Ce que pense ERNEST

Clémence Chambeslin

Description

Ernest est un chat philosophe chez qui vit Suzy, la cinquantaine, célibataire et hôtesse de caisse. Tandis que le premier observe le monde du haut de son génie et de son canapé, la seconde en revanche ne se sent à la hauteur de pas grand-chose. Suzy qui ne cherche rien, va être amenée à sortir de sa zone de confort. Quant à Ernest qui nous raconte sa vie, il va assister à la transformation de sa colocataire, sans toujours bien comprendre le fonctionnement des deux pattes. Ceci ne l’empêchera pas de philosopher sur tout ce qu’il observe pour notre plus grand plaisir.

Sujets

• Littérature
• Fiction

Informations

• Publié par: premier-acte-editions
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9782494088016
• Langue: Français

Extrait

Ce que pense ERNEST
 
 
 
 
 
Livres de l’auteur :
Ce que pense ERNEST
(sortie mai 2022)
Ce que porte EDGARD
(sortie prévue fin 2022)

 
 
Clémence CHAMBESLIN
Ce que pense
ERNEST
Premier acte
Collection Littérature
 
 
 
© Premier acte, 2022
ISBN version électronique : 978-2-494088-01-6
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A mes parents
 
Chat pitre 1
 
Ma vie est passionnante, je l’admets bien volontiers. Je pense ne pas me tromper en disant que je suis ce que l’on pourrait appeler un « chat philosophe ». C’est ainsi en tout cas que je me définis, selon mon expérience des caractéristiques d’un philosophe, observées sur le plateau télé de « La Grande Bibliothèque ». Avec Suzy, ma colocataire, nous apprécions particulièrement cette émission, et pas uniquement à cause de l’abondante chevelure de son présentateur.
Pour résumer, un philosophe est quelqu’un qui réfléchit beaucoup et parle encore plus afin d’expliquer aux autres comment réfléchir comme lui. Tout bon philosophe, toujours d’après mes observations télévisuelles, se doit d’employer un vocabulaire spécifique qui participe à sa réputation d’intelligence. La particularité de son langage consiste à être différent du commun des mortels, afin qu’il puisse être identifié comme supérieur. En clair, moins vous comprenez le sens de son propos, plus vous êtes convaincu d’être en face de quelqu’un d’exceptionnel, c’est-à-dire d’un philosophe. Cela me définit parfaitement. J’éprouve très souvent ce sentiment d’être incompris, employant un langage spécifique et étant, par essence, supérieur à la majorité.
Ainsi se passe ma vie de chat philosophe. J’observe, je réfléchis et je m’écoute parler. N’est-ce pas une aventure hors norme que la mienne ? J’ai renoncé pour l’instant à échanger en profondeur avec Suzy, la pauvre ne semblait rien comprendre à mes analyses. Mais pour être philosophe, je n’en ai pas moins un grand cœur et j’ai résolu de rester avec elle, afin de parvenir un jour à éveiller son esprit simple à la grandeur de mes réflexions. Un philosophe ne peut se permettre d’abandonner la tâche qu’il s’est attribuée : l’éveil des consciences de ses contemporains, en attendant celui des générations futures. Mais je m’emballe, je m’emballe. Restons simple.
Et si j’écrivais mes Mémoires ? Je pense que ce serait une excellente idée. L’âge avance et comme on dit : Mieux vaut tard que jamais . Somme toute, ma vie est aussi passionnante que celles de ces auteurs m’as-tu-vu que j’observe régulièrement à la télé. Au fond, la seule différence notable entre eux et moi, c’est qu’ils ont sauté le pas alors que moi, je m’interroge encore. Avant la rédaction de cette œuvre, il faudrait que je réfléchisse à la matière de mon ouvrage.
Et si j’écrivais plutôt des chroniques ? Un genre de journal de bord de ma vie, mes pensées, mes aventures… Il faudrait que je décrive mon entourage, les personnes qui m’admirent et bénéficient de mon esprit vif. Oui, c’est cela : « Le journal d’un chat très malin ». Bon je ne suis pas encore sûr du titre, mais commençons.
Je m’appelle Ernest, j’habite Blois. J’aime beaucoup cet endroit. Il est vrai que je ne le connais que depuis mon balcon, mais j’aime mon quartier en bord de Loire, ce mélange de vieilles pierres et d’arbres qui semblent avoir le même âge. On peut dire que c’est une ville de caractère. Pour être honnête, je n’en connais pas d’autres, mais cela ne change rien à mon avis. Je pense que je n’aimerais pas habiter ailleurs. C’est important d’avoir ses repères, je dirais même indispensable pour l’équilibre émotionnel. J’ai entendu ça à la télé, je ne sais plus quand, et je pense que c’est exact.
Suzy serait sans aucun doute du même avis que moi. Nous adorons regarder ensemble ce genre d’émissions qui parlent de développement personnel. Il nous arrive également de regarder des épisodes de Koh-Lanta. Cela la distrait et me permet d’approfondir ma connaissance du fonctionnement des deux pattes en situation de stress. À part cela, son passe-temps favori est la lecture. Et lorsqu’elle lit, je reste à côté d’elle, elle me fait part de ses commentaires et je l’écoute religieusement. Ainsi, cela me permet de participer à tous les aspects essentiels de sa vie. En revanche, je ne l’accompagne pas à la médiathèque, ou plus précisément à la bibliothèque de l’abbé Grégoire, au centre de Blois. J’ai toute confiance en ses choix et je pense qu’il est nécessaire qu’elle développe son autonomie. Ainsi, elle aime y aller chaque mois, pour rapporter les ouvrages qu’elle a terminés, et en emprunter de nouveaux. Je ne suis pas contre les grandes armoires remplies d’œuvres captivantes, mais honnêtement, cela accumule beaucoup trop de poussière ! De plus, ces sorties mensuelles lui donnent l’occasion de prendre l’air en allant au centre de Blois. C’est un excellent moyen d’allier sport physique et cérébral.
 
Chat pitre 2
Chat m’arrange
 
Suzy est une chic fille. Comment la décrire ? D’abord, elle partage ma vie, ce qui fait certainement d’elle une personne chanceuse. Elle est d’âge mûr comme on dit, de jolis yeux verts, un peu comme les miens. Elle n’est pas trop grande. Cela m’arrange, ainsi j’évite d’avoir à trop m’étirer le cou pour la regarder. Elle n’est pas en surpoids puisque j’ai assez de place pour m’asseoir sur notre canapé. Toutefois, tous les ans à la fin de l’hiver, elle se plaint de ses vêtements qui seraient devenus trop petits, puis me prévient qu’elle va arrêter de manger pour maigrir. Je ne comprends pas bien pourquoi elle ne se contente pas d’acheter des vêtements à la bonne taille. Mais bon, pour moi, elle a les mensurations idéales.
Ses cheveux sont d’un brun monocolore, contrairement à ma fourrure, mais comme elle n’en a que sur la tête, c’est moins grave. Ils ne sont pas très longs non plus mais ils bouclent jusque sur ses épaules. Parfois elle les attache, mais souvent elle les laisse libres. Elle ne passe pas autant de temps que moi à les coiffer mais suffisamment pour la mettre régulièrement en retard. Nous partageons ainsi le même souci pour l’entretien de nos poils, mais moi j’y consacre sans aucun doute vraiment plus de temps. En plus, je suis extrêmement plus efficace qu’elle pour en parsemer l’appartement. En tout cas, c’est ce qu’elle répète chaque dimanche en utilisant cet appareil au bruit infernal appelé aspirateur.
Sinon, elle s’occupe assez bien de mon confort. Je n’ai pas à me plaindre de notre vie commune et elle semble également satisfaite. Pour être tout à fait honnête, je me demande comment elle ferait si je n’étais pas là. Je suis son mentor, son âme sœur, son confident, celui qui la connaît et la comprend le mieux. La réciproque n’est sans doute pas vraie, mais cela ne me gêne pas. Pour tout dire, j’aime à garder une part de mystère. Cela rend ma vie plus palpitante.
Pour poursuivre avec Suzy, je lui trouve, hélas, une vie on ne peut plus monotone. Elle a un emploi, quoi de plus ordinaire. Personnellement je n’en éprouve pas le besoin, mais là n’est pas le sujet. Elle travaille dans un magasin où elle passe sa journée, de ce qu’elle m’a dit, assise devant un tapis. Les clients viennent y déposer leurs achats. Lorsque tout ce qu’ils veulent acheter est posé, ils doivent payer, c’est-à-dire lui donner une contrepartie qui convient, la plupart du temps. De ce qu’elle me raconte, certains peuvent être grossiers, impatients ou se fâcher lorsqu’elle leur demande d’ouvrir leur sac. Parfois, l’étiquette du prix est pliée ou illisible et cela prend du temps pour trouver combien ça coûte. Il y a également bien d’autres désagréments. Mais il y a aussi des clients gentils, drôles, des habitués qui ne veulent passer qu’avec elle. Pour résumer, le travail de Suzy porte un nom, elle est « hôtesse de caisse ».
En dehors de cette activité, qui l’accapare beaucoup trop à mon goût, je ne lui connais pas d’autres occupations extérieures. Une fois rentrée chez nous, elle passe essentiellement son temps sur notre canapé. Cela nous fait un point commun supplémentaire. Nous avons tous deux un profil plutôt paisible. Suzy aime utiliser son temps libre à grignoter en regardant la télé ou en lisant des romans. Ce qui me réjouit particulièrement, c’est d’être certain que cette vie lui convient parfaitement. Cela me donne également la possibilité de poursuivre mes passe-temps préférés dans le calme. Comment pourrais-je dormir, réfléchir, me laver et dormir dans l’agitation ? Je ne me l’imagine même pas.
Non, vraiment Suzy est une compagne de vie idéale. Je ne le lui dis pas trop souvent afin qu’elle demeure modeste. C’est d’ailleurs une qualité que j’apprécie chez les autres. Pour moi bien sûr c’est différent. Ma supériorité naturelle empêche toute modestie de ma part. C’est pour cela que nous nous accordons si bien. Suzy est modeste, bienveillante, attentionnée et calme sans aucune autre ambition que mon bien-être. Quant à moi, je lui accorde mon écoute, mes conseils et lui apporte l’indéniable bonheur de partager ma compagnie. L’équilibre parfait en somme. Oui, vraiment notre accord est équitable pour chacun et cela me satisfait pleinement. Je ne supporterais pas l’idée d’une quelconque injustice dans notre relation.
Pour affiner cette présentation, je me dois de vous parler de notre nid douillet. Suzy loge avec moi dans un appartement cosy situé au deuxième étage d’une résidence distinguée. On y trouve tout le confort nécessaire. La cuisine, où se trouve ma gamelle, est ouverte sur le salon où trône notre canapé. Suzy a une chambre pour dormir une seule fois par jour. Celle-ci