Adieu, Staline !
91 pages
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Adieu, Staline ! , livre ebook

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Description

Deux jeunes hommes à l’aube de la vingtaine, Ilia et Témour, ne voient pas d’avenir pour eux dans leur petite ville de Géorgie, Koutaïssi. Ils décident d’en partir. Celui qui conçoit le projet, Ilia, est un tombeur de filles et une tête brûlée. L’autre, Témour, est un lycéen introverti qui a une passion pour le piano. Un échec amoureux, conjugué à la vie minable qu’il mène avec son père, le convainc de suivre Ilia en Amérique.
Leur périple sera parsemé d’embûches. Plusieurs fois repris et battus, ils échappent de peu à la possibilité d’être renvoyés en Géorgie et remis à la Guépéou, la police secrète de Staline. Ils réussissent toutefois à atteindre la Turquie, puis le Liban où, après plusieurs déboires, le destin va finalement leur sourire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 octobre 2021
Nombre de lectures 2
EAN13 9782895978619
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Adieu, Staline !
DE LA MÊME AUTEURE
Une adolescente en exil (publié sous le pseudonyme de Lamara Sagaradzé) Toronto, Éditions du Gref, 2017.
Lamara Papitashvili
Adieu, Staline !
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Adieu, Staline ! / Lamara Papitashvili.
Noms : Papitashvili, Lamara, auteur.
Collections : Voix narratives.
Description : Mention de collection : Voix narratives
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20210296569 |
Canadiana (livre numérique) 20210296720 |
ISBN 9782895978268 (couverture souple) | ISBN 9782895978602 (PDF) | ISBN 9782895978619 (EPUB)
Classification : LCC PS8637.A4445 A62 2021 | CDD C843/.6— dc23
Nous remercions le Gouvernement du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa pour leur appui à nos activités d’édition.

Les Éditions David 269, rue Montfort, Ottawa (Ontario) K1L 5P1 Téléphone : 613-695-3339 | Télécopieur : 613-695-3334 info@editionsdavid.com | www.editionsdavid.com
Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 4 e trimestre 2021
À mon grand-père Léon, Dieda , qui aurait souri en constatant l’ampleur des inventions romanesques truffant son histoire.
À Steffen, sans qui ce roman n’aurait pas existé.
Nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance que l’on trouve parfois entre l’œuvre et l’artiste.
H enri B ergson

PROLOGUE
Koutaïssi, République socialiste soviétique de Géorgie
15 août 1974
— La première fois qu’Ilia m’a proposé de fuir, j’ai refusé, pensant qu’il était fou.
Assis sur le balcon, Témour observe le crépuscule, une tasse de thé noir à la main.
— La deuxième fois, j’ai accepté, pensant naïvement qu’en partant d’ici, je me débarrasserais de mes tourments personnels.
Son histoire, il m’a promis qu’un jour il me la raconterait. Nous sommes justement en Géorgie, son pays natal, ce serait le moment idéal. À cause du décalage horaire, les autres dorment déjà.
Il me serre contre lui.
— Tout a commencé une nuit glacée de novembre.
PREMIÈRE PARTIE Crise
Koutaïssi, R.S.S. de Géorgie
24 novembre 1932
Ne confonds pas le pessimiste et le déçu. Moi, je suis un déçu parce que j’ai des preuves que la vie est un merdier.
G UIORGUI
Irina s’éloignait, une bague de fiançailles au doigt. La lune faisait scintiller son épaisse chevelure noire. J’aurais voulu lui avouer mes sentiments, mais Otar avait été plus courageux que moi.
Caché derrière un buisson, je fus transi par une vague de froid au moment où elle a refermé la porte de sa maison derrière elle. Afin d’échapper à son odeur persistante de savon et de vanille, je me suis levé en pleurant et suis parti comme un laissé-pour-compte. Je la revoyais assise à son pupitre, d’épais sourcils ombrageant ses yeux immenses qui m’engloutissaient, ses dents mordillant la lèvre inférieure quand elle se concentrait sur la leçon du professeur. Son rire enfantin que j’adorais a résonné dans mon imaginaire.
À la femme que j’aimais, je n’avais pas eu le courage de déclarer mon amour. Je me détestais, tellement ridicule, gelé sur le perron avec ma mâchoire qui claquait.
Il me fallait quitter les lieux.
J’ai déverrouillé la porte de la salle de musique du lycée, encore sous le choc de la condamnation de mon professeur au travail forcé en Sibérie, dénoncé pour comportement contre-révolutionnaire sans qu’aucun délit ne lui ait été signifié. La peur d’être incriminé occupait tous les esprits. On se tenait à carreau et on se comportait en ami pour ne pas tomber dans le viseur d’un officier ou d’un camarade vindicatif. Avec la disparition de mon professeur, celui qui m’avait confié le double des clés de la salle de musique, ma vie était privée de la présence d’un homme honnête que j’admirais et qui m’encourageait à continuer de jouer du piano.
Comme la veille et l’avant-veille, je me suis assis devant le Petrof. Aujourd’hui, ce seraient les notes sautillantes de Jardins sous la pluie de Debussy. Je m’occupais l’esprit en me concentrant sur le mouvement de mes doigts et sur la naissance des sons. C’était mon mécanisme de défense contre l’hostilité croissante à l’extérieur de ces quatre murs. Je m’estimais heureux, d’autres personnes avaient recours à pire : alcoolisme, violence, meurtre ou suicide.
Sans la musique, je ne sais pas ce que j’aurais fait. Ou plutôt si, je le savais : cogitations, réflexions. Mon cerveau aurait rejoué en boucle le 29 août 1924. Exactement ce que je voulais éviter.
J’ai repris le chemin de la maison le plus silencieusement possible en tâtant la poche de mon manteau. Ma propiska 1 s’y trouvait toujours. À moins de vouloir subir de pénibles contrôles d’identité, il me fallait rentrer avant le couvre-feu.
En arrivant, j’ai été interpellé par une affiche sur le pont. On y voyait des caricatures de propriétaires terriens, koulaks 2 , capitalistes, prêtres, Russes blancs, mencheviks 3 et alcooliques : boucs émissaires et ennemis du peuple. L’angoisse grandissait en moi. Des souvenirs heureux d’une période prébolchévique plus ou moins stable ont refait surface, l’époque où la Géorgie avait vécu quelques années d’indépendance. J’ai chassé ces pensées de mon esprit. À quoi bon ruminer le passé ? Le peuple souffrait et mon pays était devenu méconnaissable. J’ai pris une longue inspiration, immobilisé par un sentiment de défaite.
Avais-je également perdu le combat de ma vie ?
*
Ilia a ouvert la fenêtre de sa chambre pour vomir.
L’air frais lui a fait du bien. La dernière gorgée de tchatcha faite maison avait été de trop. Il l’avait su quand, en regardant le fond de la bouteille, la silhouette en avait quadruplé, mais Goubaz avait exercé une fois de plus son ascendant en insistant pour une dernière goulée. Heureusement qu’ils étaient tous partis, Ilia aurait perdu connaissance avec une goutte d’alcool de plus. Comment faisait Goubaz pour avaler le double ?
Comme d’habitude, son groupe d’amis se retrouvait chez lui pour s’enivrer le sixième jour de la semaine, jour de congé. Ili a aimait la sensation de la boisson lui réchauffant les veines, le libérant de ses tensions et lui faisant oublier les mauvaises nouvelles d’une connaissance ou d’un ami emprisonné, disparu ou fusillé. En état d’ivresse, il goûtait à l’existence telle qu’on devrait normalement la connaître à vingt et un ans : détendu, la garde baissée et profitant des plaisirs de la vie.
Il retrouvait avec joie ces soirées arrosées après six jours de dur labeur, surtout quand de jeunes femmes se joignaient à eux. Une pour chacun, même si les filles montraient toutes une nette préférence pour Ilia qui n’avait alors que l’embarras du choix. Cette victoire assurée, il l’adorait. Il choisissait la plus attirante du groupe et s’adonnait aux plaisirs charnels sans scrupules, tandis que ses copains se contentaient des autres.
Ilia s’est juré de ne plus jamais arriver à ce stade d’ivresse. Penché à la fenêtre, il pensait à moi avec qui il passait ses meilleurs moments. Pour Ilia, rien ne se comparait à nos entretiens, pas même les soirées avec la bande des cinq. Cela tenait à quoi, au juste ? C’est que le temps passé ensemble lui donnait l’impression d’une plénitude, sans avoir à recourir à l’alcool. Nous pouvions parler de tout et de rien. Notre amitié était sacrée pour lui et il ne se serait jamais avisé de m’inclure dans la bande des cinq ou de m’entraîner dans ses ivresses et encore moins dans ses expéditions de vols à l’étalage.
Ilia n’osait pas me dénaturer.
La porte de sa chambre s’ouvrit.
— Ça va, guénatsvalé 4 ? Tu ne dors toujours pas ?
— Non, m’man, mais ça va aller.
Lika sourit tristement et referma la porte derrière elle. Ilia était toujours à cran. C’était plus fort que lui. Sa mère l’énervait. Toute sa vie, les gens avaient profité d’elle et il ne le supportait plus. Pendant leur débauche de plaisirs une fois par semaine avec ses copains, elle et ses sœurs s’abritaient au sous-sol, alors qu’une mère normale aurait tenté de mettre fin à un tel dévergondage. Pas Lika. Elle gardait sa passivité naïve et débonnaire. Son mari, le père d’Ilia, l’avait abandonnée bien avant l’arrivée des bolchéviks. On disait aussi que les femmes étaient son seul centre d’intérêt. En 1912, seule avec trois enfants à charge, Lika avait été obligée d’accepter des heures de travail supplémentaires chez de riches koulaks. Son nouvel employeur l’avait maltraitée et surexploitée. Situation fréquente à l’époque avec une bourgeoisie qui malmenait et brutalisait ses travailleurs. C’est pourquoi, contrairement à moi, Ilia, avec un père absent et une mère exténuée, n’avait pas la nostalgie de cette période révolue d’une bourgeoisie capricieuse. Mais il n’aimait pas pour autant le projet bolchévique : un monde dans lequel crimes et injustices étaient continuellement et impunément commis envers le peuple. Au bout d’un mois de labeur, Lika, épuisée de fatigue, était tombée dans un ravin. Gravement blessée, elle perdit à jamais l’usage de son bras droit.
La guérison de Lika avait pris du temps. Mais depuis trois ans, les bolchéviks l’avaient placée dans une usine où elle triait des noisettes en se servant de sa main gauche.
Ilia se rendait compte de la dureté de ses pensées, mais rien que la vue du visage de sa mère l’écœurait. Le silence de Lika lui rappelait sa responsabilité d’homme de famille. Ce devoir lui pesait et, pour cela, il lui en voulait.
Quand la nausée s’est calmée, il sortit de son tiroir une carte postale avec l’image d’une statue tenant une torche dans sa main droite et un livre dans sa main gauche. Il se souvenait du jour où des touristes américains avaient acheté une toile à mon père, Guiorgui. Ce jour-là, Ilia était présent, mais il ignorait ce qui avait poussé ces gens à le remarquer et à lui offrir cette carte postale. Ils lui avaient montré la statue du doigt et avaient articulé tavisoupleba, liberté, avec un acc

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