Que le jour recommence
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Description

"Qui aime le spectacle des lentes décadences? Leur histoire est triste, comme souvent la vérité qui en surnage. Par le découragement qu’elle inspire, elle n’attire guère les esprits. Pourtant, c’est du fond de la nuit qu’il faut savoir attendre des lendemains de lumière. Ces lendemains, nous ne les verrons pas. Au-delà d’un horizon ignoré, surgiront des temps nouveaux où d’autres que nous prendront place. Mais le germe en aura été fécondé en ces heures d’obscurité qui furent les nôtres." L’auteur, sous la plume de St Sidoine Apollinaire, homme politique et religieux gallo-romain, relate les dernières heures de l’empire romain dans ce qui nous est présenté comme les « mémoires » du saint homme, confiées par missives à son ami Basilius. Alternant considérations personnelles et récits historiques, politique et poésie, M. Apollinaire nous enchante par son "écriture soignée" et son érudition, éclairant d’une lumière crépusculaire la lente agonie d’une civilisation glorieuse au profit de la barbarie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 octobre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748368895
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Que le jour recommence
Sidoine Apollinaire
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Que le jour recommence
 
 
 
 
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
 
L’effondrement de L’Empire Romain, au Ve siècle après J.C., constitue assurément l’un des événements les plus considérables de l’Histoire. Non qu’il fût universel puisque, malgré les efforts des plus grands Empereurs, il ne put jamais s’établir au-delà des trois fleuves qui le bornaient : le Rhin, le Danube et l’Euphrate qui l’isolait de son éternel rival : l’Empire Perse.
 
Mais, pour nous Occidentaux, il a été la matrice qui a forgé nos peuples et nos États. Et au travers d’incessants changements et de profonds bouleversements qui ont parcouru au long des siècles notre Histoire, nous lui sommes encore redevables de l’essentiel.
 
Un hasard heureux a permis d’exhumer la trace d’un témoin privilégié de ces derniers moments de l’Empire qui sonnent comme le glas d ‘un millénaire de gloires accumulées. C’est là au demeurant une découverte d’autant plus précieuse que cette époque de mutations douloureuses et brutales n’est pas, à maints égards, sans présenter de profondes similitudes avec la nôtre. Les contextes sont bien entendu fort différents : mais, nous aussi, nous voyons se profiler un monde nouveau où nous ne serons plus tout à fait ce que nous avons été qu’il s’agisse de notre vie individuelle comme de notre rôle dans le Monde. Nos sociétés se sentent bien souvent perdre pied dans cette réalité mouvante autant qu’obscure, tout comme les derniers Romains qui, comme ceux de la Haute Époque, croyaient l’Empire promis à l’éternité, et se sont affligés de la perte de leurs plus intimes illusions.
 
Ce témoin, illustre Gallo-Romain, s’appelle Sidoine Apollinaire, natif de Lyon qu’il a quittée à la fin de sa jeunesse pour s’établir près de Clermont en Arvernie (l’Auvergne actuelle). Au soir de sa vie, il en retrace les divers moments, ceux où l’a caressé la fortune comme ceux où il a connu le malheur.
 
Familier des derniers Empereurs et même gendre de l’un d’entre-eux, originaire de la Gaule, il n’a cessé tout au long de son existence, de croire à la destinée privilégiée de Rome où il n‘a pas été sans jouer un rôle estimable. Poète de qualité – Chateaubriand qui s’y connaissait en ce domaine, le met au premier rang de son siècle – il a chanté la gloire de l’Empire. Et lorsque tout a été perdu, avec la perspective imminente de l’occupation par les Goths de sa Province qui avait été la première à se soulever contre César et failli briser son épée à Gergovie quatre siècles auparavant mais qui fut la dernière à vouloir rester romaine, il a accepté la charge d’Evêque de Clermont. Pour lui, comme pour tant d’autres à cette époque, l’Église avait le rôle primordial d’assurer la pérennité de l’Idée romaine.
 
Il faut imaginer le vieil Évêque, un soir où la mélancolie s’est faite plus accablante, levant ses yeux fatigués sur les échancrures de la Chaîne des Puys, comme pour y puiser une pensée réconfortante. Il se penche, une fois encore, sur son passé pour n’y voir que l’écroulement d’un Monde et de toutes ses croyances dans l’Ordre romain. Il faut aussi l’imaginer comme illuminé d’une foi toute nouvelle dans un avenir qu’il pressent sans parvenir à en esquisser les contours. La seule assurance qu’il en a est que, même si l’âge lui permet d’aborder les temps qui vont advenir, il ne pourra y trouver place tant il incarne de réalités et de croyances défuntes. Et, c’est cette conviction en forme d’évidence aveuglante, qui lui donne l’intuition, en écrivant son passé, d’éterniser en quelque manière tout son univers familier. Il se rappelle en particulier les conditions déshonorantes par lesquelles le pouvoir impérial a livré sa patrie. Remontent en son esprit les affreuses conditions de son exil qui a suivi le vrai mais vain combat qu’il a mené avec les siens contre l’occupant barbare. Il se souvient surtout de l’amertume ressentie à son retour de captivité lorsqu’il a constaté que la plupart de ses compagnons d’armes s’étaient lentement accoutumés à leur sort de vaincus, certains étant allés même jusqu’à pactiser avec le vainqueur. En même temps, il évoque dans sa mémoire les temps heureux où tout encore paraissait stable et assuré. Et cela lui donne le courage de prendre une dernière fois sa plume.
 
Il se met à la tâche, scrupuleuse pesée de sa vie tout entière.
 
 
 
Chapitre I
 
 
 
À Basilius, de Sidoine, salut ! À toi, moitié de mon âme et ami de ma vie, à toi je confie et dédie ce récit de mon existence. Notre temps ne reviendra plus, c’est pourquoi je l’écris.
Notre génération a été marquée d’un sceau tragique. Nous avons vu notre patrie dépouillée, abandonnée de l’Empire, laissée seule face aux Barbares. Après l’avoir occupée, ceux-ci se sont efforcés de la plier à leurs lois et à leurs mœurs. S’ils n’y sont pas parvenus, c’est à la vigueur de notre culture romaine que nous le devons.
Qui aime le spectacle des lentes décadences ? Leur histoire est triste, comme souvent la vérité qui en surnage. Par le découragement qu’elle inspire, elle n’attire guère les esprits. Pourtant c’est du fond de la nuit qu’il faut savoir attendre des lendemains de lumière. Ces lendemains, nous ne les verrons pas. Au-delà d’un horizon ignoré, surgiront des temps nouveaux où d’autres que nous prendront place. Mais le germe en aura été fécondé en ces heures d’obscurité qui furent les nôtres.
Lorsque nous sommes tous deux, nés à Lyon, en 430, presque jour pour jour, tels des jumeaux que nous devions être l’un pour l’autre, cette Cité n’était plus depuis longtemps la métropole et le siège de la Préfecture des Gaules.
L’Empire avait déjà commencé de sombrer même s’il étendait encore son ombre tutélaire.
Aux défauts d’une société vieillie que ne soutenait plus une démographie déclinante, qu’accablait un impôt insatiable et inefficace, que ruinait une administration dévorante et routinière et que laissait enfin sans défense une armée disparate et avilie, s’étaient, au siècle précédent, ajoutés les effets désastreux des ruées germaniques. Dans un indescriptible désordre, ces hordes de nouveaux venus, se repoussaient les unes les autres, tout en foulant de leurs pieds brutaux, nos territoires romains.
Mais à cela, l’Empire avait fini par même s’accoutumer. Il avait cherché les accommodements nécessaires pour tenter d’unir la force barbare à la culture romaine. Alors, l’Empire avait encore la force de conduire une telle politique. Il avait pu préserver l’essentiel. Aujourd’hui, cela n’était plus possible.
Trois peuples s’étaient fixés chez nous, par des traités dans lesquels Rome reconnaissait des royaumes fédérés, associés à l’avenir de l’Empire, au nom duquel ils se gouvernaient :
Les Goths sur les bords de la Garonne, les Burgondes dans la vallée du Rhône et les Francs le long de l’Escaut.
Ces établissements ne s’étaient pas réalisés en un jour. Devant les poussées successives des Barbares, ennemis les uns des autres quoique d’origine commune germanique, Rome avait accordé à chacun, à des époques différentes, le même statut dont elle attendait qu’il maintînt l’unité de l’Empire.
Au temps de notre enfance, une paix fragile mais réelle, avait été maintenue et l’autorité romaine avait encore les apparences d’une réalité.
Mais, tout commença par un assassinat. Nous avions déjà vingt-quatre ans. Un matin de 454, on découvrit dans une pièce retirée du palais impérial de Ravenne, le cadavre mutilé d’Aetius, le généralissime des armées romaines, le Patrice qui portait la plus haute dignité de l’Empire.
Trois ans auparavant il avait repoussé de l’Occident les hordes effroyables d’Attila. Je raconterai en son temps, la terrible mêlée des champs Catalauniques à laquelle j’assistai et où l’alliance des trois peuples qui occupaient la Gaule, jointe à nos forces placées sous le commandement d’Aetius, avait décidé de notre sort commun.
Mais Valentinien, l’Empereur, cet enfant (« Malheur à la ville dont le prince est un enfant », nous dit l’Écriture), jouet des femmes, d’eunuques et de conseillers intrigants n’avait su ni même voulu faire de cette coalition militaire de circonstance une véritable unité politique. Pire, il avait lui-même assassiné celui qui, par son énergie et son génie, avait encore la force de tenter cette transformation.
Valentinien avait lui-même frappé de sa dague le grand homme, pour se venger du prestige de sa victime. Délivré du péril qui avait été sur le point de balayer l’Empire, le Prince avait monnayé son soulagement de sa lâcheté.
Que serait devenu l’Empire sans ce drame ? Nul ne peut le savoir, mais rien n’est plus vain que de rêver à ce qui aurait pu être. N’est-t-il pas vrai, hélas, que n’arrive jamais que ce qui doit arriver !
Mon cher Basilius, il me faut jeter maintenant une courte lumière sur quelques événements antérieurs à ce drame. Ils expliquent la marche des faits car tout s’enchaîne dans les actions des hommes.
Il y a près d’un siècle, avait eu lieu, près d’Andrinople, un désastre qui a marqué toute notre histoire et qui a peut-être été pour l’Empire, alors vigoureux, la pire de ses défaites. L’Empereur Valens avait même perdu la vie dans cette bataille. Le peuple Goth, bousculé par les Huns, avait franchi le Danube sans que la force romaine eût été en mesure de le repousser. Ce peuple avait pénétré dans l’Empire. Pour la première fois, des Barbares s’installaient sur la terre romaine. Ils ne devaient plus la quitter.
Les Goths avaient alors exigé

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