Renversements
388 pages
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Renversements , livre ebook

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Description

Deux pays : la Roumanie et le Canada (Québec) ; et deux personnages en quête du Graal de notre temps - une vie meilleure sous d’autres cieux. Paul Casimir et Maria aiment le Canada, leur pays adoptif et ils pensent, enthousiastes, mais imprudents, avoir tourné définitivement la page sur leur passé roumain.

Le Canada se trouve dans l’attente anxieuse d’un possible grand renversement avec le référendum de 1995. Toute la société québécoise est concernée et Paul Casimir vit pleinement la tension du débat politique et l’émotion générale des Canadiens avant et après le référendum.

Dans un style qui allie l’humour, l’ironie et la gravité ce roman est non seulement une histoire sensible et touchante, mais, également, une réflexion subtile sur les aventures identitaires de notre époque.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 décembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332998224
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-99820-0

© Edilivre, 2015
Dédicace


À mon épouse, à mon alter ego, Florentina
I
À son quarante-cinquième anniversaire, Paul Casimir s’est chamaillé avec Maria à propos du projet fantasque de celle-ci d’émigrer au Canada.
Ils étaient vers minuit avec un couple de bons amis quand, soudainement, surgit dans la conversation le nom de Nostradamus. L’ami de Paul Casimir, monsieur Damian, directeur d’une école secondaire de Bucarest, croyait fortement que Nostradamus a prévu tout ce qui se passe dans ce beau monde, y compris l’exécution du dictateur Nicolae Ceausescu en décembre 1989 et l’arrivée au pouvoir en Roumanie du Front de Salut National.
Madame Damian partageait avec une admirable loyauté conjugale les vues de son mari sur la clairvoyance de Nostradamus, Maria était neutre et Paul Casimir était, sans vergogne, sceptique.
– Mais moi, je crois à la clairvoyance des Tziganes, a dit-il, conciliant, pour ne pas paraître trop matérialiste et borné.
– Quels événements de ta vie ont dévinés les Tziganes pour que tu les trouves supérieures à Nostradamus ? l’a apostrophé indigné monsieur Damian. Ont-elles dit quelque chose sur Milosevitch ? Ou sur Ceausescu ? Ou sur Saddam Hussein ? Ont-elles parlé de George Bush ? Rien. Elles n’ont dit rien. Par contre, Nostradamus a parlé de tous, il les a prévus. Et voilà, ça continue. Il dit qu’en 2018 on entrera dans une guerre mondiale provoquée par une épidémie de choléra et ensuite en 2025 on assistera à la fin du monde. Le soleil s’éteindra à cause d’une pluie de météorites de glace. Et même si le soleil s’allumera de nouveau, la Terre sera finie sans aucun doute en 2116. Tu vas voir. La Terre sera écrasée par un astéroïde géant que Nostradamus appelle le Prince en Feu du Levant.
Maria regardait Paul Casimir avec un sourire complice. Elle semblait dire que Nostradamus était peut-être un as des prédictions, mais son esprit se concentrait plutôt sur les politiciens et les catastrophes. Certainement, il y avait une explication qui les associe.
Paul Casimir ne voulait ni offenser son invité ni céder sur la compétence clairvoyante des Tziganes. Il se rappelait les vieilles Tziganes de son enfance, leurs visages pâles et ridés, leurs cheveux gris et sales, sortant des marmottes décolorées, leurs robes longues noires ou bleu-marine, embellies de dentelles jaunies. Dans la petite ville, entourée de vignobles au pied des montagnes de Vrancea où il avait passé son enfance, elles étaient nombreuses et flânaient en groupes de deux ou de trois, par-ci, par-là dans la recherche des clients pour leur prédire l’avenir au moyen d’un coquillage, des cartes ou des fèves. La grand-mère de Paul Casimir les appelait parfois, mais elle ne les laissait jamais entrer dans la maison. Elle les écoutait incrédule dans la cour, près de la porte. Paul Casimir avait peur de s’approcher d’elles. Un jour, il venait du marché avec la grand-mère et avait vu quelques pas devant eux une vieille Tzigane, qui urinait debout, près d’une clôture. La grand-mère l’avait tiré dégoûtée vers le milieu de la rue.
– Oui, une Tzigane nomade il y a longtemps a deviné ce que m’est arrivé vingt ans plus tard. J’étais professeur dans un village poussiéreux de Baragan, à cinquante kilomètres de Bucarest. Elle séjournait avec les siens depuis quelques jours à l’entrée du village et m’a dit que je vais quitter le village pour une grande ville en traversant une eau trouble. Et que ma vie suivra un autre cours, entièrement différent.
Monsieur Damian le regarda méprisant.
– Et quelle eau trouble as-tu traversée mon cher Paul ? Probablement une fosse après la pluie, ha, ha, ha !
– Mais oui, mais oui, j’ai traversé une vraie eau trouble, pas une fosse ! J’ai trouvé un poste de professeur dans une autre école, près de Bucarest et quand je suis allé à l’Inspection municipale de l’enseignement pour prendre ma nomination, j’ai passé sur le pont de la rivière Dimbovitza.
– Pfff ! rit moqueur monsieur Damian soutenu par madame Damian. Elle aussi était très ironique. Tu as traversé donc la Dimbovitza ? C’est elle ton eau trouble ? Foutaises ! Je traverse chaque jour la Dimbovitza et je n’ai pas besoin de Tziganes pour apprendre ce qui m’attend. As-tu le cran de comparer ta minable Tzigane avec le grand Nostradamus ? Tu n’es pas sérieux, mon ami, tu n’es pas du tout sérieux.
Monsieur Damian devint sombre. Il se sentait bafoué dans ses plus chères convictions.
– Paul blague, il veut seulement nous amuser, tenta Maria de lui apaiser l’amertume.
– Il blague, mais moi, je parlais comme à un ami. Les amis ne plaisantent jamais quand ils se parlent de sujets importants pour le futur de l’humanité.
Et ensuite, il précisa avec énergie :
– Je n’aime pas la frivolité quand il est question de Nostradamus.
Monsieur Damian avait apporté comme cadeau anniversaire un sablier en cristal rouge, translucide avec du sable blanc qui prenait cinq minutes pour s’écouler de haut en bas. Il le prit et le renversa deux fois de suite nerveux. Ensuite, il se releva d’un bond et s’approcha de fenêtre, sans prêter attention à ses hôtes.
Quelques minutes plus tard, les Damian sont partis fâchés. La Tsigane de Paul Casimir avait gâché la soirée.
Et quand ils sont restés seuls, pendant qu’elle faisait la vaisselle, Maria lui dit :
– Ta Tzigane avait raison. A-t-elle existé en réalité ou tu l’as inventée ? C’est vrai ce qu’elle t’a dit pour notre futur. La vraie prédiction n’avait pas trait à ton école. Toi et moi, nous allons traverser une eau trouble. En fait, je ne sais pas si elle est vraiment trouble, mais elle est grande, très grande.
– De quelle eau me parles-tu ? La Tzigane était réelle, mais moi, je ne veux plus changer quoi que ce soit. Je suis très à l’aise avec ma vie de maintenant.
– J’ai un projet et je veux t’en parler, dit Maria s’essuyant les mains avec une serviette. Allons-y dans le salon.
Elle prit le sablier abandonné sur un fauteuil par monsieur Damian, le posa tranquillement sur la table, s’assit et alluma une cigarette.
– On va émigrer au Canada. On va traverser l’océan Atlantique, c’est ça l’eau trouble qui va changer ta vie. La nôtre. Je me suis intéressée auprès de l’Ambassade canadienne. Il y a certaines conditions et apparemment, nous les satisfaisons. Les Canadiens nous acceptent.
Paul Casimir la regarda comme si elle était un spectre. Il fit, étonné, un grand signe de croix comme les moines :
– Que Dieu nous garde ! Et tu ne m’as rien dit. Comment ça, va-t-on émigrer ? Quitter le pays ? Es-tu malade, ou quoi ?
– Non, je ne suis pas malade.
Maria expira longuement la fumée de la cigarette.
– Mais on ira au Canada. C’est ça, notre vie sera, dans le futur, au Canada.
Paul Casimir resta quelques instants muet. Incapable, de parler. C’est vrai que depuis deux ans, beaucoup de monde voyageait en Turquie en Grèce, en Hongrie, le plus souvent en Turquie, mais seulement pour le petit commerce de contrebande. Ils achetaient en Turquie des marchandises recherchées en Roumanie, ils rentraient après quelques jours ou tout au plus dans un mois avec des sacs de café, de cigarettes, de whisky. Il connaissait l’histoire d’un type qui était plus que ça, un petit colporteur. Il était un véritable grossiste et faisait entrer chaque semaine deux grands camions chargés de blue-jeans. Il déposait chez lui les pantalons, dans la maison et dans une cabane pleine à craquer. Mais un samedi, son camion n’était plus chargé des pantalons, mais des billets de banque. De cent et cinq cents lei. Le camion était entré dans la cour et le type avait fait basculer la masse de billets sur la terre. Il était presque nuit et il s’annonçait la pluie. Le type avait couvert soigneusement l’amas de billets avec une bâche. Pourquoi n’avait-il pas gardé l’argent dans le camion, c’était un mystère que l’ami de Paul Casimir, celui qui lui racontait l’histoire, n’avait pas compris immédiatement, mais seulement quelques heures plus tard. Le grossiste était pressé. Durant la nuit, à trois heures, il avait sorti le camion pour un autre voyage d’affaires. La route était longue et peut-être qu’il avait de bonnes raisons pour arriver aux douanes à une certaine heure. Loin derrière lui, l’argent de la cour était resté aux bons soins de sa femme et de ses deux filles adolescentes. Affairées, mais heureuses, après deux ou trois heures de travail acharné, elles ont réussi à mettre l’argent à l’abri, dans la maison. Un type primitif qui n’avait pas confiance dans les banques roumaines, réputées pour leur honnêteté, commenta ironiquement l’ami de Paul Casimir. Mais Maria ne parlait pas de commerce et d’affaires. Elle ne voulait, ni plus ni moins, que de foutre le camp. C’était autre chose. Ça venait d’un autre monde, le monde de ceux dont on parlait deux ans plus tôt à la radio et dans les journaux. Des transfuges comme on les nommait.
Paul Casimir ne voulait pas du tout être un transfuge, même si le temps avait changé. Pourquoi émigrer ?
Il se sentait bien dans son pays.
Mais non, il ne se sentait pas du tout bien, le contredit Maria. Il était seulement placide. Ou aveugle. Ou voulait faire semblant de l’être. Car c’était impossible de ne pas voir que tout était presque pareil, comme avant. Les communistes, toujours eux, sont encore au pouvoir avec leur parti de merde, le Front de Salut National. Tout le monde en parle, est-il dans la lune ?
Simples paroles, avait-il haussé les épaules. Nous, on ne fait pas dans la politique. Qu’importe qui est au pouvoir ? Le communisme, personne ne le défend, personne ne veut le revigorer, il est mort, irrémédiablement mort !
Le communisme n’est pas mort, il est b

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