Les cris
152 pages
Français

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Les cris , livre ebook

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Description

Les cris de Pierre Chatillon, qui parait aux Écrits des Forges cet automne, est la réédition du tout premier recueil du poète de Nicolet. Écrit à la fin des années1950, Les cris est issu d’une société dominée par la religion catholique et sa pensée monolithique, à la veille d’imploser sous la poussée d’influences diverses et de remises en question provenant de son intérieur même. Le recueil est donc, à sa façon, un témoignage sur cette société sclérosée et l’annonce des changements qu’elle porte en germe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 mars 2023
Nombre de lectures 1
EAN13 9782896452484
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PIERRE CHATILLON
LES CRIS
lES CRIS
Les Écrits des Forges, fondés par Gatien Lapointe en 1971, bénéficient de l’appui financier du Conseil des Arts du Canada et de la Société de Développement des Entreprises Culturelles du Québec (SODEC). Les Écrits des Forges reconnaissent également l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour leurs activités d’édition.
L’UQTR, qui a collaboré avec Gatien Lapointe à la fondation des Écrits des Forges, demeure encore aujourd’hui un partenaire important qui nous permet de donner la voix aux poètes d’ici et de partout.
Photographie de l’auteur :Louis Caron, 1958
Illustration de couverture :Les cris,dessin de Nicole Vigneault
Dépôt légal : troisième trimestre 2013 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada ISBN : Écrits des Forges :978-2-89645-248-4
© 2013, Écrits des Forges 992-A, rue Royale Trois-Rivières (Québec) G9A 4H9 Téléphone : 819 840-8492 Courrier électronique : ecritsdesforges@gmail.com Site Internet : www.ecritsdesforges.com
En librairie : Diffusion Prologue 1650, boul. Lionel-Bertrand Boisbriand (Québec) J7H 1N7 Courrier électronique : prologue@prologue.ca
En Europe : Écrits des Forges 47, avenue Mathurin Moreau 75019 Paris (France)
PIERRE CHATILLON
LES CRIS
PRÉFACE
J’ai écritLes crisà l’âge de dix-sept ans, en 1956, au plus sombre de la Grande Noirceur. Si j’avais pu lire dans le futur et voir qu’à soixante-treize ans, dans l’île d’Anna Maria, par une merveilleuse journée enso-leillée, je serais en train de relire ce poème, j’aurais été le jeune homme le plus étonné du monde et cela m’aurait sans doute infusé beaucoup d’espoir.
DansLe château de sable, publié aux Éditions David, en 2005, j’ai raconté dans quelles circonstances furent composés mes premiers recueils. Drames familiaux, drames collégiaux, oppression religieuse, catastrophes naturelles qui ont à tel point ébranlé ma sensibilité qu’on les retrouve partout évoquées dans mes poèmes. Atmosphère tragique.
En relisant ces textes anciens, c’est comme si le vent du nord, poussant devant lui un tourbillon de poudrerie, m’avait rejoint jusqu’ici et s’était mis à déferler autour du palmier sous lequel je suis assis. Car il fait épouvantablement froid dans ces livres.
J’ai un petit-fils âgé de treize ans. Il y a quelques semaines, je lui ai donné une sorte de cours sur l’histoire de Nicolet. Je lui ai montré l’emplacement de la conflagration de1955, l’immense cratère laissé par le glissement de terrain de la même année, l’endroit où s’élevait jadis la majestueuse cathédrale où mes ancêtres ont tenu l’orgue pendant toute leur vie. Je l’ai amené devant les portes imposantes de ce qui est
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aujourd’hui l’École nationale de police, mais qui fut pendant près de deux cents ans le Séminaire de Nicolet. J’avais à peu près son âge quand ma vie a basculé. Aujourd’hui, avec le recul, je revois, curieusement, cette aventure avec les yeux de mes parents. Je revois l’adolescent que je fus, prisonnier entre les murs de pierre d’un collège classique. Je me revois dans la salle d’études, griffonnant dans un cahier, écri-vant le titre :Les cris, au haut de la première page. Je me revois, quelques mois plus tard, malade, déchirant ce même cahier. Je me revois, ouvrant l’enveloppe qui contenait le premier exemplaire de mon recueil, publié aux Éditions de l’Aube, sous le pseudonyme de Paul Mercure. Tremblant, ne sachant pas quoi faire avec cette plaquette, me demandant dans quelle aven-ture je venais de m’engager. J’essaie d’imaginer mes parents ouvrant ce livre qui explosait entre leurs mains comme une bombe. J’essaie d’imaginer leur surprise, leur peine, leur désarroi en plongeant les yeux dans un tel abîme de détresse. J’essaie d’imaginer leurs interrogations, leur sentiment d’impuissance, de culpabilité et d’échec. Ils venaient de découvrir qu’un monstre avait développé sa carapace et ses griffes dans le cœur de leur enfant. Peut-être ont-ils pensé que j’étais frappé par une mala-die mentale. Mon père ne connaissait rien à la poésie ; ma mère n’en avait qu’une conception très mièvre. Ils n’avaient bien sûr jamais lu ce qu’on appelait des
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« mauvais livres ». Mes parents vivaient dans une époque où les gens, écrasés par le clergé, ne se permet-taient jamais de remettre quoi que ce soit en question, ne s’autorisaient jamais à penser par eux-mêmes. Et voici que leur garçon poussait un cri de révolte inouï, inconcevable. Leur garçon qu’ils croyaient si fragile se révélait beaucoup plus audacieux qu’eux. Comment avaient-ils pu engendrer un être aussi torturé qui tentait de nier tous les sacrés interdits, de faire éclater tous les cadres enserrant leurs existences, cadres qui leur procuraient à la fois sécurité et étouffement ?
Il faut se rappeler qu’en ce temps-là, personne ne pouvait prévoir que la mort de Duplessis allait bientôt précipiter le Québec dans les grandes mutations de la Révolution dite tranquille.
Je pense aux adolescents d’aujourd’hui qui s’enlè-vent la vie. La même chose me serait peut-être arrivée si je n’avais pas eu le privilège d’exorciser avec des mots ma souffrance, si j’avais dû contenir en moi ce geyser de désespoir. Quelle que soit l’époque, le passage de l’enfance à l’âge adulte est l’une des étapes les plus dures de la vie.
Je pense aussi à ces prêtres du Séminaire, dont le jansénisme a si profondément contrecarré mes jeunes rêves de liberté. Comme ils ont dû être scandalisés par cet enfant qui soudain s’attaquait au château fort de leurs croyances et de leur puissance ! En publiantLes cris, c’était en quelque sorte comme si je m’étais immolé par le feu sur la place publique.
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En 1957, tout ce qui sortait de l’ordre établi était écrasé sous une chape de silence. On m’enferma en quelque sorte entre les murs d’une geôle de silence. Dix ans plus tard, j’ai écritLe mangeur de neige. Le contexte avait complètement changé et pourtant la virulence de mon cri n’avait fait que s’accroître. Ce livre ressemble en tous points au journal d’un fou. Cette fois, la pression était si intolérable que je me demande encore comment il se fait que je n’aie pas perdu la raison. En tout cas, l’exorcisme fut si total que je fus à tout jamais délivré de ces accès de délire. Si j’étais mort à trente ans, on n’aurait gardé de moi que cette image d’un poète maudit. Heureu-sement, le destin en a décidé autrement. Mon père, qui se mourait à ce moment-là, n’a pas luLe mangeur de neige. Ma pauvre mère, elle, l’a lu. Je n’arrive pas à imaginer à quel point elle dut être dévastée par ce poème. Son seul commentaire fut de me dire : « Ce n’est pas toi. » Ce qui signifie : « Tu n’es pas l’enfant à qui j’ai donné la vie. » Et elle avait raison. Cet enfant-là c’est celui que je suis aujourd’hui. Amoureux du soleil, de la mer, de la femme, des oiseaux, des fleurs, de la musique. Amoureux du chant et de l’harmonie. Contemplateur de la beauté du monde. Pourquoi m’étais-je à ce point éloigné de moi-même ? Ou plus exactement, quels furent les événements qui contribuèrent à m’éloigner à ce point de moi-même ? C’est ce que j’ai tenté de mettre en lumière dansLe château de sable.
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Mes premiers recueils ont connu des rééditions dans des versions diversement modifiées. Pourquoi les reprendre aujourd’hui dans une version définitive ? Probablement parce que je sens venir le moment où va se fermer le livre de ma vie. Et parce que je ne voudrais pas qu’il y manque des chapitres.
Anna Maria, janvier 2012.
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Les crisa paru, en 1957, aux Éditions de l’Aube, sous le pseudonyme de Paul Mercure. Il fut repris, en 1968, sous mon vrai nom, aux Éditions du Jour et fut finaliste au Grand Prix littéraire de la Ville de Montréal. Il fut réédité, en 1969, au même endroit. Puis réédité, en 1983, aux Éditions du Noroît.
Soleil de bivouacfut publié, en 1969, aux Éditions du Jour. Il fut réédité, en 1972, au même endroit. Puis réédi-té, en 1983, aux Éditions du Noroît.
À la fin du présent volume, figure un texte intitulé « L’écrivain malgré lui ».
Ce texte, écrit en 1982, et racontant la difficile nais-sance du feu, je l’ai conservé comme un document de cette époque. Il décrit correctement l’évolution d’une œuvre qui, débutant par un cri de révolte, devait par la suite s’épanouir en une célébration de l’amour et de la vie. Il fait bien voir que créer, c’est corriger le destin.
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