À l heure où parle la rose
89 pages
Français

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À l'heure où parle la rose , livre ebook

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89 pages
Français

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Description

« La lourde porte en bois s’entrebâille dans un grincement. Aveuglée par l’intense luminosité, je mets mon bras en visière. À quelques mètres, une silhouette floue, de dos. Je descends à tâtons les marches du perron, les graviers crissent à chacun de mes pas comme un gong mal accordé. Elle se retourne, s’approche… » Marianne est de retour à Lumiès, dans la maison familiale. Depuis la disparition mystérieuse de sa fille, dix ans plus tôt, elle n’y avait pas remis les pieds. Pourtant, elle savait qu’elle y serait contrainte un jour ou l’autre… Elle découvre alors qu’une jeune femme étrange a entretenu le jardin laissé à l’abandon. Mais qui est-elle donc ? Telle Alice désorientée au pays des merveilles, Marianne va cheminer aux côtés de ce singulier personnage. Que découvrira-t-elle sur sa terre natale ?

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Informations

Publié par
Date de parution 04 avril 2018
Nombre de lectures 32
EAN13 9782756423524
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Muriel Lecou Sauvaire
À l’heure où parle la rose

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© Pygmalion, département de Flammarion, 2018.
 
ISBN Epub : 9782756423524
ISBN PDF Web : 9782756423531
Le livre a été imprimé sous les références :
ISBN : 9782756423463
Ouvrage composé par IGS-CP et converti par Pixellence (59100 Roubaix)
Présentation de l'éditeur
 
« La lourde porte en bois s’entrebâille dans un grincement. Aveuglée par l’intense luminosité, je mets mon bras en visière. À quelques mètres, une silhouette floue, de dos. Je descends à tâtons les marches du perron, les graviers crissent à chacun de mes pas comme un gong mal accordé. Elle se retourne, s’approche… »
Marianne est de retour à Lumiès, dans la maison familiale. Depuis la disparition mystérieuse de sa fille, dix ans plus tôt, elle n’y avait pas remis les pieds. Pourtant, elle savait qu’elle y serait contrainte un jour ou l’autre…
Elle découvre alors qu’une jeune femme étrange a entretenu le jardin laissé à l’abandon. Mais qui est-elle donc ?
Telle Alice désorientée au pays des merveilles, Marianne va cheminer aux côtés de ce singulier personnage. Que découvrira-t-elle sur sa terre natale ?
MURIEL LECOU SAUVAIRE s’est installée avec sa famille dans le massif de l’Étoile entre Aix-en-Provence et Marseille après vingt ans à Paris. Les montagnes et la lumière sont devenues le cadre naturel de cette experte en stratégie d’entreprise à la vie professionnelle prenante. À l’heure où parle la rose est son premier roman.
À l’heure où parle la rose
À ma mère
Marianne,
Sept années se sont écoulées depuis ton départ et je n’ai pensé qu’à mon malheur, ma femme m’avait abandonné, rien d’autre ne comptait. Tu avais aimé un inconnu, remplacé notre Lumiès par le grand Paris. Tu avais même osé donner un frère et une sœur à Rose. Elle était alors mon éternité, mon bonheur indestructible. Je ne l’ai pas réalisé. Et c’est sous mes yeux qu’on nous l’a enlevée. Rose, ses douze printemps, ses rires et ses espoirs. Kidnappée pendant l’orage. Je n’ai rien entendu, rien vu. Seulement quelques pétales de coquelicots évadés de la tornade, flottant au-dessus des blés. Tellement rouges. Mon Dieu, Marianne ! Ces coquelicots harcèlent mes nuits devenues pourpres depuis des semaines que nous la cherchons.
Hier, tu as regagné Paris. Longtemps j’ai regardé la route, longtemps, j’ai vu ton regard derrière la vitre. Figé sur le néant. Une biche blessée à mort fixant l’assassin de son petit. Il fallait que tu repartes, nous avons retourné Lumiès, Rose n’y est peut-être plus. Ne reviens pas. Je ne veux pas que tu entendes les gémissements de ton jardin, le claquement des volets dans le vide, le silence s’engouffrer dans les couloirs de ton enfance et tournoyer sans fin.
Demain, je quitterai à mon tour notre terre d’origine. Je n’ai plus de famille, je deviendrai notre recherche, je te l’ai promis, je la retrouverai. Ces courriers que je n’aurai de cesse de t’écrire seront autant de cailloux que je ne sèmerai pas et dont la chaleur grandissante accompagnera ma quête, comme les dessins de Rose, ses photos, que j’ai enlevés des murs. Maintenant je dois abandonner cette prison lacérée, défaite de sa mémoire, ces pauvres cloisons emplies de blancs interrogateurs. Suivre les pistes soulevées par la police, tout reprendre à zéro. Mon sac est prêt, mon itinéraire également. Mais avant, il va falloir s’allonger, tenter de dormir. Dès que je ferme les yeux, reviennent les ailes pourpres de la tempête, ses derniers mots, les miens, encore et encore…
La dernière fois – on en a parlé et reparlé depuis sa disparition –, elle avait déposé un baiser sur ma joue, enfilé à la hâte sa petite parka blanche avant de s’enfuir en courant. J’avais juste dit : « Rose, l’orage arrive ! Dépêche-toi, d’accord ? » « Oui, mais chut, tu m’empêches de les entendre », m’avait-elle répondu en riant. Chaque temps de printemps à Lumiès se passait au milieu des champs, dans un mystérieux dialogue avec les coquelicots, tu le sais d’ailleurs. Tu étais loin avec ta nouvelle famille, tes deux petits, mais pour que Rose et moi gardions ce lien précieux, tu me la confiais le plus souvent possible. Je vous ai trahies… Ce jour-là, j’ai rejoint mon établi. Sans hésiter. J’aurais pu m’asseoir, la regarder, courir avec elle, comme tu aurais fait certainement.
Lorsque le ciel s’est empli de sombres gouttes, je suis sorti de la maison. Le champ était désert, Rose avait disparu. Le vent sifflait, avalait mes cris, ralentissait ma course. Une masse nuageuse opaque dévorait, inexorable, la lumière suspendue au-dessus des plantes. Ces nuages, Marianne, chaque nuit, chaque jour, chaque heure, je me noie dans leur obscurité suffocante.
J’ai hurlé : « Rose, Rose… ! »
Autour de moi, les longues tiges phosphorescentes dévalaient la colline comme une écume déchaînée. Des pétales rouges parsemaient le ciel noir de taches papillonnantes. Obsédantes.
J’ai hurlé. Encore et encore.
Première partie
Dix ans plus tard
1

J’ouvre la portière arrière et m’installe sur le cuir fatigué. « Lumiès, s’il vous plaît. » Le taxi démarre immédiatement dans une cacophonie de klaxons, éparpillant les grappes de Parisiens déboussolés par la lumière du Languedoc, nous arrachant enfin au pénible brouhaha de la gare de Nîmes.
Cramponnée à mon bagage, regard baissé, je fixe mes chaussures noires luisant dans la quasi-obscurité du véhicule. Quelle idée de venir ici avec des bottines de ville ! En descendant du train tout à l’heure, j’ai senti une odeur de terre mélangée à l’herbe fraîche. Il a plu ces derniers jours. Elles seront souillées. Les bottes rouges auraient été plus appropriées. Déjà pleines de bosses et souples comme un gant de velours. Celles-ci sont tellement rigides. Mon soupir résonne et se bloque.
— Vous avez une préférence pour le trajet ?
Je sursaute et réponds rapidement :
— Ne prenez pas l’autoroute, je ne suis pas pressée.
Je serre mon sac contre moi et regarde à travers les vitres fumées. Après les bouis-bouis jalonnant les abords de la gare, nous longeons un terrain vague squatté par une partie de pétanque. Les habitués, béret sur la tête, concentrés sur le jeu. Comme dans un film. Suspendus au roulement de la boule. Absurde. Le taxi file et aucun ne lève les yeux. Au feu, deux gitans contournent la voiture avec leurs brosses et leur seau d’eau sale, jettent un coup d’œil à l’intérieur, ne me voient pas…
 
Et ces camisoles qui me corsètent le pied à la japonaise. Mes os vont crever leur cuir. Je vais exploser de partout à l’arrière de cette vieille Mercedes noire. J’imagine la tête du chauffeur. « Elle avait un sac de toile, des vêtements sombres et des cheveux attachés comme une institutrice. Jamais je n’aurais cru qu’elle vole en éclats dans ma voiture. » Mes pieds enflent encore et je sens cette douleur là-haut, coincée dans ma gorge. Raide et compacte. Au début, l’angoisse me faisait cet effet.
Pourvu que mes bottillons ne se fissurent pas…
Le véhicule emprunte une chaussée boueuse, s’éloigne de la ville. Ça empeste l’eau de Cologne et la cigarette, la cendre mouillée et parfumée. Je croyais qu’on ne pouvait pas fumer dans les taxis. J’entrouvre les lèvres pour ne plus sentir ce relent nauséabond.
— Vous connaissez la région ? me demande-t-il, inconscient de cette grosseur qui prend du volume dans mon gosier et menace de jaillir à chaque mot.
— Oui. J’ai vécu ici. Enfin, à Lumiès.
Voix sans visage. Je ne lui ai toujours pas jeté un coup d’œil, espérant qu’il finirait par comprendre. Il est massif et courbé sur son volant.
— Vous avez pourtant l’accent de Paris, dit-il, nullement découragé par mes réponses laconiques.
— Cela fait des années que je ne suis pas revenue.
Nos yeux s’accrochent dans le rétroviseur et une lueur d’effroi passe dans les siens. J’ouvre la fenêtre, penche ma tête à l’extérieur et me laisse souffleter par le vent humide. La tumeur déploie ses tentacules. Ils glissent, tapissent mes intestins, colonisent le fin fond de mes entrailles. C’est la première fois depuis longtemps qu’ils se propagent si loin…
Ce taxi, long, noir et sinistre pourrait être un corbillard. Il fonce le long des platanes alors que la nuit tombe sur la campagne mouillée. Routes cabossées, vignes recroquevillées, quelques tracteurs fatigués. Mes vieux repères défilent, dénués de sens.
 
Nous traversons un village ensommeillé. Derrière les volets encore ouverts, chacun illumine son intérieur, éclairant notre trajet comme autant de lampions funéraires. Un jeune garçon solitaire fait du vélo sur le trottoir, hésitant et maladroit. Une porte s’ouvre et il est happé par une main vociférante. Puis le hameau s’efface devant la morne alternance de plantations viticoles, pinèdes et morceaux de maquis épousant les coteaux. Ces paysages que j’aimais tant… Dix ans sans les voir et ils m’exaspèrent. Marre des petits villages, des toits de tuiles et des clochers tous identiques. Marre des cépages monotones, des garrigues arides et des champs d’oliviers. Marre du grincement des cigales et de la fausse jovialité des autochtones, du soleil oppressant, de la mer si proche et des plates étendues de sable fin. Marre de cette sinistre campagne qui dévore ses enfants et continue à prospérer. Marre.
Il y a vingt-deux ans, deux mois, cinq jours… et trois heures, j’avais ouvert grand la fenêtre aussi. La campagne défilait dans l’autre sens, plus paisible, pleine de promesses. C’est drôle, si j’avais su. Je me concentrais sur les ombres des arbres ce soir-là et le vent me fouettait le visage. La douleur me soulevait du siège. Des décharges électriques m’irradiaient le ventre, des vagues monumentales partaient de mon nombril pour l’encercler, le noyer. C’était un mouvement primitif, celui qui me portait alors, une danse animale. Rose se préparait à naître et mon corps l’accompagnait. Son père conduisait à côté, il me regardait parfois. Je devais avoir

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