C EST LA VIE   NOUVELLES
120 pages
Français

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C'EST LA VIE NOUVELLES , livre ebook

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Français

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Description

Dix brèves de rupture - dans lesquelles se croisent vérités, secrets, envies, jouissance, amour, mort - ... invitent, à la lueur bienveillante de la tendresse et de l'humour, à ne pas perdre de vue la précarité de la condition humaine ainsi qu'à poser en exergue à toute vie, l'inéluctable "Memento Mori" : " souviens-toi que tu vas mourir"..

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 38
EAN13 9782296801875
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

C’est la vie
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54256-3
EAN : 9782296542563
Johane Fontaine


C’est la vie



nouvelles





L’Harmattan
Du même auteur

« Incertains pouvoirs », in Le souffle Déols, L’Harmattan 2008
Sous le nom de Paule Gérard, « Tang Gram », Edilivre 2008
Dédicaces:

A mon fils Adrien sans lequel je n’aurais jamais osé entrer « en écriture ».
A ma mère.
A la mémoire de mon père et de mon frère.
Au nom des miens.

Remerciements :

A mon amie Odile Chapuis qui a mis ses talents de créatrice au service de l’illustration.
A Cathy.
A Philippe Maupu pour son écoute bienveillante.
A Fabrice Bonardi, à l’initiative du concours littéraire Georges Sand.
A l’équipe des éditions l’Harmattan pour son soutien. Aux amis précieux qui m’ont encouragée.
Au Père Lamé.
Marthe et le jeu de cette famille
Ile aux Moines, 21 décembre.

Marthe pointe le contenu du camion. Le ton monte : où sont passés les objets entreposés au 35, rue Ordener ? Le transporteur clame sa bonne foi : il a chargé ce qu’on lui a indiqué, à savoir tout ce qui se trouvait au 37 ; personne ne lui a parlé du 35. Déjà que celui qui lui a ouvert la boutique ne semblait pas très au courant, alors leurs combines ! Et puis le temps presse, il n’a pas l’intention de réveillonner sur l’Ile : qu’elle signe et qu’on en finisse !

Ile aux Moines, dix jours après.

Les unes par courrier, les autres par téléphone, tantôt excuses, tantôt propositions, tantôt injonctions -voire les trois à la fois-, les nouvelles affluent sommant Marthe de se manifester. Désemparée, elle arpente à contrecœur la maison qu’elle va fermer jusqu’au prochain séjour. Et si elle ne regagnait pas la capitale pour récupérer son dû ? Et si, du jour au lendemain, elle mettait la clé de son cabinet sous la porte, pour s’installer ici à l’Ile aux Moines ? Elle hausse les épaules : une fois de plus, elle se contentera de flirter avec cette idée. Elle s’oblige à tâcheronner, mais il n’y a plus rien à faire pour la distraire de sa fébrilité : le réfrigérateur est déjà dégivré, les volets du haut sont fermés, les sièges recouverts de housses, les armoires rangées empestent la naphtaline et les bagages s’alignent dans le vestibule. Ne reste qu’elle… Incasable dans cette oasis qui boude et la renvoie à ce Paris qu’elle exècre.
Encore une heure avant l’arrivée du taxi. Marthe se résout à sortir en dépit de la pluie torrentielle. Vaincue par l’agressivité des bourrasques, elle se réfugie chez le buraliste. Sur un présentoir, la presse à scandale exhibe un postérieur laiteux, wagnérien. Ce fessier gras sur lequel elle imagine des boutons cerclés d’une auréole rougeâtre la rend folle de rage, la replonge malgré elle dans ses préoccupations. Elle s’empare de la feuille de chou et la jette sur le comptoir, lançant, péremptoire : « vous devriez avoir honte ! » . Confuse, elle bredouille une vague excuse et s’enfuit, obsédée par ce derrière vulgaire sur lequel s’est plaqué celui d’Isolde, celle qui ne sera pas sa belle-fille, augurant de la confrontation qui l’attend rue Ordener… Quelle idée, mais quelle idée de s’être prise, à la quarantaine bien frappée, pour l’égérie d’un artiste raté, entretenu par sa mère et d’avoir renoncé à son indépendance provinciale pour servir de mauvais objet à sa peste de fille : « je le connais mon père… Tu ne feras pas de vieux os… Y’a que moi dont il ne se lasse pas ! Moi… et ma grand-mère ! Les autres… » .
Comme si elle y était, l’atmosphère irrespirable de l’atelier du 18ème arrondissement l’étreint. Relents de Gueuse, remugles froids de Boyards, bouffées d’éther empuantissent l’air ambiant. L’inconscient assailli par ces émanations délétères, Marthe défaille à la pensée de se retrouver face à cette triade infernale. Des scènes rémanentes lui reviennent en mémoire : elle revoit la petite vamp épuisant à quatre pattes –mamelons pendants, string débridé- les éroscopes des magazines féminins ; elle se représente la rombière fourrageant dans son aumônière garnie de billets ; elle songe à lui, faussement offusqué, vérifiant les liasses, ronronnant sur le poitrail avantageux : « Maman, que serais-je sans toi ? » . Sur le trottoir, Marthe laisse échapper l’injure qu’elle bâillonne depuis quelques mois : « connasse ! » . Si « conne » est charmant, « connasse » doit être féroce à en juger par le regard mauvais que lui décoche la passante qu’elle vient de heurter. Après s’être assurée discrètement que sa victime lui est inconnue, elle poursuit son chemin, vérifie la présence du courrier au fond de sa besace, s’engouffre « chez Maud » et commande un café. Ecœurée, elle relit les écrits racoleurs de « la banquière », réécoute une dernière fois sa messagerie puis efface, agacée, les propos du lamentable génie, les excuses alambiquées d’Isolde. Elle décachette le courrier du jour. Son portable sonne ; le numéro de Florie s’affiche… Qu’il sonne ! L’arôme de l’arabica la revigore. Elle consulte le message : ça y est, elle sait ce qui s’est passé ! Et du même coup, elle sait ce qu’il lui reste à faire. Rapide coup d’œil à la pendule : Marthe en déduit que, dans le dix-huitième, la maisonnée dort encore et qu’avec un peu de chance, elle tombera sur le répondeur. Elle a vu juste ; voix langoureuse, Isolde susurre sur fond de musique New-age : « mais si mais si, mes chéris, les Quezamis vous aiment et ne vous oublient pas, mais c’est samedi ! Veuillez laisser… » . Marthe lui cloue le bec et s’entend, surprise, énoncer détachée qu’elle les attendra ce soir à vingt-trois heures chez « Matrioschka ». Hilare à la pensée de les imaginer lanternant en vain sur les banquettes de moleskine du restaurant de la rue Bréa, elle regagne sa maison. Elle fait claquer allègrement les contrevents, roule les housses en boule, rebranche le réfrigérateur, décommande le taxi, débouche une bouteille de Médoc et s’allonge sur le canapé tendu d’indienne.
La vieille bâtisse revit ; Marthe rajeunit…
Ile aux Moines, le 31 décembre,

Isolde,

J’aurais bien voulu t’aimer…
Trop contraires, si étrangères…
Quoi que je fasse, je ne t’étais qu’agression. Tu n’avais de cesse de te gausser de mon absence d’attributs et ne perdais jamais une occasion de m’écraser les tiens sous le nez, en finissant invariablement par me reprocher ma minceur, comme une offense à tes charmantes rondeurs. Tu te serrais la taille de régime en régime, mais te bourrais les poches de chocolats maraudés entre les repas.
Régime, ou pas régime ? Qu’acheter ? Que prévoir ? A l’approche du week-end, comme à celle des vacances, mon malaise renaissait. De quelle humeur me saluerais-tu ? Chantonnerais-tu ? Me sauterais-tu au cou en m’appelant « Maman deux » ou écraserais-tu chaque marche en priant pour qu’elle fût moi ? Te détournerais-tu en me foudroyant parce que j’avais encore minci, que je fumais trop, que j’étais dégueulasse de n’avoir ni graisse, ni rides ? Durant presque deux années, du vendredi au lundi matin, je dus m’accorder à tes caprices …
A peine avais-je épinglé mes menus que tu me faisais faux-bond. Je me souviens notamment de ce mois de novembre où, pour étayer tes diètes, il te fallait des Saint-Jacques, des turbots, des fruits d’été en hiver, des poulets fermiers dépecés par ton père, la peau étant l’ennemie jurée de la sveltesse. La minuscule balance me collait au tablier, s’agrégeait à mes paniers, pulsait mes rêves, s’insinuait entre mes marchés. Plus de Reblochon, de Miroton, de Tatin, de gratin…
Un samedi, pesant Dieu ton Père, tu le convainquis de ven

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