Les saisons dévorantes
70 pages
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Les saisons dévorantes , livre ebook

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Description

Anne-Emmanuelle Fournier nous offre ici un recueil de poésie ciselé et raffiné. En vers libres ou en prose, courts ou longs, certains en anglais, ces poèmes à la langue travaillée nous plongent dans un univers précieux, onirique et troublant, où la sensation est mise en avant. Les thèmes abordés (l’Ailleurs, le voyage, la mort, l’amour malheureux, la beauté figée...) de même qu’un style sensuel et contemplatif renvoient à la grande poésie française du XIXe siècle, sans se limiter cependant à une sorte d’hommage: l’auteur donne à cette atmosphère tissée de mémoire une beauté personnelle et moderne, déployant un univers délicat, sombre et voluptueux.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 novembre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748370720
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les saisons dévorantes
Anne-Emmanuelle Fournier
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Les saisons dévorantes
 
 
 
Je remercie ma famille, qui m’a enseigné la beauté et transmis le goût du ciselage de mots.
 
Toute ma reconnaissance à mes deux anges gardiens, Claire et Jean.
 
Merci à Andrew Brenner pour la relecture des textes anglais.
 



Anne-Emmanuelle FOURNIER
196, rue La Fayette
75010 Paris
06-50-57-48-22
anne.emmanuelle.fournier@gmail.com
 
I - Tellurique
 
 
 
1. Le bruit et la fureur
2. Solaris
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Le bruit et la fureur
 
 
 
 
Corrida
 
 
 
Qu’on me permette d’aimer
Le sang et la sueur répandus
Sur la blancheur miroitante de l’arène
Permettez que je frissonne
À l’effarante beauté
De ce ballet cruel,
De ce sacrifice écrasé de soleil.
 
Mais la pantomime criarde
De la plèbe affamée
Le déploiement d’élégance
Des Grands venus s’entre-contempler
Parviennent-ils seulement jusqu’aux deux lutteurs
Qui se jaugent longuement
En un terrible face à face
Seuls
Effroyablement seuls
Et loin, très loin en contrebas
De la foule bruissante et colorée ?
 
On blâme l’homme sanguinaire
On le dit maître de ce jeu macabre
Manipulateur de la bête innocente,
Mais regardez-le donc, ce misérable torero,
Se peut-il qu’il ait choisi
D’être ainsi jeté dans la fosse
Avec sa frêle cambrure de danseur
Ses souliers vernis maniérés
Ses breloques dorées d’épouvantail grotesque,
Face au monstre, superbe, dans sa nudité musculeuse ?
C’est une vierge grossièrement peinturlurée
Qui s’offre, presque par mégarde,
Aux assauts prédateurs d’un premier amant.
 
Pourtant, elle tremble tout autant,
La bête au cou épais
Perdue dans cette forêt d’êtres incompréhensibles
Elle meugle doucement
Ne pouvant lécher son échine noire
Et luisante
Que vient souiller un filet rubicond,
Assaillie des piqûres malignes
Du vindicatif moucheron.
Car le fragile pantin ne s’avoue pas vaincu,
Il court, il saute, il se déhanche,
Et pique avec une acuité cruelle et soudaine,
Et la bête, d’abord entravée de sa puissance pesante,
Est contrainte elle aussi à d’aériennes esquives ;
Et c’est bien là, en ces prestes arabesques,
En ce perpétuel mouvement,
Que réside l’énigme de ce rite amer.
Peu importe alors qui, au milieu de ces courbes tendues,
Inquiètes,
Plongera le premier dans les entrailles tièdes de l’autre,
Car ils n’ont fait que danser,
Danser jusqu’au terme ultime,
Ils se sont aimés, ils se sont haïs,
Rejouant à deux la comédie de la vie,
Et ainsi ils expirent dans les bras l’un de l’autre
Enlacés
En un odieux corps à corps
L’homme et la bête,
Qui jusqu’au bout voient dans leurs yeux respectifs un abîme ;
Ils respirent pour la dernière fois
Leur sang et leur sueur,
Mêlés.
 
 
 
Tu as bien fait de partir… (À Georg Trackl)
 
 
 
À toi qui es mort avant la grande boucherie,
Avant que ne s’embrase la plaine
Des beuglements pourpres de la Barbarie ;
Toi qui dans ton Verbe annonçais,
La main tremblante,
Les cohortes boueuses de suppliciés,
L’Horreur collante et pluvieuse
La Désolation qui n’a pas de pourquoi.
 
Tu as connu, toi aussi,
Les matins nimbés de rêverie,
La pureté ondoyante de l’aurore,
Les doux arpèges de la brise
À l’ombre aimable des tonnelles.
Ô comme elle grise, la langueur amoureuse,
Même vaine,
Même éperdue !
Et la lune rit dans sa robe de vestale.
 
Ton séjour, pourtant est ailleurs…
Dans les hurlements venteux de la steppe
Sous les violons blancs de l’hiver
Où règne la mélopée orpheline du loup
Et les corbeaux,
Dans leur parure de jade.
 
Où donc demeure la voix ébréchée du poète,
Sa harpe venimeuse ?
 
Là-bas, dans les enfers de glace
Où la Démence ivre se heurte aux fenêtres,
Et passent des fantômes, le long des tombes fraîches.
 
Ta parole m’habite, moi qui suis née après l’Innommable.
 
 
 
La folie
 
 
 
L’après-midi luit
Sur le bosquet aux sycomores.
La brise suave,
Les nacelles odorantes,
Les silences de soleil.
 
Dors-tu, Ophélie, dans ta fraîcheur immobile ?
 
Terrible pesanteur de l’été…
La glèbe assoiffée
Les nuées d’insectes en colère
La pestilence du marais.
 
La biche pensive ouvre des yeux effarés sur sa nudité gauche…
 
Et dans les entrelacs de verdure
Les clairs-obscurs ouvragés,
Sous les voûtes mûres ourlées de Grâce
Rôde
La rumeur d’un péril carnassier
Ombre sournoise
Sur la gorge amoureuse.
 
Et toujours ces relents de forge,
Ce chant mêlé de soufre…
 
Dors-tu, Ophélie, dans la brune caresse des sycomores ?
 
C’est un drame qui couve
Derrière tes lèvres hiératiques.
 
Dors-tu, Ophélie, dans les halos parfumés ?
 
Le chaos affleure sous le marbre de tes paupières…
 
Ô dors-tu, Ophélie, sur ta couche glaciale ?
 
 
 
Afrique
 
 
 
Autour de la couche de l’étranger
Rampent l’obscur
Et les songes cauteleux de l’exil.
Murmures mouchetés,
Haleine assoupie des fauves ;
Labeur psalmodié des guerriers-ombres.
 
Dans la gemme du soir
Luit
Le rire immaculé des reines d’ébène.
 
Au loin,
Les fumées impénétrables,
Les tambours hypnotiques,
Les reptations du sorcier.
 
Dans les herbes hautes et solitaires,
La nudité roide
Des reines d’ébène aux coiffes luxuriantes
Chair poncée de tanagra
Baignée d’éclat lunaire.
 
Terres de cauchemars…
Présence veule des hyènes
Contes vivaces des façonnages originels.
 
 
 
Wyoming
 
 
 
J’entendais moi aussi l’appel ancestral des grandes plaines. Partir, partir loin de moi-même et de mes énigmes familières pour la simple sauvagerie, pour une vie héroïque à l’abri de l’ennui, à l’abri du silence. J’aurais connu, moi aussi, les réveils tristes à pleurer sur la prairie hurlante de beauté, les nuits cuisantes, courbatues, sur un lit étranger toujours, la fraîche caresse de l’aube dans mes cheveux harassés. Je voulais connaître cette liberté percluse de fatigue et de crasse, la crasse collante, opiniâtre, qui à la longue indiffère, qu’on finit par ne même plus vouloir ôter. Je voulais sentir le rance violent du cuir et du purin sur mes mains pétries de mille douleurs infimes, sur mes mains écorchées de travail. Je voulais m’asseoir au côté de ces hommes que la terre a mis bas à son image, rugueux et taciturnes. Entendre leurs rires pâteux monter dans l’air roussi du soir, regarder leurs mains ravinées par la sueur et par les larmes jouer une musique poignante, rudimentaire. Je voulais partager cette...

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