613 : Six cent treize
136 pages
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Description

Abraham Abadie, c'était un bon gros psychiatre bien tranquille. Mais qu'est-ce qu'ils avaient tous à lui cavaler au train ? Ce clodo, d'abord, et puis cette bande de Bongolais, la DST, et le Mossad par-dessus le marché. Voilà que Dieu s'y mettait lui aussi. Mais il avait les nerfs solides , le psychiatre. Les nerfs, c'était son métier, après tout ! Professeur à l'université Paris-VIII, Tobie Nathan est notamment l'auteur de « L'Influence qui guérit » aux Éditions Odile Jacob. Il a également publié plusieurs romans, dont « Saraka Bô » , qui a été porté à l'écran.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1999
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738162038
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR
Aux Éditions Rivages
Saraka bô , 1994.
Dieu-dope , 1997.
Aux Éditions Odile Jacob
L’Influence qui guérit , 1994.
Psychanalyse païenne , coll. « Opus », 1995.
La Parole de la forêt initiale (en collaboration avec Lucien Hounkpatin), 1996 ; coll. « Opus » (sous le titre La Guérison yoruba) , 1998.
Psychothérapies , 1998.
Soigner , 1998.
© O DILE J ACOB , JANVIER  1999 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6203-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pour la Regina Tom lek oué yom ‘alek « Un jour pour toi, un jour contre toi » Yom ‘assal ; oué yom bassal « Un jour de miel ; un jour d’oignon »
Prologue

Jeudi soir, le 20 mars. Les informations du vingt heures étaient presque exclusivement consacrées à la crise du Bongo. On voyait d’abord le colonel Donatien Toussega, avec un large sourire, annonçant aux caméras des pays occidentaux et, comble de provocation, dans un anglais parfait, que le peuple bongolais venait de se libérer du tyran le plus sanguinaire que l’humanité ait connu depuis la mort de Hitler et de Staline. Mais immédiatement après, et durant près de dix minutes, la chaîne avait passé un reportage sur la situation à Zébraville, capitale du Bongo, où l’on voyait des cadavres mutilés par centaines. Le commentaire précisait que le coup d’État avait été suivi d’une répression sanglante. On comptait les morts par milliers, sans doute par dizaines de milliers. On voyait des hommes abattus à bout portant, d’autres brûlés vifs dans des pneus de camion. Pire que tout, la scène où des militaires s’emparaient des caméras de télévision et les détruisaient à la kalachnikov. Cette séquence, filmée par un reporter français, avait déjà fait le tour des télévisions du monde entier. À la fin du reportage, le présentateur, avec une mine consternée, déplorait les terribles atteintes aux Droits de l’homme qui étaient en train d’être commises au Bongo et annonçait une déclaration du président de la République.
Complet noir, cravate foncée, le chef de l’État, l’air cureton, disait sa très profonde inquiétude devant les récents événements du Bongo. Il déclarait que la France ne saurait rester indifférente à des exactions d’une telle violence et qu’elle condamnait avec la plus extrême fermeté le comportement de l’armée populaire de libération du Bongo. Il annonçait que le Conseil de l’Europe avait été saisi d’une demande conjointe de la France et de la Belgique, et qu’il comptait bien déposer avant la fin de la semaine une motion au Conseil de sécurité de l’ONU. Il concluait, l’air sévère – et on avait l’impression qu’il adressait directement l’admonestation à Donatien Toussega – que la France avait toujours su prendre ses responsabilités en Afrique et qu’elle ne resterait pas indifférente devant des violations aussi éhontées des Droits de l’homme. Finalement, personne n’avait parlé de l’ancien président ni des motifs de la révolte du peuple bongolais ; seulement accusé le nouveau.
Dans les deux dernières minutes du journal, le présentateur annonçait néanmoins que le nouveau régime venait de recevoir une délégation américaine pour une conférence d’une semaine sur la reconstruction du pays après deux mois de révolution sanglante.
CHAPITRE PREMIER
Une journée de la vie d’une cloche

Le proverbe arabe dit qu’il existe trois chemins : celui de la paix, celui du regret et celui du départ sans retour. Je ne sais encore celui qui sera le mien. Dieu ! Oui, je vais faire ce que tu m’as dit. Je vais rédiger ma confession. Il faut que je raconte tout, que je témoigne… Tout ce qui est arrivé… Sans rien oublier… Je m’appelle Samuel Katzman. On dit que les chats ont sept vies et je suis bien mort six fois… Tout ce qui est arrivé… Absolument tout… Ça a commencé un vendredi, je m’en souviens, un vendredi de printemps…
Vendredi 21 mars, 8 h 45. Le soleil était soudain réapparu sur Paris et même sur sa banlieue, crevant exceptionnellement la couche de la zone. Parce que ça faisait bien deux mois qu’il pleuvait tous les jours, presque sans interruption et que je n’avais pas quitté les abris : métro, Croix-Rouge, Emmaüs, Médecins du monde, Armée du Salut, les poux, le mélange d’odeur de patates dans la soupe et de crasse entre les cuisses de mes compagnons de chambrée. Ce matin, un rayon avait caressé ma jambe, celle que j’avais niquée l’hiver dernier durant la neige en oubliant de l’envelopper dans du papier journal. La p’tite toubib d’Emmaüs, avec ses petits cheveux rouges sur le bouddha avait voulu me refiler un traitement… des piqûres ! Déjà que le froid était entré et sans doute des armées de bestioles à sa suite… Voilà qu’elle voulait à son tour y introduire ses saloperies miniatures. Mes couilles, ouais ! Oh ! Je les avais pas prises à pleines mains tout de même ; seulement fait le geste… J’ai nettement aperçu la peau de son cou qui s’était mise à frissonner. Elle devait les croire pourries, mes roubignolles – tout comme le reste. « Vous avez des enfants ? » qu’elle m’a demandé… C’était une association d’idées tout de même assez transparente… Je ne lui ai pas répondu, seulement découvert mes chicots noircis. Lorsqu’on est « Soldat de France » – SDF, comme ils disent en abrégeant – on s’habitue à se faire sourire soi-même ; on manque tellement de distraction… Le pied dans cette vie de galère, c’est tout de même le gain de temps. J’ai regardé quelques instants le rayon de lumière iriser les rouges et les bleus sur mon mollet pourrissant et puis j’ai rejeté la couverture d’un seul geste et me suis levé du plumard, déjà prêt à partir. Dans le hall, le distributeur du Pavé voulait absolument me fourguer ses canards. Passer la journée au feu rouge, à l’entrée de l’autoroute du Nord, par ce beau soleil, à distribuer des canards de fafs… trop peu pour moi ! Autant s’engager ingénieur des mines… D’ailleurs, ingénieur des mines, c’était un peu mon truc, autrefois… Ou plutôt… ouais… le génie des mines… C’était le nom qu’on aurait dû me donner dans le temps ! Et puis, c’était vendredi…
Le placeur de journaux à placer au feu rouge s’était fait alpaguer par la logeuse qui lui avait proposé du café. Du coup, je m’étais faufilé derrière lui. L’air était un peu vif ; j’ai hésité un moment à marcher… je haletais comme un bison rescapé qui aurait aperçu dans une revue de cinéma la photo de Buffalo Bill. C’est toujours la fatigue physique qui te fait penser à la gueule que tu peux avoir. J’ai commencé par le bas – normal, je regardais par terre, comme toujours. J’ai toujours été attiré par le bas. Mon futal de velours verdâtre en accordéon n’atteignait pas les vieilles tennis trop grandes dans lesquelles j’avais réussi à introduire trois couches : une de chiffon, une de journal, une autre de chiffon. J’ai pensé à ce que nous répétait Yayir : « Un homme sert de couverture à l’autre, mais le premier doit aussi avoir une couverture. Notre métier, c’est les poupées russes… » Et il roulait les « r », en plus, notre papy russe ! Tout compte fait, j’ai fini par appliquer ses méthodes !
Plutôt que de marcher, je me suis engouffré dans la bouche de métro. Quelle direction ? Bon ! C’était vendredi. J’ai donc opté pour Saint-Denis-Basilique. Je me suis installé sur un banc, sorti ma baguette et mon pinuche et commencé à petit-déjeuner lorsque je les ai vus débarquer. Ils étaient bien cinq ou six, avançant de front sur toute la largeur du quai. On devinait leur attirail sado-maso qui gonflait leurs blousons de cuir. Ils m’ont reluqué et j’ai compris sur le champ que ma barbe les intéressait. Ribouldingue, qu’on m’appelait à Saint-Lago, parce que des barbes comme la mienne avec des poils bien drus, bien distincts qui pointent chacun pour lui-même dans une direction, ça ne se rencontre tout de même pas tous les jours ! Dans notre milieu, les barbes style laine de mouton ou paquets de tissus dégoulinants comme les portent certains caniches blanc sale, il y en a tout de même beaucoup ! Des barbes de louba, genre loubavitch, je veux dire hirsutes avec des morceaux de pain azyme collés dessus depuis Pâque dernière, on en voit aussi beaucoup. Ou même des barbes-filaments-spaghettis-chinois, genre Ho Chi Minh, ça peut aussi se trouver. Mais comme la mienne… je peux admettre qu’on ait envie d’y mettre le feu… Faut pas toujours juger ; faut aussi comprendre son prochain. Ça ne veut pas dire qu’on accepte tout… non, bien sûr !
Les portes du métro ont sonné l’hallali. D’un seul mouvement, j’ai abandonné mon litre – il restait tout de même deux doigts au fond du parallélépipède de carton – et j’ai foncé dans la première voiture. Ce qui est chouette, c’est que moi, sitôt que j’entre quelque part, tout le monde me laisse passer. Frigo dit que c’est à cause de l’odeur. De toute façon, j’ai jamais aimé l’eau, ni à boire ni même pour se laver ! Même quand j’étais propre… Frigo, vous le touchez en plein soleil, un jour d’été, au bord de la Seine, à l’île Saint-Louis par 37 à l’ombre, il est gelé. Brave mec, sans ça, d’autant que les quatre pulls qu’il s’enfile les uns sur les autres lui donnent un air de nounours, mais de loin… Parce que de près, c’est plutôt à un épouvantail qu’il ressemble. Je dois reconnaître que lui, c’est un vrai de vrai ! Il a débuté la galère il y a dix-neuf ans – il en avait vingt-trois, à ce qu’il dit – parce que sa nana s’étai

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