CLARA
160 pages
Français

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Description

Durant cette nuit, Rabat a été le théâtre d’un meurtre mystérieux. Clara H. est retrouvée morte. Mais qui est donc cette femme dont le corps a été jeté au fond d’un puits, non loin de la nécropole du Chellah?L’auteur signe là un suspense plaisant qui ne manque pas de rebondissements, dont les ingrédients trouvent leur saveur dans l’ambiance décolorée du Rabat des années soixante-dix, ville de l’amour et de l’amitié, du passé et du présent, au ciel bleu, bleu ciel, comme dit le poète.Clara est le premier d’une série policière de l’auteure, intitulée « Les enquêtes du commissaire Mohssin ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2021
Nombre de lectures 4
EAN13 9789920607278
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CLARA
RomanA Pascal Fiorentino
pour sa précieuse collaboration
© Editions Marsam 2021
Collection dirigée par Rachid Chraïbi
15, avenue des Nations Unies, Agdal, Rabat
Tél. : (+212) 537 67 40 28 / Fax : (+212) 537 67 40 22
E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Site : www.marsam.ma
Conception graphique
Quadrichromie
Impression
IMPRIMAT
Dépôt Légal : 2021MO4848
ISBN : 978-9920-607-27-8 Bouchra Boulouiz
CLARA
RomanCouverture
Hakim Boulouiz
Photographe artistique1

Le ballet diplomatique des Mercédès s’accélère dans le parking,
et une foule professionnelle se bouscule dans le hall de l’hôtel
Hilton de Rabat. Des hôtesses, le sourire dévastateur, accueillent
les participants et leur délivrent un badge portant leur nom et
èmesprénom, le logo des 10 rencontres internationales des experts
èmepour la préparation de la 13 conférence Internationale des
Etats et des gouvernements sur la Population mondiale et les
Ressources naturelles. Clara stationne sa voiture, émue, inquiète
et consciente de la gravité des dernières conclusions du rapport du
Club de Rome, qui stipule en gros qu’il faudra limiter davantage
les naissances dans certains pays pauvres afn de préserver les
ressources naturelles pour la croissance… celle des pays riches, se
dit-elle en accélérant le pas.
« Bleu ciel et blanc, comme le ciel bleu ciel de Rabat… »
Sur son chemin elle salue, embrasse sur les deux joues, serre les
mains, lance une blague, esquive, esquisse un sourire, un rire hypocrite
ou sincère, apostrophe consultants et experts, présidents et présidentes
d’associations de femmes, bailleurs de fonds, professeurs, éducateurs,
responsables du planning familial, qui se bousculent pour être
audevant de la scène.
Un homme entre discrètement. Il porte un costume trois pièces
de couleur marron. Sur le front, il a une tache brune. Il s’assoit sur
la première chaise qu’il trouve. Le regard de l’homme croise celui
de Clara qui lui sourit puis rapidement tourne la tête. Zhor Morel, sa
5 meilleure amie, la rejoint à cet instant. Clara lui dit : « Surveille cet
homme là-bas ! ». Zhor Morel se retourne discrètement.
— Qui est-ce ?
— Je t’expliquerai plus tard. Ne le quitte pas des yeux. Fais-le pour
moi !
Soudain, un mouvement fébrile dans la foule annonce l’arrivée du
Prince et de la Princesse, sa sœur. Tous deux marchent d’un pas rapide
au milieu des applaudissements auxquels ils répondent d’un signe de
tête, avant de prendre place dans les fauteuils princiers du premier
rang, accompagnés du premier ministre, du ministre de la santé, celui
des affaires islamiques, celui des affaires sociales et de l’entraide
nationale, celui de la coopération, le secrétaire d’Etat de l’Intérieur
et l’ensemble du corps diplomatique... La salle est dans une
semipénombre. Le micro résonne dans un silence dominical. Clara entend
l’animateur annoncer son nom. Elle embrasse furtivement la croix à
son cou et s’obligeant à sourire, monte sur la scène, elle a les jambes
en coton, serre la main de l’animateur.
Clara Hoffman est anthropologue, elle est engagée dans les causes
du développement, de la planète, de la démographie et des richesses
naturelles. Elle occupe la fonction de directrice exécutive au FNUAP,
le Fonds des Nations Unies pour la population, elle supervise le
bureau régional MENA, elle dirige le comité international des experts
èmechargés de la préparation de la 13 conférence mondiale sur les
Droits des Populations, qui nous fait l’honneur de se tenir ce matin
dans la capitale du Royaume du Maroc…
Puis l’animateur tend le micro à Clara. Au passage il lui fait une
blague, Mohammed B. est féru de ces manifestations offcielles où
il semble nager comme un poisson dans l’eau. Elle se racle la gorge.
Elle regarde la salle, serre la croix entre ses doigts moites et se passe la
langue sur les lèvres pour les humidifer. Généralement elle ne lit pas
son texte, elle le parle. Mais aujourd’hui, c’est différent.
Vos Altesses royales
6 Excellences,
Mesdames et messieurs…
…La population mondiale est aujourd’hui de 3 927 538 695
habitants. Elle a vu naître dans cette seule année 140 millions
d’enfants… L’idée d’un progrès illimité des ressources de la Terre
a désormais atteint ses limites. Mais ce qui retient l’attention, c’est
que le monde est envahi par la peur. La peur et la hantise d’un
surpeuplement, qui alimentent racisme, sexisme et eugénisme. Depuis
quelques années maintenant, le monde riche et blanc est effrayé à l’idée
que le monde pauvre et de couleur ne compromette sa prospérité… Ce
monde craint de voir se développer et se propager la race de couleur,
pauvre, au détriment de l’autre, riche et blanche… Hélas…
La chute de la phrase lui permet de survoler l’assistance silencieuse
et attentive.
…Alors, on a commencé à chercher les coupables, et les regards
se sont tournés vers — une métaphore s’impose — le ventre des
femmes… Oui, le ventre des femmes. Ce gisement infni, gratuit, fertile
et fécondable, exploitable, et dont l’accès est étroitement surveillé…
A ces lobbys, que ce soient ceux des industries ou des consciences,
nous devons opposer le crédo de la liberté de choix des femmes dans
la contraception et dans l’avortement, et dans tout ce qui peut nuire à
sa santé mentale, physique ou psychologique.
Mesdames et messieurs.
…Vous le savez tous, les obstacles idéologiques, légaux et politiques
aux programmes de planning familial sont nombreux. Depuis cette
fameuse loi française promulguée après la première guerre mondiale,
qui réprime sévèrement l’avortement et sa promotion. Mais nous
oublions souvent que cette loi qui a été votée dans un autre contexte,
pour faire remonter la natalité et pour avoir plus de soldats en cas de
guerre, cette loi qu’on continue à appliquer dans les colonies françaises,
est restée en vigueur après les indépendances. A cela, s’ajoutent les
positions paradoxales de l’Église catholique, qui condamnent la
contraception moderne mais autorisent la contraception traditionnelle
7 (abstinence périodique, glaire cervicale, méthode des températures,
etc…).
Le regard de Clara croise celui du nonce apostolique chargé de
représenter les intérêts du Saint-Siège au Maroc, vêtu de pourpre, cet
homme au visage rempli de bonté qui lui rappelle son père Dieu ait
son âme. Très subtilement elle porte sa main sur la croix à son cou…
Mesdames et messieurs.
Je mentionnerai aussi la position de certaines sectes islamistes qui
s’opposent aujourd’hui à la contraception et à l’avortement, car ils
considèrent que les politiques de contrôle des naissances ne visent qu’à
diminuer le nombre de musulmans… Mais ils oublient que l’Islam serait
plutôt favorable à la contraception pour au moins deux raisons : la santé
de la mère et de l’enfant, et les contraintes économiques de la famille…
Le regard de Clara s’arrête un bref instant sur le grand Mufti d’Al
Azhar, qui est l’invité d’honneur, et sur son homologue marocain, le
président du conseil des Oulémas. Puis elle conclut son discours en
remerciant la famille royale en la personne du Prince et de la Princesse,
l’assistance, rend le micro à l’animateur, qui se précipite sur l’estrade sous
un tonnerre d’applaudissements : « Merci, merci beaucoup madame! ».
Pour camoufer son inquiétude il raccompagne Clara jusqu’aux escaliers.
Il savait qu’elle avait franchi les lignes rouges. Clara prend place auprès
du ministre des affaires islamiques, cet homme délicieux qui aimait tant
à rappeler, en puisant dans sa grande culture française, qu’il était né à
Attar, dans le fef des Chenguitti, un lieu où l’on professe la mystique,
l’amour du savoir et la rigueur morale.
—-Passez à mon bureau quand vous voulez, madame ! Votre
discours est audacieux et les arcanes onusiennes ont besoin d’une telle
audace. L’Afrique si chère à mon cœur a de la chance de vous avoir !
Les politiques anti-natalistes ont atteint la limite de l’eugénisme
et vous avez raison de les dénoncer. En tous les cas, je suis à votre
disposition ! Et encore toutes mes félicitations, madame Hoffman, lui
dit-il.
8 2

Fedhoul B. qui assiste à la conférence de Clara se montre lui aussi
impressionné par l’audace de ses propos et par son talent d’oratrice.
Une fois de plus il est frappé par le charme de cette femme, qui avec
sang-froid ne recule devant rien et surtout ne refoule aucune de ses
idées, gênantes et à la limite de l’impudique. Lui-même n’est pas
étranger à cette manière de faire, déplacer les lignes participe de son
être profond, mais il reconnaît que cette femme est passée maîtresse en
la matière. Le message de Clara est on ne peut plus clair. Il dénonce la
conspiration de tous les lobbys extrêmes, laïcs et religieux, qui veulent
réduire les femmes à la simple fonction de reproductrice et contrôler
ainsi la moitié de la population. Clara appelle de ses vœux la lutte
des femmes pour leur liberté et le renversement de cet ordre féodal,
patriarcal.
Le jeune homme attend que Clara reste seule pour l’apostropher.
— Fedhoul B., dit-il en lui tendant la main. Vous vous souvenez
peut-être de moi ? Nous avons un ami en commun, le docteur Fahmi !
— En effet ! Ce cher docteur… Mais rassurez-moi monsieur
Fedhoul, vous n’êtes pas son patient ?
— Si… J’aime me sentir bien dans ma peau ! Mais, excusez-moi,
vous devez avoir la gorge sèche après avoir parlé aussi longtemps…
et aussi bien ! Puis-je vous offrir un verre de vin au bar ?
La première réaction de Clara a été de refuser mais elle ne voulait
pas se retrouver avec des personnes indésirables, et puis, un remontant
ça fait du bien. Quelques minutes plus tard, le serveur apportait une
9 coupe de Chardonnay blanc pour Clara et une vodka-soda pour
Fedhoul, qui continuait à l’interroger sur son histoire personnelle, sa
famille, ses convictions.
— Je suppose que vous avez étudié à l’université française ?
— J’ai fait l’école américaine à Beyrouth, au Liban où je suis née
et j’ai grandi, puis par la suite

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