C’est fou ce que les gens peuvent perdre , livre ebook

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C’est fou ce que les gens peuvent perdre : des papiers, des bijoux, de l’argent ; les cheveux, les dents, la vue ; les illusions, l’espoir, la vie ; leur identité…
Quand Hélène Heden réalise qu’elle n’a vraiment plus rien à perdre, elle décide de gagner sa vie en cherchant des objets perdus. Alors s’ouvre à elle un univers fascinant qu’elle décrira dans un cahier noir… jusqu’au jour où elle est victime d’un mystérieux accident.
Au cœur d’une intrigue aux dimensions quasi théâtrales, se profile une réflexion implacable et percutante, quoique chargée d’humour, sur la vie, l’amour, l’argent et la guerre.
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Publié par

Date de parution

16 juin 2014

Nombre de lectures

3

EAN13

9782895974772

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

C’est fou ce que les gens peuvent perdre
DE LA MÊME AUTEURE

Nouvelles
« Une femme dérangeante », Stop , n o 142 (1995).
« L’impardonnable perplexité de l’être », Mœbius , n o 68 (1996).
« Les dés le disent », Mœbius , n o 74 (1997).

Conte
Belliqueue, le bélier fougueux , CSDM, Centre Lartigue, 2007.

Théâtre
Si je te disais je t’aime , 1996 (lecture publique au Théâtre d’Aujourd’hui).
À quand l’Apocalypse — Entre les dieux nos cœurs balancent , 1997 (pièce écrite en collectif et jouée au Théâtre d’Aujourd’hui).
Monique Hauy
C’est fou ce que les gens peuvent perdre
Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l’Ontario, la Ville d’Ottawa et le gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Hauy, Monique, 1954- C’est fou ce que les gens peuvent perdre / Monique Hauy.
(Voix narratives et oniriques) ISBN 978-2-89597-085-9
I. Titre. II. Collection.
PS8615.A79C47 2007 C843’.6 C2007-905972-4

Les Éditions David 335-B, rue Cumberland, Ottawa (Ontario) K1N 7J3 Téléphone : 613-830-3336 / Télécopieur : 613-830-2819 info@editionsdavid.com / www.editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 4 e trimestre 2007
À mes enfants, Morgan et Myrna
Mes remerciements à Huê-Tâm, à Philippe et à ma sœur, Martine
— Luc ! Qu’est-ce ça prend au pluriel, des hiboux ? Un x ou un s ?
Assise à une table, penchée au-dessus de son cahier, toute tendue vers le savoir, la Viking rejette sa lourde tignasse blonde en arrière, referme son cahier et commence à ranger ses affaires.
— Pourquoi tu t’arrêtes ?
— J’en ai marre ! J’y arriverai jamais !
— Pourquoi tu dis ça ? J’ai bien appris, moi, et en prison, en plus. J’ai mis des années à m’acharner sur tous les manuels de la bibliothèque, mais j’y suis arrivé.
C’est même ainsi, en alignant les lettres, puis les syllabes, puis les mots, puis à coups de lectures passionnées, qu’il avait tué son agressivité. Une vengeance sur le passé… Même si l’instruction ne rend pas nécessairement meilleur, seulement plus apte à vivre en communauté.
Il dépose son torchon sur le comptoir qu’il contourne pour se diriger vers la Viking, tire une chaise et s’assied en face.
— Pourquoi les mots prennent pas tous un s au pluriel, hein ? Pourquoi est-ce que c’est si compliqué, le français ? lui demande la Viking en poussant un soupir.
Ah ! Ce qu’il aimerait transformer ce soupir d’insatisfaction en soupir de plaisir, étendre son corps, s’étendre sur lui…
— Quand j’étais en prison, mon prof m’a dit qu’avant, c’était pour garder les gens dans l’ignorance.
— Et maintenant ?
— C’est par habitude.
— Une habitude, ça se change, non ? réplique la Viking sans réfléchir.
— Oui, mais ça prend du temps, répond Luc en posant ses coudes sur la table. Il penche la tête, à la recherche de son regard, un petit sourire brillant dans ses yeux. Tu devrais le savoir, non ?
La Viking relève la tête et croise le regard de Luc, aussi clair que ses insinuations. Immense, elle se sent tout à coup toute petite. Elle s’affaisse, écrasée sous le poids des sentiments qui s’affolent dans son cœur qu’elle n’est pas encore prête à ouvrir. Trop tôt ou trop tard. Elle ne sait pas. Tout ce qu’elle sait, en ce moment, c’est justement que le moment est mal choisi, qu’il y a encore trop d’incertitudes…
— T’as repensé à ma proposition ? interroge Luc qui, lui, se croit synchronisé dans le temps ou qui voudrait tellement l’être qu’il tente de le provoquer.
— Laquelle ? Celle qui s’est infiltrée clandestinement dans ton cerveau, comme un malfaiteur qui entre en douceur dans une maison de banlieue, avec précaution mais avec, aussi, l’intention de tout saccager ?
— Tu sais pas écrire, la Viking, mais tu sais bien parler, lui fait remarquer Luc en tendant vers elle son bras tatoué.
Une véritable œuvre d’art, cet avant-bras couvert de noms, de prénoms, de souvenirs. Témoignages indélébiles l’ayant détourné de son chemin actuel. Chaque dessin représente une partie de sa vie. Un chapitre. Il porte sa biographie sur tout son corps, jusqu’au bout des doigts. Sa main tatouée s’approche du visage blême de la Viking, lui caresse la joue.
— Tu serais la patronne et moi, le patron. Je ferais réparer l’enseigne. J’inscrirais Chez Dubois et la Viking !
Une lueur d’inquiétude a élu domicile dans le regard de la Viking qui se redresse comme si elle venait d’apercevoir un piège devant elle. La pitié ne doit pas réveiller les morts. Pour l’instant, trop de mensonges érigés entre eux forment une barrière infranchissable. Comment pourrait-elle amorcer une relation avec quelqu’un en qui elle n’a pas une entière confiance ? Pas question de recommencer les erreurs du passé. « Le passé, se dit-elle, ça sert à ça. À éviter de le revivre. »
— Réponds à ma question, fait-elle avec froideur. Qu’est-ce que ça prend, des hiboux ? Un x ou un s ?
— Je te fais un marché. Un contrat social, en quelque sorte. Je réponds à ta question, si tu réponds d’abord à la mienne.
— Si Hélène était là, elle pourrait me répondre… murmure la Viking.
Luc baisse les yeux, se tait, puis se lève et retourne au comptoir. Une frontière rassurante, pour la Viking, la marque incontestable du progrès accompli, mais un gouffre pour lui qui y voit, au fond, la pérennité de l’incompatibilité des sexes, son apprentissage à la patience. Il attend avec prudence le moment propice où elle sera prête. Il sait qu’un jour ce moment viendra.
— Au fait, t’es allée à l’hôpital, hier ? demande-t-il.
— Oui.
— Puis ?
— Toujours pareil. Aucun changement ! répond laconiquement la Viking qui n’a pas envie de parler… Trop pénible… Alors ? x ou s ? insiste-t-elle.
— Entre toi et moi, t’en as vu souvent des hiboux ?
— Jamais ! Euh… oui ! Une fois, j’en ai vu un.
— Bon ! Eh bien, pas besoin de s ou de x , réplique-t-il en se retenant pour ne pas éclater de rire.
— Tu sais pas plus que moi, hein ? Allez ! Avoue que t’en sais rien, se moque la Viking en lui lançant un torchon qu’il évite en se cachant derrière son comptoir. Tiens ! On dirait que j’ai visé en plein cœur de ta faiblesse.
Resurgissant du comptoir, Luc pose son menton sur le rebord, la regarde sans rien dire et revient sur ses pas, le torse triomphateur, tandis qu’elle le fixe, soudain silencieuse. Commence un combat de regards fébriles, un duel de regards fertiles, le frisson du désir inassouvi.
— Qu’est-ce que t’as ? demande-t-il.
— Rien ! Rien ! Je me disais que t’avais de beaux muscles…
Et la paix s’établit entre eux. Le gouffre se referme. Les parois se rejoignent. Elles se frôlent.
— Tiens ! La voilà encore, elle ! fait Luc en pointant la vitrine.
Fin du moment magique. De l’autre côté de la rue, l’inconnue de la semaine, l’inconnue des années soixante, vêtue de son unique robe à froufrous, s’apprête à traverser. Bientôt, elle viendra les rejoindre, s’installera à sa table et fera semblant de lire.
Chaque jour, depuis une semaine, à quatorze heures tapantes, « elle » entre et va s’asseoir à la table du fond, vêtue de la même robe en crêpe rose, la tête entourée d’un bandeau noir, un sac de toile écru pendant en bandoulière. Véritable réincarnation des années soixante, pour le moins une femme étrange, mais pas nécessairement une étrangère, ayant l’air de venir de nulle part, mais pas nécessairement d’ailleurs, elle sort son paquet de cigarettes, son carnet noir et commande un café. Comme la veille, l’avant-veille et les jours précédents. Du lait. Pas de crème. Pas de sucre.
Mêmes gestes, même table, même heure.
Assise devant la même tasse, la cliente lit dans la fumée qui s’enroule autour d’elle, l’auréole. Elle lit. Une heure, pas plus. Lentement, les yeux presque fermés sur les lignes

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