La lecture à portée de main
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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 mai 2010 |
Nombre de lectures | 46 |
EAN13 | 9782296699465 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Photo de groupe
© L’H armattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-11926-0
EAN : 9782296119260
Marc L E G OFF
P hoto de groupe
Recueil de textes poétiques
Les moulins de Nantucket
Vous verrez,
Vous ne pouvez vous tromper.
C’est une maison semblable aux autres
Avec un chien indiscernable.
Le facteur y dépose un courrier qui finit dans des malles.
Un camion de déménagement attend à côté,
Il transporte le vide jusqu’aux hôtels meublés de l’avenue califale.
Vous verrez,
La voisine a longtemps aimé un homme parti trop tôt entre deux rames.
L’été c’est à peine si la pluie qui ne tombe pas
Change au-dessus la forme de son nuage.
La femme qui écarte les rideaux a les yeux si gris
Que plus rien, devant elle, n’a de couleur vraiment initiale.
Semblables à des cercueils auxquels manquerait une demi-ronde
Elle entrouvre parfois des thermomètres de voyage
Mais à quoi bon les emporter puisque partout ailleurs la température est indiquée sur place.
Dans son dos s’ignorent, avec toute une science de la solitude, des poissons-clowns.
Vous verrez,
Elle se souvient des moulins de Nantucket
Et des violettes du Connecticut.
Elle est allée dans des pays qui sortent à peine
Dès qu’il y a un peu de monde dans les rues en pente.
Elle a toujours le plan de métro aérien
D’une capitale souterraine.
Sa silhouette est de celles qu’on voit finir par entrer dans un temple confucéen à une heure hésitante.
Elle sait aussi comment, avec du bitume de Judée, on embaumait les morts.
Elle savait depuis toujours jusqu’à l’automne dernier,
Comment le temps passe.
Vous verrez,
Elle a la conscience recouverte d’une fine couche de sucre glace.
Dans des aéroports internationaux
Elle a été attendue sous des écriteaux à son nom
Avec des fautes d’orthographe.
Elle a une façon si particulière de faire que d’elle jusqu’à sa fatigue se lasse.
Elle a vécu près d’un zoo où les animaux de différentes espèces s’amusaient à échanger leurs cris ;
De loin cela revenait au même.
Vous verrez,
Vous ne pouvez vous tromper,
C’est à un déhanchement de funambule sur les larges pas japonais
Qu’on reconnaît la porte ivre.
Miami Beach
Il paraît que M. Maxence est revenu des Tropiques. Il occupe désormais la maison de l’architecte où il cherche sans cesse une place exacte à ses miniatures savafides. Il y éprouve des sensations-fantômes : odeurs de marrons grillés sans hiver, conversations de jardin à fleur d’arrosoirs. Il a aussi des insomnies factices. Le matin une femme, poitrine nue, repousse les volets aux couleurs écaillées. Elle n’a eu besoin d’aucune reconstruction mammaire. Devant, un peloton brasse l’air de ses rayons. Il semble fuir sa propre frénésie.
M. Maxence a eu dix ans le jour de l’exécution du conseiller aulique. Il se souvient aussi de ce square où il suffisait d’entrer une première fois pour être aussitôt un habitué. A l’époque on ignorait au bout de combien d’êtres entrebâillés commençait le porte-à-porte. Ensuite c’était la pointe de la Dogana ou l’Opéra, toutes voiles de béton dehors. Rudes équinoxes, quand on y songe. Impossible de savoir ce que les morts avaient fait des propos des vivants. Et dans les cafés la clientèle de passage se disposait savamment autour de ceux qui n’étaient pas venus. Le pronostic était sombre : cela pouvait durer une vie entière, à condition qu’elle s’arrêtât d’une minute à l’autre.
M. Maxence a fait partie du peloton. Dorénavant les coureurs ont tous changé. L’architecte, de son côté, était de ceux devant lesquels les autres passent. Il se demandait parfois au bout de combien de redites on finit par ne plus se répéter. Il semblait tant n’avoir été lui-même que par rencontre. L’accompagnait un chien auparavant utilisé pour rechercher des cadavres. C’est au bout de sa laisse qu’on a retrouvé son corps.
M. Maxence n’a revu nul des coureurs avec lesquels il déplaçait l’air. Au visiteur il dit volontiers s’il pense que le désespoir ne leur sied guère : « Essayez plutôt Miami Beach ».
Celui qui se glisse entre les retrouvailles d’aéroport
Rejoint dans son lit froissé
Le rêve d’une femme qui s’en va
Le brouillard
Au centre du brouillard la ville était d’une totale précision.
La lumière donnait du tranchant jusqu’aux visages des nourrissons.
De leur côté les bibelots d’antiquaires paraissaient n’avoir traversé aucune agonie.
Les banderoles se passaient de manifestations.
Dans les laveries l’attente devenait minérale.
Les sculptures n’en venaient pas plus chercher leur linge.
Il manquait juste des lettres aux enseignes des magasins et titres de films.
Les films avaient beau être récents.
A qui demandait pourquoi, il était répondu par des phrases inachevées auxquelles manquaient aussi des points de suspension.
Quant au brouillard aux portes de la ville c’était un sujet à ne pas aborder Aux rendez-vous donnés la nuit sous l’une ou l’autre des lettres éteintes.
Pluies de novembre
Une maladie retenait les gens chez eux. Une autre les empêchait d’y retourner. Entre les deux la santé était pleine et entière. Les restaurants refusaient même du monde. Impossible de savoir quand commençaient les premiers troubles, ils changeaient sans cesse de forme. Ne les sentaient pas plus venir les notables dont les fillettes avaient les cheveux toujours aussi oxygénés et qui priaient très fort dans la lumière du troisième vitrail. A l’Escurial les nouveaux étrangers avaient l’air de venir d’ailleurs que d’où ils venaient mais c’était desservi par de bonnes correspondances. Sur les pistes de danse s’élançaient de nouveaux couples avec d’anciennes connivences. La maladie qui retenait les gens chez eux ne les empêchait pas de rêver de Cordillère des Andes et celle qui les empêchait d’y retourner, de sweet home avec cachet dans une eau effervescente. Régulièrement un illuminé prétendait qu’il s’agissait du même mal. Un garçon s’approchait de lui et lui enjoignait de laisser la clientèle tranquille, à cette heure essentiellement composée de femmes élégantes et de messieurs avec parapluie pour les raccompagner jusqu’aux ondées de novembre.
L’emphase du chat
Il s’agissait d’un de ces films qu’on voit dans une salle à peu près vide. Dehors c’est la plus belle journée d’été. Le lendemain le film est retiré de l’affiche. La caissière prétend ensuite que le titre ne lui dit rien. Finalement il n’y a pas d’été. Un ciel gris ne quitte pas l’aplomb des cours à faux secrets. Il y a même des gens qui montent les escaliers en revenant déçus des Maldives. Le locataire d’en face raconte qu’une organisation para-policière a fouillé son appartement de fond en comble mais en veillant à tout remettre strictement à sa place. Trop bien, ajoute-t-il, même le chat s’attache avec emphase à ne pas déroger à ses habitudes. Dans une contre-allée une femme ressemble à une des rares spectatrices du film retiré de l’affiche mais sans cet écart ou ce tremblé par lesquels chacun s’obstine à être lui-même. Des mois plus tard, dans un refuge, un journal racorni contient une critique élogieuse du film mais la montagne est à peine signalée dans les guides. Au sommet est accroché le seul nuage. Les lourds marcheurs qui descendent avec des bruits de cliquetis répètent, avec un soupçon de préméditation dans l’insistance, qu’il n’y a, tout là-haut, rien à voir.
La femme du diamantaire
Beaucoup de choses se sont jouées sous le regard de la femme du diamantaire. Elle a vu arriver l’assassin qui n’avait encore tué personne. Elle était là aussi quand la vague a emporté les ruines du précédent naufrage. Devant cette femme tout a un peu pris forme : le palais a perdu ses colonnes, des alignements se sont dégagées d’autres perspectives, les attentes ont été déclarées sans objet et aussitôt remplacées par d’autres atermoiements, on a repeint