Vers le nu
100 pages
Français

Vers le nu , livre ebook

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100 pages
Français

Description

Le poème de Krystyna Rodowska a souvent cette concision qui frappe par sa justesse et sa rapidité. La concision est antilyrique : elle n'étale pas, elle n'enrobe pas, elle va directement à l'essentiel. Il lui arrive de se retourner contre elle-même et d'exhiber ses moyens pour défier la grammaire. Ces jeux introduisent toujours une réflexion sur la langue ou sur la poésie... Bernard Noël

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Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 11
EAN13 9782296491076
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

VERS LE NU suivi deLe Muet chante
Poètes des Cinq Continents En hommage à Geneviève Clancy qui l’a dirigée de 1995 à 2005. La collection est actuellement dirigée par Philippe Tancelin et Emmanuelle Moysan  La collectionPoètes des Cinq Continentsnon seulement révèle les voix prometteuses de jeunes poètes mais atteste de la présence de poètes qui feront sans doute date dans la poésie francophone. Cette collection dévoile un espace d’ouverture où tant la pluralité que la qualité du traitement de la langue prennent place. Elle publie une quarantaine de titres par an. Déjà parus 552 – Cheikh Tidiane GAYE, Maria Gabriella ROMANI KOUACOU, L’étreinte des rimes/Rime abbracciate, 2012. 551 – Thierry MATTEI,Je serai voltigeur, 2011.550 – Rita MORANDI,Vers l’ailleurs, 2011. 549 – Philippe TANCELIN,Aupays de l’indivis amer. Cahier, 2011. 548 – Emmanuel MATESO,Les mères de Kolomani,2011.547 – Serge VENTURINI, Éclats d’unepoétique de l’inaccompli(2009-2012)Livre V, 2011. 546 - Françoise et Sonia DELMAS,Pages Marges Visages, 2011. 545 – KALIDASA,Pour la naissance de Kumâra, 2011. 544 – Nicolas BELLISARIO,Haïkus, 2011. 543 – Jean GILLIBERT,La mort à vif, 2011. 542 – Jacques GUIGOU,La mer, presque, 2011. 541 – Henriette SAINT-RENAN,Yianniné, 2011. 540 – Philippe TANCELIN,L’Ivre traversée deet d’ombre, clair suivie deLes camps oubliés,2011. 539 – Luisa BALLESTEROS ROSAS,De l’autre côté du rêve, 2011.538 – Anne DE COMMINES et Claude-Alain PLANCHON,L’An nuit des rois, 2011. 537 – Hélène ISNARD,Figures de guerre, 2011. 536 – Hayat AIT-BOUJOUNOUI,Dans la chair, 2011.535 – Yvette BALANA,Quand la veuve danse sur la tombe de la patrie, 2011.534 – Jean-Luc POULIQUEN,La terre du premier regard,2011. 533 – Fernando CABRITA,Douze poèmes de Saudade, 2011.
Krystyna Rodowska VERS LE NU suivi de Le Muet chanteTraductions et préface de Bernard Noël L’Harmattan,
Du même auteur : Gesty naśniegu (poèmes),Les Gestes sur la neige,Editions Czytelnik, 1968 Stan posiadania(poèmes,Position des comptes,EditionsCzytelnik, 1981 Nuta przeciw nucie (poèmes),Point contre point, Editions Miniatura, 1993 Szelest, półmrok, sens (poèmes),Murmure, pénombre, sens, EditionsGdzie indziej, 1995 Na dole płomień, w górze płomień ( poèmes),En bas le feu, en haut le feu,EditionsAnta, 1996 Bliżej nagości( poèmes,Plus près de la nudité,EditionsNowyŚwiat, 2002 Parus recemment : Na szali znaków(anthologie personnelle des poètes français contemporains),Faire tout sur les signes,EditionsBiuro Literackie, 2007Abajo fuego, arriba fuego(poèmes), En bas le feu, en haut le feu,Colección Sur Editores, 2009Umocz wargi w kamieniu(anthologie personnelle des poètes de l’Amérique Latine du XX/XXI siècle),Tremper les lèvres dans la pierre,Editions Biuro Literackie, 2011 © L'Harmattan, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96062-6 EAN : 9782296960626
Un vent de voix Le toucher unit Je et Tu : il prive un instant les mots de leur pouvoir car le geste propage un silence. Puis je ou Tu fait signe et la nudité de la lettre s’étend entre eux et les sépare. Conséquence : « deux puis un et un / touchés intouchables ». Ces deux vers, dans leur brièveté extrême, condensent l’irrémédiable. Leur simplicité dissimule la violence tragique de la séparation et sa fatalité. Le poème de Krystyna Rodowska a souvent cette concision qui frappe par sa justesse et sa rapidité. La concision est anti lyrique : elle n’étale pas, elle n’enrobe pas, elle va directement à l’essentiel. Il lui arrive de se retourner contre elle-même et d’exhiber ses moyens pour défier la grammaire. Ces jeux introduisent toujours une réflexion sur la langue ou sur la poésie, mais par touches ironiques où, tout à coup, se glisse une gravité : « le sable dans la bouche tu mesures / le poids d’un attachement ». Le corps est aussi fréquemment évoqué que le langage : l’un sert à contester l’autre ou à le remettre à sa place. Dans « le Cimetière révolté », par exemple, le corps est décrit comme un adjoint d’assez bonne compagnie capable d’initiatives serviables : « Il colle à mes voyages, il porte mes valises / débordantes d’habitudes usagées », mais ce comportement agréable n’interdit pas des initiatives moins sympathiques : « Il invente pour moi des souffrances dites « physiques » »… Est-ce à titre de pis-aller ou bien en guise de conjuration ? L’utilisatrice de ce corps-là ne le dit pas et conclut : « Pour avoir l’air honnête / il me prévient qu’il n’est pas éternel ». C’est une façon de tempérer d’humour un constat désabusé qui, chez Krystyna Rodowska, prend la tournure
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d’un détachement dont elle vante la qualité féminine. L’omniprésence du corps appelle des élans amoureux tout comme des situations marquées par la maladie et la mort. L’une et l’autre sont, par le poème, transformées en états transitoires qu’il faut vivre comme des passages dans l’ici ou des renaissances dans l’au-delà. Cela est durement indiqué par ces vers : « lejerecousu par miracle / récupère son trou de souffrance / où l’espoir repousse » ; cela motive la belle et terrible mise en scène de « Dans le cercle », où le poète vient se montrer mourant à ses amis : « Tu exposais publiquement tapersonne / parce que tu agonisais pour de bon sous nos yeux / … / Tu étais le poète : tu écrivais ton dernier poème / avec ton corps déjà détruit… » Puis la mort ayant fait son œuvre, le « cercle » devient irrévocablement sacré sur cette surprenante conclusion : « J’ai dit :toujours le présent vit/non la mort// Tu t’appelles Présent. » Il est rare que le mysticisme latent transparaisse dans une affirmation aussi claire, mais que sa brièveté rend discrète. Il y a du voyage dans l’air, voyage des sons, des odeurs, des paroles, des sentiments, ou grand voyage de la fin. Ce trajet, tantôt mental, tantôt physique, oriente le poème : c’est le rythme pensif de son développement et non de sa musique verbale, qui se module selon la longueur. Beaucoup de poèmes sont des notes scandées ; d’autres profitent, dirait-on, de leur verticalité pour accélérer la précipitation du souffle ; d’autres, plus rares, jouent de la prose pour tresser le récit et la fable. Dans toutes ces formes, la simplicité est décisive : « la splendeur de l’évidence / foudroie tonje/ et le dissout // au bord d’une feuille / la goutte de pluie / brille ». Ce final, à la manière d’un haïku, est représentatif de la volonté de saisir l’instant pour qu’il se ranime dans l’espace du poème – ou de la lecture – en faisant signe à l’attention. Tout est si allusif qu’il faut s’arrêter, faire un
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moment silence afin de sentir soudain le sens s’illimiter. Il y a de belles réussites, et très originales, dans ce que Krystyna Rodowska intitule : « Exercices mais pas seulement de grammaire ». Le livre est parsemé de ces « exercices » qui consistent à personnaliser un pronom, une figure grammaticale, une tournure syntaxique en provoquant une surprise qui, pour le lecteur, est une éclaircie. Ainsi, le « tu », brusquement, « devient prénom / de la brisure qui s’opère en moi-même / et cela ressemble à la perte subite / de l’innocence ». Seule parade alors : « elle se protège en se jetant / dans la troisième personne ».La trouvaille est séduisante, mais elle doit son pouvoir à quelque chose de moins facile que les glissements grammaticaux, et qui est une résonance latente due à la présence d’une voix. Dans toutes les formes, et que les vers soient courts ou longs, verticaux ou étalés, une voix frémit dans l’agencement des syllabes : elle ne se distingue pas par une sonorité particulière, elle est là, douce, discrète, déliée ou coupante. Un vers venu du poème le plus ancien (« Le Grand Voyage ») permet sans doute de désigner la qualité de ce qui n’en finit pas de solliciter l’écoute sans y mettre aucune insistance :il fait un vent de voix… Pas de violence dans ce vent, juste un souffle interminable qui remue la substance des mots et en réveille la matérialité tout en nous la révélant. Bernard Noël
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Inscriptions quel rêve a fait de moi une stèle toute question est un dernier soupir au tournant des lettres les poumons s´en vont en fumée
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