Puisatier de l'aube

Yves Gaignard

Description

"Puisatier de l'aube développe, au-delà de la métaphore poétique, une double ambivalence : le puisatier creuse la terre pour y trouver l'eau, source de vie, mais il creuse aussi, par son geste, sa tombe. L'aube, ce moment du passage de l'ombre à la lumière, de la mort à la vie". Roger Tessier

Sujets

• Poésie
• Littérature
• Harmattan Littérature

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 mai 2011
• Nombre de lectures: 70
• EAN13: 9782296800717
• Langue: Français

Extrait

Puisatier de l’aube
Du même auteur

Astrolabe – Dessins de Jean-Claude Gaignard – ARCAM, 1980.
L’Offrande Nue – Dessins de l’Auteur – Groupe de Recherche Polypoétique, 1992.
Ruptures – Poèmes de Lajos Nyéki – traduction du hongrois en collaboration avec Clara Tessier, Éditions Zurfluh, 2009.


Créations de poèmes polyphoniques
Assemblances – Nantes, 1973.
Almak – Nantes, 1978.
Judith – Nantes, 1981.
Yves Gaignard


Puisatier de l’aube
© L’H ARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
[e-mail]
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ISBN : 978-2-296-54146-7
EAN : 9782296541467

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À ma mère,
Avant-propos
L’art poétique d’Yves Gaignard se déploie dans l’espace de son jardin floral où d’étranges miniatures résonnent laissant échapper d’improbables harmoniques :

Je suis
l’amante aux seins d’hièble
et d’améthyste mêlée
à tous les parfums des flux d’ouest
et floraison de feux d’armoise

Le long compagnonnage du poète auprès des musiciens de l’Itinéraire a contribué à l’efflorescence d’une œuvre qui relie les mots, les sons, les rythmes et les couleurs.

Le raffinement linguistique, la méticulosité appropriée à chaque mot choisi, déclinent son œuvre dans cet « ars subtilior » que les poètes musiciens du Moyen Âge pratiquaient avec un rare talent. Cette suprême élégance irrigue la pensée du poète dans cet esprit français, celui des jardins à la française, des architectures, de la nature.

Et les limbes des bois au soir
soudain descendu se poudroient
d’échos bleus et fauves
de choses jusqu’alors tues

Puisatier de l’aube développe, au-delà de la métaphore poétique, une double ambivalence : le puisatier creuse la terre pour y trouver l’eau, source de vie, mais il creuse aussi, par son geste, sa tombe. L’aube, ce moment du passage de l’ombre à la lumière, de la mort à la vie.

Alors se réalise l’union
de l’ombre et de la clarté
au creux des mains qui s’ouvrent
pour l’offrande au jour qui s’élève…

Ce jeu des contraires agrandit le « champ de vision poétique » jusqu’aux limites extrêmes de l’indicible. Il devient cérémonial dans sa fonction rituelle et sacrée.

Michel Serres déclarait récemment que l’écrivain est aussi compositeur. Yves Gaignard ’inscrit naturellement dans cette proposition : il invite le lecteur à la contemplation des métamorphoses secrètes qui conduisent l’être vers son propre destin.

Roger Tessier
Masques
Voix de nuit bruits du jour
regards d’entre-monts
yeux aiguisés des songes
Quel feu clair s’éveille
au creux des truisses
et haies de Saint-Jean
Le vent appelant crisse


Cachemire cache-cache
masque sur masque
masque blanc masque
rouge masque gris
Au fil des herbes des marais
dans l’ouateur des brumes
lèvent au matin et se tressent
les bruits des joncs du cœur

Une deux trois
cornes de boucs
et yeux de chouettes
ailes d’effraies
Becs et mains de chauves-souris
se profilent derrière les masques
rouges de chouettes
blancs de boucs et d’effraies

Quelle lueur aux lucarnes
des crânes éveillés de vent
fenêtres d’autres mondes
vieux sourires et douces rides
Graphisme de désirs oubliés
accumulés sous les pluies grasses
d’automne Quelle lueur des crânes
ricanant sous les masques du temps

Masques blancs masques gris
autres ombres de ces ombres mêmes
treillage de pailles et brindilles
où se tissent les incantations millénaires
Dans la décomposition des éteules
des feuilles et goémons
cette litière de la vie sourit discrètement
sous la torpeur de faces d’hommes
et masques de bêtes

Masques d’hommes faces de bêtes
Aux strates du sommeil
bascule et tournoie
autour de l’orbite primordiale
l’équilibre de la terre
Et jaillit l’œil magicien

Masques de boucs vols de chevêches
dans les rouges proliférations
des signaux nocturnes
Sur l’eau noire viennent crever
les fermentations des alluvions du jour
sous la profondeur des grands chênes

Et mortelle se glisse muette dans l’eau
noire dont l’âme s’angoisse l’insaisissable
anguille prise au creux des souches
Elle s’échappe du poing qui l’enserre
derrière les ouïes et sa queue marque
le poignet des spirales de la colère
Masque jaune ricanant sur l’eau
de la blessure secrète au fond du cœur

Masques masques bâillant aux crânes
pris aux treillages de pailles brindilles
échines et tripes Ce ne sont têtes bavardes
mais gestes silencieux et cris mesurés
juste à hauteur d’homme épinglés crus
Un pieu durci à la flamme attaque
au cœur la sauvagine Elle bondit membres
fracturés par la mâchoire de fer Masque rouge

Les vents sidéraux traînent dans leurs filets
des rumeurs astrales oublieuses d’autres terres
L’air flamboie de harcèlements ailés et fauves
et s’enfante la peur tressée aux ombres des arbres
Dans les mailles de la nuit rient les masques jaunes
se heurtent toutes les navigations inquiètes
de l’air et de la terre ombilics et strix
Masque d’ébène dans l’entretoise du jour

Masque blanc Masque gris rouge et fauve
terreur et souffrance au fond des solitudes
Les brumes de nuit dispersent les corps
masques sur masques gris sur gris jaune
sur rouge blanc se dissout la lumière
Appel d’aurore une deux trois Masques
à jamais sur nos êtres inscrits comme
grotesques aux chapiteaux romans

Vampires et Chimères
Croûtes terreuses
Gloires des êtres

Portiques