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Je m'inscrisDescription
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Informations
Publié par | Harmattan |
Date de parution | 01 février 2008 |
Nombre de lectures | 232 |
EAN13 | 9782296179011 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0079€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
BEYROUTH PANTOMIME
Daniel Cohen éditeur
Littératures, une collection dirigée parDanielCohen
Littératuresest unecollection ouverte,tout entière, àl’écrire,quelle
qu’en soit laforme:roman,récit,nouvelles, autofiction,journal
;démarche éditorialeaussi vieille que l’édition elle-même.Mais si
prescripteursde goût ici, concepteursde laforme romanesque là, comptables
deces prescriptions etdecesconceptionsailleurs, assèchent le vivier
des talents,l’approchedeLittératures, chezOrizons,est simple — il eût
été vainde l’indiquer end’autres temps —:publierdesauteurs que leur
force personnelle,leurattachementaux formes multiples,voire
multiséculairesdu littéraire, a conduitsaudésirde faire partager leur
expérience intérieure.Du textedépouilléàl’écrit porté par le soufflede
l’aventure mentale et physique,nous vénérons,entre tous lescritères
d’où s’exsude l’œuvre littéraire,le style.
Flaubert écrivant:p« j’estimear-dessus toutd’abordle style,
et ensuite le vrai »,il savaitavoir raisoncontre tous lesdépérissements.
Nous en faisons notrecredo.D.C.
Dans lamêmecollection:
Toufic El-Khoury,Beyrouth Pantomime,2008
Bertrand duChambon,Loin de V"r"nas#,2008
JacquelineDeClercq,Le Dit d’Ariane,2008
Gérard Laplace,La Pierre à boire,2008
HenriHeinemann,L’Éternité pliée, Journal,édition intégrale endix
volumes,2007,2008 etau-delà
Àparaître:
OdetteDavid,Le Maître Mot,2008
Gérard Gantet,Les Hauts Cris,2008
ISBN978-2-296-03818-9
© Orizons, chezL’Harmattan, Paris,2008
Toufic El-Khoury
BeyrouthPantomime
roman
2008
Chapitre I
Beyrouth
l sortitdelasalle de cours, et latrouva.
I
–Jeveux tevoir,toutdesuite.
Le couloirdela faculté
grouillaitdevisagesanonymes ou vaguementfamiliers, etdubruissementdevoixau
sortirdu silence.Elleleregardasurprise,modérant par un
regardl’empressementdesonami.
–Jenepeux pascesoir, dit-elle.
–Essaiequandmême.
Ellesemblahésiter,puisfit ouidelatête, et ungeste
delamain.
–Cesoir, après la fête,j’essaierai.
–Jet’attends.
Lavoixavait unfond d’autoritéqui l’irrita.Elle
chercha àle déconcerter,rien qu’un peu.
–Jevais voir.Jenesais pas.
Il laregarda encore,sombrement,puis s’éloigna.Il
préférait quandleursdiscussions netraînaient pas.Libre
pour lereste delasoirée,ilallal’attendre dans son studio.
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TOUFICEL-KHOURY
Elle arrivavers minuit.Ilavaitcommencéun roman,La
femme gauchèrede Handke,qu’il lisaitavecimpatience.
Étendu sur son litétroit,ilentendit laportes’ouvrir,mais
ne bougeapas, attendant qu’elle apparût.Elletraîna dans le
petit vestibule,où une armoirelaissait peudeplacelibre, et
ilcrutcomprendre,par lesilencequi suivit lesfroissements
delaveste,que ces instants-là deplusétaientdusàune
hésitation peut-être.Il nel’appelapas,maisdéposale
roman par terre.Elle apparutenfin ;avança,sans
leregarder,vers la fenêtre,ouvrit les rideaux.
–Éteins lalumière, dit-elle;cequ’ilfit.
Dans lanouvelleobscurité,lalumière dudehors
éclairait uncôté desoncorps,unepartie deson visage.Il
devinait lereste.Ellese débarrassa desa chemise,sous
laquelle elle était nue.Son pantalonglissasur sapeaudans
unfrottement léger.Elles’immobilisa,regardavers lelit.
–Tu viens ?
–J’arrive, dit-elle.
Ellerelevasescheveux,les noua,touten
s’approchantdu lit.Ellesepenchavers lui,l’embrassasans
l’enlacer.Ilfut soudaingênéparcette distancequ’ellemarquait
dans leursgestes les plus intimes, et qui semblait
questionner lanaturemême deleurs relations.Undoutese glissait
entre eux,làoù il n’espérait qu’un peud’oubli.Une
désagréablesensation passa dans ses nerfs.
–Çavapasêtre gai, cesoir, fit-ild’unevoix
monotoneoù perçait un peude cruauté.
–Pourquoi ?dit-elle.
BEYROUTHPANTOMIME9
Ses yeux, dansl’obscurité, attendaient uneréponse
pertinente.Cesdoutes n’avaientaucunejustification.Par
paresse,ou parcrainte de gâchercequi restaitd’insouciant
dans lasituation.
–Non,rien,je blaguais, dit-il.
Elles’étenditenfin sur lelit.Il l’enlaça.
Elle dégageaunbras pour trouver la bouteille d’eau.La
chaleurdans lapetite chambre devenait parfois
insoutenable.Ilentenditdans l’ombreunglouglou pressé,suivi
d’unerespiration saccadée.Ilfermales yeux.Un silence
s’installasoudain,malgrétous lesbruits quicirculaient
dans l’air, et ileut lesentiment, au moment où il
seretrouvaitdans son obscurité, d’êtreseul.
–J’ai rencontréquelqu’un, dit-elle,larespiration
calmée.
–Encore?
Elle fit semblantdenepasentendre.
–Ilal’airbien.
–Jele connais ?
Son tonétait toujours monotone,mécanique, et
indifférent, comme dans une discussionavecun voisinde
train.
–Non.Tu veux lerencontrer ?
–Pas lapeine.
L’ironie étaitàpeinepassée.
–Il semble amoureux, c’estbien,non ?
10
TOUFICEL-KHOURY
–Oui, c’estbien, commetoujours.
–Tudoisbien t’enfoutre, alorsépargne-moi tes
remarques.
Il ne demandait pas mieux que
desetaire.Elleressentitcesilence commeun soulagement,libérée de cette
voix qu’elletrouvait parfois insupportable.Ilsétaient
toujoursétendus, côte à côte,sans setoucher,invisibles l’unà
l’autre.Leurs respirations se
confondaientàpeine,marquées pardeux rythmesdifférents.Puis, après quelques
minutes,quelque chose dans lesilencemêmesemblase
dissoudre.
–Ila dit quejesuis salumière.
Il rit, elle fitdemême.
–Çane fait pas rire, dit-elle enfin.C’est sérieux
toutça.
–Jesais,justement, dit-il.
–Nos premièresfois n’étaient pas meilleures.
–Tu tesouviensdenos premièresfois ?
–Oui.Tu n’arrêtais pasdeparler.
–T’as voulu merevoir pourtant.Qu’est-cequet’as
trouvé d’intéressant ?
–Jenesais pas.Audébut,rien.Çaneme disait
riendeterevoir.Mais tu l’asdemandé gentiment.Tu
semblais y tenir, çam’a flatté.
–Ça commencetoujourscomme ça.Une flatterie
quelconquesuit l’autre, et l’on selaisse aller, comme àune
invitation qu’onaccepteparcequ’on n’ariend’autre à
faire.Ou par paresse,jesais pas.
BEYROUTHPANTOMIME
11
Elle eut un soupiramusé.
–Il n’yapasd’amourdonc,selon toi…
–Si,peut-être.Maisçavientavecl’habitude,l’en-
nui,ou lapeur,qu’est-cequej’en sais.Nous,parexemple,
on sevoit par habitude.
–C’est vrai.
Unbruit vintdel’extérieur,le crissementde freins,
lerâle dubitume, et un juronenroué.Unemêlée devoix
monta delarue, et ne débouchasur rien.Ce bruitanodin,
cet incidentanonymelesavaient liésàlaville, et le blanc
qui s’ensuivit lesen sépara aussitôt,les laissantdenouveau
seuls.Ils prêtaientattention,parennui, à cequidevait
suivre et nesemanifestait pas,ressentant unbrefsoulagement,
ou uneprofonde angoisse.
–Ça faitcombiendetemps ?
Ilapprochait ses mains,voulut ignorer saquestion.
–Ça faitcombiendetemps ?
–Quoi ?
–Qu’on sevoit, comme ça?
–Jesais pas… unan…
–C’est long,très long…
Ellel’avaitditd’un ton indifférent, commeon
répond àune banalité.Il se demandasi toutceci n’avait pas
été du temps perdu.Ellesele demandaitaussi,peut-être.
–Etcombiendetempsçava durer ?
Ilfit ungeste courtdelamain,invisible dans lenoir.
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TOUFICEL-KHOURY
–Ças’arrêteratoujours.
Samain venaitdetoucher lehautdesa cuisse.Il la
promenalongtemps, aussi loin qu’il pouvait, en silence,
attendant uneréaction.Elle eut un petit soupirde ceux
qu’onesquissequandon reçoit quelque chosequi n’atteint
pas nosespérances.Il leremarqua, etdans letrouble de
l’instant,y vitdel’ironie.
–Jete dérange?
–Pas vraiment.
–Jeteveuxencore,maintenant, dit-il.
–Encore?
–Encore.
Ellene dit rien,sentitaussitôtdeux mains
l