Avant la nuit - Nouvelles modernes
223 pages
Français

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Avant la nuit - Nouvelles modernes , livre ebook

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Description

Il n'avait pas encore la main sur la poignée de la porte entrebâillée qu'il sentait déjà un parfum bon marché gagner ses narines. Dans l'atmosphère saturée d'une chambre aux rideaux clos, elle était sur son lit en train de lire, vêtue d'une nuisette bleue. d'un sourire elle lui fit comprendre qu'il pouvait finir d'ouvrir la porte et entrer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782380330007
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

AVANT LA NUIT Nouvelles modeRnes
© Les éditions des EnfeRs, 2020 ISBN : 9782380330021 DiRecteuR de collection : GeoRges FeRnandes PhotogRaphie de couveRtuRe : Jean-FRançois Even
ClaRence UrVILLE
AVANT LA NUIT Nouvelles modeRnes
Les éditions des EnfeRs
7 23 27 33 59 65 73 77 101 107 123 133 143 159 167 175 181
LaFange aupiedduChêneBLeu TroisesCargoTs uneBêTe sousLesÉToiLes L’œiLdugÉanT MiLLehivers LuCien LeMiroir LesnoCes LesMarChes LesCLoChesnoires LarueauFoL Lepassage LeChiennoireTLeFroMage LepainMaudiT LeMaîTredesLieux
LA FANGE
– 1 –
Ana-Vera s’endormit profondément. Si profondément, qu’elle ne sentit pas le petit être qui sortit de sa bouche, suivi de plein d’autres. À la le indienne, ils descendirent par la commissure de ses lèvres sèches, parcoururent ses oreillers pour arriver sur le matelas. Les rayons de lune cachée des nuages venaient imprimer leurs ombres par intermittence. Une fois au bord du matelas ils inspectèrent le vide. Le premier sorti de la bouche eut l’idée de se servir des plis du drap pour la descente. Une fois parvenus sur le rebord du sommier, il leur fallut faire preuve d’une grande souplesse pour rejoindre le pied du lit en bois torsadé sur lequel ils se laissèrent glisser jusqu’au parquet. Ils formaient une ligne continue, comme un l s’étendant de la bouche de la jeune femme jusqu’à la porte de sa chambre. Heureusement,ilyavaitassezdespaceentrelabarredesoletlebasde la porte pour que les petits êtres puissent passer en rampant. Le premier à s’être risqué aida le deuxième à passer, le deuxième aida le troisième et il en fut de même pour le millième. Quand les petits êtres considérèrent que la voie était libre, ils empruntèrent un couloir carrelé pour rejoindre la porte d’entrée en longeant les plinthes. Ana-Vera eut soif. D’un geste brusque, elle jeta sa couette sur le côté, ouvrit tout aussi brusquement la porte de sa chambre pour traverser le couloir. La salle de bain était juste en face. Aver-tis par l’enclenchement de la poignée, les petits êtres lancèrent le
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signal d’alarme. À ce signal, comme s’ils n’étaient qu’un être, ils se liquéèrent pour former une aque de boue. À l’extrémité du couloir, l’endormie ne remarqua même pas la aque à côté de la porte d’entrée. Elle tira la chasse d’eau avant de se recoucheraussitôt. Quand la porte fut fermée et que les ressorts du lit eurent grincé, la aque de boue coula sous la porte d’entrée. Une fois sur la marche en béton du perron, les petits êtres se désolidarisèrent. Ce ne fut pas une cohue sans nom, bien au contraire. Ils reprirent leur organisation en le indienne et continuèrent leur chemin au même rythme en empruntant le trottoir. Si un badaud était passé par là, il aurait mis sur le compte de la fatigue ou de la nuit ce qui s’offrait sous la lumière du lampadaire. Était-il possible de croire en cette trace, au premier abord une trace de bout, qui après un examen plus attentif ressemblait à ces colonies de petites chenilles ? Sans visage et sans yeux, mais possédant des jambes, des bras, une tête, les petits êtres rejoignaient calmement leur destination.
– 2 –
Le lendemain la jeune femme se leva en retard. Elle était de parti-culièrement mauvaise humeur. Le ciel gris comme des yeux balayait des petits nuages. Même les marronniers avaient l’air mécontents. La jeune femme roulait à toute allure sur son vélo, quand au carrefour de la fontaine les gyrophares de trois voitures de police attirèrent son attention. Dans un quartier résidentiel aussi calme que celui-ci, c’était extraordinaire. Les voisins étaient à leur fenêtre ou derrière la haie de leur jardin pour espionner. Ana-Vera non plus ne voulait pas en perdre une miette. Elle comprit vite que c’était chez Magalie Striss qu’il se passait quelque chose. Elles étaient fâchées depuis un moment. Pas plus tard
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qu’hier soir, elles s’étaient encore pris le bec concernant l’organisation du spectacle de n d’année du club où elles dansaient toutes les deux. Ce drame qui survenait si peu de temps après leur dispute ne manquait pas de la déstabiliser. N’osant pas s’approcher des voitures, elle avisa monsieur Massocle qui était, la bouche ouverte, planté à côté de sa boîte aux lettres. Quand elle le salua en lui demandant ce qu’il se pas-sait il la dévisagea sans quitter son air ahuri. Magalie Striss avait été assassinée, des policiers étaient venus lui poser des questions. Cette nouvelle t frémir Ana-Vera qui manqua lâcher son vélo. D’autres voisins les avaient maintenant rejoints pour partager leur émoi. Tout le monde était sous le choc. Elle qui était si gentille, si douce, si discrète, toujours serviable… La pluie de compliment qui tombait t sortir la jeune femme de ses gonds, elle coupa court pour donner son avis. S’il était arrivé quelque chose à Magalie c’est qu’elle l’avait sûrement cherché. Parce que, elle, connaissait Magalie sous un jour beaucoup moins atteur ! Un inspecteur qui s’était mis en retrait l’écoutait déverser son el. Certains des voi-sins n’osaient pas la contredire, d’autres fronçaient les sourcils par désaccord, d’autres acquiesçaient. Quand ce fut assez, l’inspecteur l’interrompit, dispersa le groupe et l’attira derrière une voiture pour l’interroger. La sobriété de son costume anthracite jurait avec le bleu électrique du vélo. « Il est à vous ce vélo ? — Oui quelle question ? — C’est une belle machine, mon père en avait un, si vous le restaurez comme il faut il vaudra cher. — Et alors ? — C’est votre seul moyen de locomotion ? — Oui. — Vous n’avez pas de voiture ? — Est-ce que je prendrais mon vélo si j’en avais une ? L’inspecteur ignorait l’agressivité de son interlocutrice, ce qui ne faisait que l’attiser.
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— Vos rapports semblaient orageux avec madame Striss. — Qu’est-ce qui lui est arrivé ? — Répondez s’il vous plaît. — Effectivement. De toute façon vous avez entendu ce que j’ai dit. — Je veux bien que vous répétiez. — Elle voulait briller pour mieux effacer les autres. Avec ses cheveux décolorés elle se croyait plus belle que tout le monde. Elle faisait une cour racoleuse à notre professeur, mon Dieu la pauvre, c’était d’un pitoyable. La jeune femme rageait tant que ses rictus la déguraient. Ses yeux roulaient dans ses orbites gonées, elle piaffait à chaque phrase en attendant une réaction de l’inspecteur. Celui-ci d’un air indiffé-rent tentait de refermer les spirales de son carnet. — Est-ce que le professeur lui rendait son affection ? À cette question elle crut s’étrangler. — Son affection ? Mais qu’est-ce que c’est que cette question ? Tout était dans sa tête monsieur l’inspecteur. Elle était seule à se croire irrésistible. Romuald était trop distingué pour s’intéresser à ce genre de lle. » Ana-Vera se cramponnait à son guidon. Elle xait son interlo-cuteur pendant qu’il griffonnait son carnet. Elle fut presque dépitée de s’entendre dire qu’elle pouvait s’en aller.
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Le soir du drame, chaque foyer, autour du repas, avait son avis à donner et des hypothèses à revendre. Les inimitiés tannées par le quo-tidien retrouvaient leurs couleurs pour charger à l’envi les voisins. Ana-Vera n’y coupa pas. Dans ce vase clos bubonneux de pavillons cossus, les moindres faits et gestes étaient archivés. La jeune femme
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