Rien ne va jamais comme on voulait
56 pages
Français

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Description

Cet ouvrage est un recueil de sept nouvelles plutôt « grinçantes ».

Informations

Publié par
Date de parution 26 avril 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312010090
Langue Français

Extrait

Rien ne va
jamais
comme on voulait

Tony Engel




Rien ne va
jamais
comme on voulait

Histoires










LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Edouard Nieuport 92150 Suresnes
Je suis passionné pour la vérité,

et pour les mensonges qu'elle autorise.

Jules Renard.
























© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01009-0
Le Seigneur des verveines
Au commencement –il y a déjà une éternité-, le gouvernement avait décidé de créer Dieuleveut, un lieu qui rassemblerait tout ce que la vie quotidienne du passé avait laissé de plus précieux. On a choisi ce vallon sauvage où quatre ruisseaux capricieux se rejoignent pour former une rivière aux eaux pures. On modela le relief, détournant les ruisseaux pour qu'ils forment une frontière naturelle tout autour du futur domaine. On sema. On planta. On laissa les animaux des environs s'installer, avec l'intention de surveiller et de contrôler l'équilibre écologique.

Tout ce que les anciens avaient édifié de plus remarquable, pour y vivre et y travailler, pour y trouver refuge à leur bonheur et abri contre leur malheur, tout cela devait être rassemblé ici : ces vieilles maisons typiques, cette vieille échoppe, cet antique moulin, cette forge hors d’âge, ces masures devenues maisons parce que chaque génération en avait remis, bref, tout ce qui portait témoignage d’un temps où la douceur de vivre existait encore.

Le soir tombe. Célibataire par vocation, Monsieur le Directeur parcourt une dernière fois le domaine avant de regagner son logis, une petite villa, à l’écart des bâtiments administratifs de l’entrée. Il admire son œuvre, témoignage de son génie de créateur. L’obscurité envahit la nature et il se met au lit, passant du rêve au sommeil.

D’un seul coup, une lueur blanche, uniforme, envahit la pièce. Cela vient du Domaine. Monsieur le Directeur, éveillé en sursaut, reste immobile, comme paralysé, pendant que l'horloge égrène d'invraisemblables secondes. Puis un éclair, à peine perceptible, et cette lueur blafarde s’atténue, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que la nuit familière. Une immense lassitude envahit Monsieur le Directeur, qui se rendort aussitôt.

Au matin, d’étonnants souvenirs reviennent. Mais n’était-ce pas un rêve ? Les chiens n'avaient pas aboyé et la femme du concierge apporte le petit déjeuner avec son air de tous les jours. Dans les bureaux, on ne s’énerve pas plus que d’habitude. C’était bien un rêve.

Dissipant les brumes, le soleil éteint les gouttelettes de rosée. Vaguement inquiet, Monsieur le Directeur va vers cette ancienne ferme, séparée d'une petite chapelle par des arbres fruitiers (ils porteront sûrement cette année). La porte est entrouverte. Un rayon de soleil oblique traverse une fenêtre encombrée de toiles d’araignées (il faut faire vrai !) et éclaire deux formes humaines, endormies sur le tas de foin. Un jeune homme et une jeune fille, ça se voit, mais vêtus tous deux pareillement: une sorte de combinaison gris bleu. Ils pourraient avoir tout au plus vingt ans. La porte grince avant de se refermer d’un coup sec.

Le jeune homme ouvre les yeux ; il étend les bras vers sa compagne, qui s’éveille à son tour. Leurs yeux sont du même bleu.

« -Bonjour, vous deux. La voix de Monsieur le Directeur se veut ferme.
-Bonjour. Ils répondent d’une même voix, étrange, comme artificielle.
-Qu’est ce que vous faites ici ? »
Ils se regardent, hésitants. Le jeune homme se décide, d’une voix monocorde, comme s’il récitait une leçon :
« -Nous venons de loin, de très loin, d'une autre planète, qui s'appelle Attenborn. Nous sommes des habitants de la République Populaire de Dellerberg. On nous a déposés chez vous, pour toujours.
-Qu'est-ce que c'est que ce charabia ! Vous vous moquez de moi ? Je veux vous voir disparaître, et immédiatement ! Il n'y a pas de place ici pour les vagabonds.
-Nous sommes venus, cette nuit, d’Attenborn. On nous a déposés ici. Nous devons maintenant nous débrouiller tout seuls. Nous ne pourrons plus jamais retourner chez nous. Est-ce que vous allez nous aider ? »

Une étrange force empêche Monsieur le Directeur de se mettre en colère. C’est vrai : ils n’ont pas l’air de se moquer de lui, ni de se rendre compte de sa colère. Ces yeux, cette voix…
« -Que voulez-vous ?
-La vie n'était plus possible chez nous, et on nous a abandonnés ici. »

La jeune fille prend, à côté du tas de foin, un sac de la même couleur que leurs vêtements ; elle en tire une boîte, l'ouvre ; elle contient des biscuits.
« -Nous devons seulement manger ceci, une fois par jour ; quand la boîte sera vide, nous pourrons manger comme vous, mais pas avant. Nous devons vider cette boîte. Nous avons confiance en vous. »
Ils ont dit cela avec une ferveur qui bouleverse Monsieur le Directeur. Cette force en lui, qui le retient, qui le domine, n’est-ce pas celle qui l’a paralysé cette nuit ?

Dans sept jours, les touristes seront là, et il faut trouver une solution. On commencera par les enfermer là où ils sont, et on leur trouvera bien du travail. Qu'ils n'aillent surtout pas dans la chapelle !

Cette chapelle est une merveille sans âge, obtenue en échange d’une vraie église, trop grande à peine terminée, pour ceux qui ne reviennent au village que le dimanche, retrouver les vraies valeurs. Une énorme grille, fabriquée à l’ancienne, interdit l’entrée. Seul, Monsieur le Directeur a la clef.

Cachée derrière l'autel, une caisse avec des livres anciens ; l'un d'eux, écrit à la main, avec quelques dessins maladroits, raconte d'étranges histoires. Il y a très longtemps, douze moines seraient venus s’installer dans cette vallée, attirés par ces quatre sources. Ils y auraient construit un monastère très rudimentaire. Mais dix ans plus tard, rebutés par le sol ingrat, le climat rude, les vents sauvages de l’hiver, les chaleurs torrides de l’été, découragés surtout par la solitude, ils seraient partis vers l’Est, où il y avait encore des gens à évangéliser. La vallée s'appellerait Diauleval : la vallée du diable.

Une autre écriture, ensuite, régulière, raconte un passé plus récent de ce lieu, rebaptisé Dieuleveut par un hobereau local, qui voulait, avec une des sources, déclarée miraculeuse, et un tombeau anonyme, sûrement très ancien, faire un lieu de pèlerinage. Mais la concurrence d'un clergé, abondamment pourvu en lieux de cette sorte, dont la plupart en outre associaient à leur source une grotte favorable aux apparitions, était plus forte. Le hobereau a arrêté les frais ; il s'est ruiné en investissant dans le papier et la margarine.

Monsieur le Directeur n’aime pas les histoires d'un passé mort, alors qu'il faut vivre avec son temps. Jadis, chemin faisant, les pèlerins ruminaient un problème qu’ils portaient en eux, et, à l'arrivée, trouvaient une clarté illusoire. Maintenant, l’automobile permet l'oubli immédiat des parcs d’attraction. Les gens ne veulent plus de mystère, mais de la magie. Moins ils en savent, plus ils sont impressionnables, et donc généreux.

C'est bien pourquoi on a abandonné le projet d'une grande bibliothèque. Tous les livres anciens qu'on avait déjà achetés ont été enfermés dans la chapelle, rendue inaccessible. Ce lieu, depuis toujours, s'appelle Dieuleveut; il est le Paradis du souvenir et du rêve. C’est cela qu’expliquent les brochures, faciles à lire et bien illustrées, qu’on vend à l’entrée, là où on peut emporter des photos du domaine, des canettes de bière, des fromages et même des plantes dans un petit pot.

N’empêche qu’il faut se méfier de ces deux étrangers. Ce moine, qui parlait aux serpents, aurait-il laissé d’autres traces, maudites et invisibles? Comment est-il possible que quatre sources soient si proches? L’idée d’un lieu miraculeux ne vient peut-être pas de rien!

« -Maintenant, dites-moi la vérité : d’où venez-vous ?
-Nous venons d’une planète que nous appelons Attenborn.
-Et puis quoi encore ? A bord d’une soucoupe volante, peut-être ?
-Comment le savez-vous ? »
Monsieur le Directeur est prêt à exploser. Mais non ! Ils ne sont même pas capables de rendre compte de l'effet de leur présence ici. C'est toujours le garçon qui parle :
« -Notre planète, Attenborn, est la troisième quand on compte &#

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