Quand ta lettre est arrivée
99 pages
Français

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Description

Lucie subit. Elle subit son quotidien, son couple, son travail de postière, les reproches de sa famille jusqu'au jour où, sa demande de mutation pour le département des lettres perdues de Libourne est acceptée.



Elle ne pensait y trouver qu'un changement de vie et de poste, pourtant, elle va y vivre l'aventure la plus palpitante de son existence...

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 12
EAN13 9782491580063
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Nicolas Carteron
Quand ta lettre est arrivée
ISBN numérique : 9782491580063
Éditions Thanéot Courriel : editions.thaneot@gmail.com
Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou les reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À la muse de la comédie et la muse de mon cœur, Thalie
Je vous dois donc une lettre, où je séparerai nos d eux cœurs, comme les moitiés d’un fruit mûr. Cela vous fera mal, je crierai peut-être, je vous semblerai révoltant, mais vous serez contrainte d’admirer ma franchise et mon courage. Comme il m’en faut !
P.-S. Ce que je vous écris là m’a mis dans un état mélancolique délicieux. J’ai le cœur plein de feuilles mortes ; remuez ça d u bout de votre ombrelle. La mélancolie est à la tristesse ce que le velours est aux étoffes. Quel dommage qu’elle passe vite et qu’il faille red evenir sérieux, énergique, se secouer, agir ! Avec cette mélancolie-là, j’aurais pu vivre cent ans.
Jules Renard
Chapitre 1
« Le courrier, c’est sacré » est, sans l’ombre d’un doute, la devise de ma famille. À peine la porte de mon appartement franchie et après avoir vérifié que mon répondeur téléphonique est aussi muet que la veille, je m’enferme, correspondance so us le bras, dans mon bureau. Mon « cocon-bulle » comme j’aime à le surnommer. Une fenêtre sert d’unique connexion avec le monde extérieur. Vue sur la façade d’un immeuble. Ici, je suis seule et ici, la solitude me va bien. Décoré de manière dysharmonique, ce lieu regorge d’ objets chinés sur des brocantes, des colifichets chargés d’histoires. Installé sur une étagère en fer forgé, chacun de ces trésors murmureà son voisin : « je suis plus désuet que toi ». Dans ce bric-à-brac, on trouve une machine à coudre semblable à celle avec laquelle la Belle au Bois Do rmant est tombée dans son interminable sommeil, un gramophone, un fer à repasser en fonte, un carillon, un réveil JAZ, une montre gousset (je dois avo ir un compte à régler avec les appareils qui donnent l ’heure), une lampe à pétrole en porcelaine, un chandelier… Sous verre, j’ai mis l’affiche original e du film,Les contes de la lune vague après la pluie. Deux bibliothèques s’appuient sur des murs opposés, portant en leurs entrailles, les livres, mes livres que j’ai lus, aimés, partagés, dévorés, assise confortablement dans mon rocking-chair. Au centre repose mon bureau, un meuble simple mais joli, en merisier sombre et puissant. C’est là que je pose mon courrier et m’installe. Depuis ma plus tendre enfance, on m’a obligée à respecter et à ouvrir ma correspondance avec un coupe-papier. Interdiction formelle d’utiliser un couteau, une clé, un doigt, un crayon ou toute au tre chose. Je n’ai hérité que de deux objets de ma grand-mère, l’un d’eux est un coupe-papier, dont la gravure sur le manche en bois représente une rose. Le contact entre le pli d’une enveloppe et cette lame produit un déchirement bien particulier. Si l’on tend bien l’oreille, on peut entendre le son des paroles qui s’envolent et celui des écrits qui restent. Et ce, même si le contenu que cette enveloppe renferme n’a que peu de valeur. Je saisis mon courrier du jour. La première lettre m’informe que j’ai gagné la somme d’un million d’euros si je veux bien avoir l’obligeance de me rendre à Aurillac, démarche qui me rappelle le filmNebraska. Dans la deuxième, ma banque m’offre la possibilité de souscrire à sa nouvelle formule d’assurance. Le message de la troisième dégouline de gentillesse : l’agence immobilière du coin de la rue m’invite à vendre mon appartement, pour profiter des bons prix du marché actuel. La dernière, enfin, porte l’estampille de mon employeur. L’estampille de la poste. Les mots répondent positivement à ma demande de mutation, faite un an plus tôt pour intégrer le service des lettres perdues de l’établissement de Libourne. Je peux rejoindre l’équipe de la poste dont j’ai toujours rêvé. Rien. Pas la moindre explosion de joie. J’entends u n bourdonnement à peine perceptible se jmique. Cette musique soporifique transforme lesoindre au carillon qui martèle son tic-tac métrono secondes en minutes, les minutes en heures et les h eures en semaines. Ce ronronnement lointain s’approprie l’espace de mon bureau pour se mettre au diapason avec un grand vide… celui de ma vie. Je devrais pourtant être en train de me réjouir… Beaucoup de faits ont changé depuis cette demande de mutation. De grandes certitudes se sont muées en petites indécisions. À l’époque, deux raisons me poussaient à quitter Saint-Bernardin pour Libourne. La première se résumait à un rêve de gami ne, intégrer le département des lettres perdues. L’autre raison tenait du ressort émotionnel. Saint-Bernardin n’avait plus rien à apporter à mon avenir sentimental si plat. Avec dix mille habitants et une grande ville à quarante kilomètres, la hantise et le désespoir de ne pas rencontrer l’amour ne faisaient que s’accroître. Je me persuadais, chaque jour depuis mes trente ans, que je finirais vieille fill e, une célibataire endurcie incapable de trouver un homme bien. Peut-être que mes sept ans de célibat m’encourageaient vers ces pensées négatives. Pas besoin de psychanalyse pour savoir que cette crainte venait d’un manque de confiance en
moi. Pour être objective, je suis loin d’être le ge nre de femme avec laquelle un homme a envie de s’enfuir au bout du monde. Je me situe plutôt dans la catégorie plan-plan qu’un homme n’est pas malheureux de trouver derrière les fourneaux quand il rentre d’une journée de travail harassante. Ma cuisine n’est pas à se taper la tête contre les murs mais je pense qu’elle est acceptable. En tout cas, elle me convient. Si on se penche sur mon physique, je dirais que, là aussi, c’est acceptable. Je porte la même coiffure depuis mes vingt ans. J’ai souvent voulu changer de coupe mais une fois face aux ciseaux, je me rétracte. « Carré aux épaules » est la seule phr ase que des coiffeuses ont entendue sortir de ma bouche. Mes yeux marron se cachent derrière une paire de lunettes discrète. Mes fines lèvres se marient bien avec mes pommettes saillantes. De taille moyenne, ma silhouette a cette chance d’être svelte malgré mon appétit féroce. Pourtant, la dernière fo is que j’ai pratiqué une activité sportive, c’était lors de mon épreuve du baccalauréat. Lancer de javelots. Depuis, j’ai bien tenté de me mettre à la courseà pied pour ne pas laisser mon cœur s’engraisser mais le manque de souffle et la flemme me faisaient vite rentrer chez moi. À table chez mes parents, alors que je me resservais toujours une deuxième fois, mon père disait : « Lucie, ma fille, tu as de la chance d’avoir mon métabolisme. Tu pourras engloutir tout ce que tu veux, tu ne grossiras jamais ». Cette phrase me rassure encore aujourd’hui. Surtout quand un mille-feuille me fait de l’œil derrière la vitrine d’une pâtisserie. Comme tout le monde, j’ai des qualités et des défau ts. Seulement, je traîne cette crainte obsédante de finir ma vie seule. L’idée même de terminer mes jours dans la solitude la plus extrême me tourmente. Cette peur n’est pas arrivée d’un coup mais lentement, gangrénant mes convictions les plus intimes. Passée la trentaine, après plus d’un an de célibat et un cœur ravagé par la malhonnêteté d’un homme, j’ai commencé à douter. Ma seule lueur d’espoir n’était autre que les histoires sentimentalo-romanesques que je lisais à la lumière blafarde de ma lampe de chevet qui tentait de résister à l’épaisse obscurité des longues soirées d’hiver. Les saisons se sont ensuite enchaînées avec la légèreté d’une page d’un roman que l’on tourne. Ma lueur d’espoir faiblissait. À mon sixième anniversaire de célibat, mes proches ne cachaient plus leur inquiétude sur ma situation qu’ils qualifiaient de préoccupante. Il faut dire que plus la solitude resserrait ses liens, plu s je me renfermais, plus le fossé d’insociabilité s e creusait. Une spirale infernale. Avant cela, je n’avais pas spécialement peur des ho mmes mais l’isolement sentimental dans lequel je m’enfonçais m’a contrainte à me poser des questions insoupçonnées.Plaire, pouvoir accepter un homme dans mon intimité, lui laisser une place d ans mon quotidien minaient mes pensées de vieille fille.Au-delà du partage, de la complicité, de l’amour dont me privait le célibat, je sentais que ma fichue horloge biologique grignotait sournoisement mon mécanisme naturel de reproduction. Dans mon appartement régnait un silence abyssal, un silence que même la voix d’un amant ne peut briser, un silence qui ne peut être terrassé que par les pleur s, les rires, les jeux, l’insouciance d’un enfant. Ne jamais caresser la rondeur de mon ventre me paralysait. Ne jamais entendre « maman » sortir de la bouche de mon bébé me réveillait les nuits. Les mots « fécondation in vitro » et « mère célibat aire » commencèrent à s’incruster dans chaque pore de ma peau. Dès que ce projet me venait, je le chassais. Je n’étais pas prête à franchir cette étape, pas encore. Je me laissais un délai. Je gardais espoir en ce temps qui me faisait défaut… et, alors que je l’attendais sans l’attendre, lui, personnellement, Hervé a fait son entrée dans ma vie.
Chapitre2
Le carillon sonne et me sort de mes pensées. Je range ma validation de demande de mutation. En fermant ma pochette, la raison me murmure de rester avec Hervé. Le cœur, lui, m’ordonne de tout plaquer pour partir dans ce département spécial de la poste tant désiré. Je me dirige vers la salle de bains, je me suis déjà mise suffisamment en retard avec cette mauvaise bonne nouvelle. Ce soir, à la télé, une chaîne diffuseVoyage en Italie, un de mes films préférés. Je voulais le regarder avec Hervé, paginais déjà blottie contre lui sur le canapé avecour qu’il puisse me découvrir un peu plus. Je m’im une tablette de chocolat aux noisettes, alors que les images en noir et blanc nous auraient bercés d’u ne atmosphère délicieuse. Cela ne restera qu’un souhait. Il avait insisté pour m’inviter au restaurant. Sa générosité et son entêtement avaient eu raison de mon bonheur simple d’un plateau-repas et d’un vieux film. J’ai toujours été de nature conciliante et arrangeante, alors j’ai cédé. On ne se refait pas. Surtout à mon âge, j’ai trente-sept ans. Le jet de la douche ne parvient pas à chasser le département des lettres perdues de mon esprit. Il n’y a pas si longtemps, je m’imaginais installée derrière un bureau sur lequel un tas de courriers égarés patientait. Cet emploi reflétait une mission, une immense quête. Retrouver un destinataire. Lors de mes évasions imaginaires les plus folles, je parcourais le pays en train, à la recherche d’une femme qui, après pssants mots d’amour d’un amant en détresse. Etlusieurs années écoulées, n’avait pas reçu les pui quand, moi, postière de l’extrême, je parvenais à déposer cette missive égarée au creux de sa main hésitante, je ressentais en mon for intérieur, l’achèvement, l’aboutissement, le surpassement. Le pragmatisme me fait filer droit comme ce trait d’eye-linerque je dois refaire une fois de plus. Malgré toutes ces années à me maquiller, je désespère de réussir à dessiner cette fantaisie parfaitement rectiligne du premier coup. Je n’ai pas le droit de céder à un caprice d’adolescente, il m’est interdit de troquer un rêve de jeune fille contre l’amour fiable d’Hervé. Le travail à Libourne perd de sa saveur si, chaque soir, je retrouve mon amie Solitude. J’ai besoin d’une présence à mes côtés. Je termine de boutonner mon chemisier, j’observe mon reflet dans le miroir. Ma promesse de ne pas être trop coquette vient de s’envoler. En représailles de ne pas avoir accepté mon plateau-repas devantVoyage en Italie,javais dans l’optique de sanctionner Hervé. Être moins séduisante, en mettant moins de maquillage et en ne portant pas la tenue qu’il préfère pour sa soirée spéciale, m’apparaissait comme un acte ferme de rébellion. Sauf qu’après réflexion, il n’avait pas remarqué que j’avais changé ma paire de lunettes vintage aux branches épaisses par une paire plus discrète aux bordures aussi fines qu’un fil de soie. Mettre un tailleur à la place d’une jupe passerait aussi inaperçu à ses yeux que le nez au milieu de la figure. Hervé est un homme… comment dirais-je… hum… il est comme ces sacs plastiques de supermarché balancés par un consommateur pollueur. Il passe, vole, virevolte, tourne en rond, s’écrase, remonte mais n’a aucune prise avec le réel. Au meilleur des cas, il se coincera dans la branche d’un arbre, prisonnier, résistant aux tempêtes, se débattant dans une folle mascarade, avant de se libérer grâce à une ultime bourrasque salutaire. Dans le pire des scénarios, il sera écrasé entre les profondeurs marines et l’infinité de l’air, à naviguer sur un o céan, alternant entre la houle et la mer d’huile ; il fera le tour du monde sans en voir les ports et la beaut é qui l’entoure. Oui, Hervé peut être considéré comme un homme lunaire, égocentrique, qui ne s’inqu iète jamais, sauf peut-être quand la France perd en demi-finale de la coupe du monde de football. Il a ses défauts mais je m’en accommode. Il s’occupe de moi, à sa manière, et ce n’est déjà pas si mal. N’est-ce pas ce dont toutes les femmes rêvent ? Face au miroir, ma rébellion de la coquetterie s’es t muée en un sit-in pacifiste du mécontentement. Même s’il ne me regarde plus vraiment, j’aime la simple idée de lui plaire. Je regrette de ne pas avoir mis de la musique avant de m’être rendue sous la douche. La vie, c’est plus marrant en chantant. La sonnette de mon appartement retentit. Un coup d’œil à la radio, Hervé a beaucoup de défauts mais le retard n’en fait pas partie. Pour lui, après l’heure, ce n’est plus l’heure. En me rendant vers la porte d’entrée, je passe devant la table basse du salon sur laquelle le programme télé est ouvert à
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