du silence
108 pages
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Les Confessions du silence , livre ebook

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Description

«?Le monde est sourd parce qu'il n'arrête pas de parler à tort et à travers. On ne peut pas à la fois parler et écouter. L'écriture accomplit cette magie. Tandis qu'on peut parler sur l'autre, l'un cherchant à couvrir la voix de son interlocuteur, lire l'autre est un échange équilibré qui suppose le respect, l'attente de l'expression jusqu'à sa fin.?» Sylvie Salzmann compose une ode au silence, qui occupe une place essentielle dans son existence. Par touches légères et délicates, elle saisit des instantanés de son vécu et décortique leur signification. Cultivant un goût prononcé du détail, de menus événements prennent à ses yeux une dimension particulière. Ses réflexions pertinentes mettent ainsi en lumière les ressorts cachés d'activités silencieuses telles que la lecture, l'écriture, le deuil, le sommeil, ou encore la marche. Sensible au monde qui l'entoure, elle nous engage à dresser l'oreille, à garder nos sens en éveil, pour savourer chaque instant. L'ouvrage est souvent ludique, égrenant les traits d'esprit et les jeux de mots, s'amusant des possibilités offertes par le langage.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 février 2017
Nombre de lectures 8
EAN13 9782342150384
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Confessions du silence
Sylvie Salzmann
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Les Confessions du silence
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://sylvie-salzmann.societedesecrivains.com
 
« Il y a bien des façons de passer à l’acte. Se taire en est une… »
J.-B. Pontalis
 
Je puis être gêné, éloquent, lourd de significations…
En musique, je suis indispensable…
J’exprime tour à tour la sagesse ou l’ignorance…
Je suis épais ou léger…
Tantôt long, tantôt court…
Je finis toujours par m’imposer…
Qui suis-je ?
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Mon premier est une note de musique,
Mon deuxième n’est pas rapide,
Mon troisième indique au masculin singulier,
Mon tout ne s’entend pas.
Expressions
Qu’il soit obstiné, pudique, long, bref, éloquent, absolu, profond, de tombe ou en or, avec le silence, on peut faire bien des choses, comme le garder, le rompre, le briser, le déchirer, l’entrecouper, le demander, l’exiger, l’acheter, l’aimer, le commander, le faire régner, planer, s’étendre, l’expliquer, le fustiger, l’imposer, l’indiquer, l’interpréter, le marquer, le meubler, le monnayer, l’observer, l’obtenir, passer quelque chose dessous, s’y enfermer, s’y murer, s’y obstiner, en sortir, le supporter, y travailler, y être réduit.
 
Quelle que soit sa nature ou sa raison d’être, non seulement le silence s’exprime mais, de surcroît, il n’est jamais vraiment total.
 
Tout ce qui vit bruit.
 
 
Les bruits
Il est des bruits secs et des bruits gras qui invitent au silence.
 
Ainsi en est-il de l’eau bouillante versée dans une tasse, une cuillère qui touille, le tic-tac d’une horloge, le froissement des draps autour du corps et leur claquement au vent, sous le soleil de mai ; tes pas dans la mémoire de mes tympans ; les sabots d’un cheval sur une route de campagne et les roues de la charrette qu’il tire ; le clapotement des vaguelettes contre la coque d’une barque aux amarres ; le crépitement du feu dans l’âtre ; la croûte du pain tranchée sous la lame du couteau denté ; le vent dansant dans les rideaux ; une porte qui claque ; une lettre froissée ; le va-et-vient des vagues écumant sur le sable ; le ronronnement d’un chat ; le battement du cœur dans l’oreille d’un enfant endormi sur la poitrine de sa mère ; le vent effarouchant les blés ; le bruissement des bas quand le pas s’accélère et que les jambes se heurtent ; les nuages qu’on surprend assoupis sur les prés de décembre au petit matin, et qu’on éveille en foulant les feuilles dont les couleurs racontent l’été ; le chant des cigales dans l’après-midi d’une chambre plongée dans la fraîche pénombre d’une sieste…
 
 
Les oreilles
Il faut des doigts ou des boules de cire pour boucher les oreilles, pour les protéger et leur offrir un silence qui n’est jamais total d’ailleurs.
 
De part et d’autre de la tête, la perpétuelle béance des oreilles n’épargne aucun lobe de notre cerveau.
 
On voit si l’on veut. On sent si on le désire. On entend forcément.
 
À défaut de protections auditives, il arrive qu’on utilise la voix (aaaaaa) pour ne pas entendre ce qu’on souhaite continuer à ignorer. Certes, on est alors loin de la quiétude qu’offrent les bouchons d’oreilles, mais la voix qui résonne en nous est la nôtre et nous épargne d’ouïr celle d’autrui ou tout bruit que nous jugeons importun.
 
 
La voix
Audible, entendue, écoutée, selon son timbre, sa cadence, son volume, la voix module le chant, le cri, l’appel, la plainte.
 
Ma mère est une voix. N’est-ce pas ainsi qu’on nomme ceux qu’on entend plus que l’on ne voit ?
 
Voix dont j’aime l’intonation, le rythme, belle voix.
Voix qui ne chante plus depuis son dernier 78 tours.
Voix qui hurle, menace, m’effraie, m’éloigne, s’éloigne.
 
Bruit sec d’une porte fermée derrière elle et devant moi, cachée à son regard, invisible, indésirable, absente pour l’absente.
 
Voix au téléphone dont je n’écoute pas les mots, perles d’un collier que j’enfile sur le fil de la conversation et dont j’ornerai mon cou dont la voix se perd en un silence où gisent les mots qui occupent mes pensées, qui se positionnent sur ma langue, plongeurs transis. Des mots que je ne prononcerai jamais. Athlètes disqualifiés pour ne pas avoir sauté, pour être rentrés, penauds, aux vestiaires du fond d’une gorge serrée par un sanglot muet.
 
 
La parole
Jankélévitch nous dit que « penser c’est déjà presque dire. Dire ne devient plus qu’une formalité et trouver ses mots, ou se risquer à les inventer procède de la certitude de ce que l’on a besoin de faire savoir ».
 
La parole est une traduction de la pensée.
Les mots trahissent notre entendement pour avoir voulu lui donner un son intelligible aux oreilles d’autrui.
Ils sont souvent un chapelet de mensonges, une ribambelle édulcorée de petits soldats de plomb lancés, baïonnette au canon, à l’assaut de nos interlocuteurs.
 
Si nous pouvions communiquer par la pensée, comme le monde serait différent !
Serions-nous encore capables de mentir ?
Connaîtrions-nous le sens du mot « malentendus » ?
 
Le langage passant d’un esprit à un autre deviendra-t-il un jour la nouvelle « voix » à grande vitesse, caressant un paysage autrefois bruyamment traversé par tous les sons sur les ondes desquelles voyageait notre vocabulaire ?

Comment, dans l’épais silence d’une conversation par la pensée, a-t-on la part de ce qu’on souhaite partager ou garder pour soi ?
 
La vérité qui passe par les mots étant forcément défigurée dans une traduction-trahison de la pensée, en viendrions-nous à regretter le temps où les malentendus rythmaient nos vies qu’ils ponctuaient de cris et de larmes, d’étreintes et de rires, d’insultes et de mots chuchotés dans le cou après une course pour retenir l’autre qu’on avait transpercé de quelque parole blessante ?
 
 
L’expression orale
Exercice scolaire auquel je n’ai jamais souhaité me plier.
 
S’il m’avait fallu voler pour attraper mes mots, et y placer lentement et délicatement la pointe du microsillon, peut-être aurais-je consenti à cette requête. Mais il me fallait creuser dans le tréfonds de mon être, chercher un son qui ressemblât à une voix d’enfant (la mienne était si sourde) pour contenter des gens qui me faisaient peur.
 
J’essuyais la haine de mes camarades et de mes professeurs, suie grasse jetée à mon visage avec le mépris de ceux qui s’escriment à ouvrir un coffre-fort sans y parvenir, et lui donnent des coups de pied pour se venger de s’être écorché les doigts.
 
Ainsi meublais-je le temps qui séparait l’heure à laquelle la porte de l’école s’ouvrait devant moi et celle où, finalement, elle se fermait dans mon dos jusqu’au matin suivant, à écrire mes pensées et à penser à écrire.
Et quand mes camarades, faisant cercle autour de moi, perdaient patience, avant qu’ils ne m’arrachent la langue pour y lire ce que je ne disais pas, j’ouvrais la bouche, mais c’est alors qu’ils regrettaient l’instant où ils m’avaient sommée de parler.
 
 
La surdité du monde
Le monde est sourd parce qu’il n’arrête pas de parler à tort et à travers.
 
On ne peut pas à la fois parler et écouter.
 
L’écriture accomplit cette magie.
Tandis qu’on peut parler sur l’autre, l’un cherchant à couvrir la voix de son interlocuteur, lire l’autre est un échange équilibré qui suppose le respect, l’attente de l’expression jusqu’à sa fin.
 
 
Des échanges épistolaires
J’ignore comment les gens arrivent à parler dans le silence de signes communs : l’écriture.
Le propre de l’humain, sans doute.
Les affinités intellectuelles, sûrement.
Le hasard et le désir de s’y abandonner.
C’est une randonnée comme une autre.
Le paysage est la vie et le chemin est inconnu.
 
Je me représente parfois la vie sous la forme d’une route sur laquelle il nous arrive toutes sortes d’aventures au cours desquelles nous rencontrons bien des gens.
Certains brandissent une épée que nous n’avions pas vue avant qu’elle nous blesse profondément, d’autres entonnent une chanson sur laquelle ils nous font danser le cœur.
Quelques-uns font un bout de chemin avec nous, d’autres ne font que traverser. Et nous sommes tentés de leur demander : « Pourquoi êtes-vous apparu sur mon chemin ? » Il n’est pas sûr qu’à cette question corresponde une réponse, et si elle existe, je l’ignore.
 
Quand j’écris, j’ai l’impression de parler à mon correspondant par la pensée ; ce qui est drôle, car il y a fort à parier que si nous nous rencontrions, nous n’aurions pas besoin de beaucoup parler. Rester près de quelqu’un sans parler est une épreuve que les êtres humains dits « civilisés » ont du mal à affronter.
 
Partager le silence.
 
Chaque rencontre peut se révéler source de plaisir et de souffrance dans des proportions qu’il nous est impossible de prévoir. C’est le risque à courir.
S’ouvrir à quelqu’un, à sa connaissance, à son existence, c’est déposer les armes. Sans masque ni armure, nous sommes si vulnérables.
Comment se protéger ? Peut-être est-ce juste une question d’équilibre à trouver, de confiance à échanger, de vérité et de sincérité à préserver.
La confiance fait un bien fou. Elle repose et tranquillise. Elle fait sentir moins seul...

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