Darlène
129 pages
Français

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Description

Darlène n’est pas attardée – un test de QI l’avait plus tard démontré, elle est même intelligente, mais ça se voit pas du premier coup d’œil.
Si quelqu’un devait la décrire, par exemple un homme gras et chauve croisé sur la rue, il aurait dit quelque chose comme eh ben en partant est vraiment pas grosse, même que j’dirais maigre, cute itou, dans le sens de belle, mais ça dépend pour qui, pis elle a pas l’air vite, fait que globalement : Mitsou dans le temps de « Bye bye mon cowboy ». Si on avait plutôt demandé à son âme-sœur, il aurait dit quelque chose comme elle a de belles grosses lèvres roses qui s’éparpillent et quelque chose de troublant dans ses grands yeux verts, et elle aurait répondu merci c’est beau comment tu me décris et il aurait ajouté ça fait plaisir t’es un record de beauté et là, wo, exagère pas, mais son âme-sœur existe pas, et cette conversation non plus, en tout cas pas encore.

À grands coups d’images qui rentrent dans le cœur et ressortent plus de la tête, Darlène est (entre autres) un roman qui raconte l’émancipation d’une jeune femme perdue dans le gris des entre-deux, prisonnière imaginaire de Montmorency, le quartier oublié de la ville de Québec.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 janvier 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782764435748
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Myriam Caron Belzile, éditrice

Conception de la grille graphique : Nathalie Caron
Conception de la couverture : Noémie D. Leclerc
Mise en pages : Andréa Joseph [pagexpress@videotron.ca]
Révision linguistique : Isabelle Rolland
Photographie en couverture : image tirée d’un film de Gabriel Lapointe
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Cette œuvre a bénéficié du soutien de la mesure Première Ovation – Arts littéraires.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

D. Leclerc, Noémie, auteur
Darlène / Noémie D. Leclerc.
ISBN 978-2-7644-3572-4 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3573-1 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3574-8 (ePub)
I. Titre.
PS8623.E399D37 2018 C843’.6 C2017-942379-7 PS9623.E399D37 2018

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2018

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2018.
quebec-amerique.com




À ma mère, grâce à Hubert.
« T’es un malade. »
ce que je lui ai dit après l’avoir vu pour la toute première fois, sur scène


Chapitre 1
D arlène
Darlène marche sur le boulevard Sainte-Anne en regardant plus haut que l’horizon. C’est pas par habitude. C’est qu’elle trouve que ça lui donne un air mystérieux et sexy, surtout l’été.
Elle dépasse un couple d’amoureux fade, mais amoureux quand même, et arrive nez à nez, presque bouche à bouche avec un homme gras et chauve dans la cinquantaine. Darlène et lui se perdent dans un gauche-droite-gauche, droite-gauche-droite. L’homme gras et chauve opte finalement pour la gauche et Darlène pour la droite, même si elle est gauchère, même s’il est droitier.
Ouf, ça pue . Le courant d’air qu’il traîne avec lui sent mauvais. Darlène se dit que l’homme gras et chauve s’était certainement arrêté là, près du poteau, pour péter et que c’est ainsi que va la vie, que les gens sont chauves, qu’ils puent et qu’ils pètent, qu’on peut rien y faire.
Malgré tout, Darlène aime beaucoup les gens, mais pas la couleur mauve ni la sensation du plastique sur une serviette de bain chaude – aversion qui s’est manifestée pour la première fois lorsqu’elle est allée se faire poser des faux ongles à imprimé zébré par une Thaïlandaise nommée Tram dans un salon des Promenades Beauport et que plus tard dans la journée, elle avait dû plier une brassée de lavage fraîchement sortie de la sécheuse frontale familiale. Le son, la texture et l’odeur d’assouplissant peut-être avaient réussi à traumatiser son sens du toucher pour les années à venir. Sa mère, Annick, porte des faux ongles depuis l’âge de dix-sept ans et plie des brassées depuis bien plus longtemps, aussi bien dire depuis toujours. Cependant, de 2008 à 2013, elle est revenue à ses ongles naturels, tachés de teinture, pour envoyer sa fille à l’école secondaire privée, ça coûte cinquante piasses une pose ou trente piasses un remplissage, pis ça deux fois par mois vu que je travaille de mes mains , qu’elle lui avait plus tard expliqué.
De ses années à l’externat, Darlène avait bien gardé quelques amis – tous des gars, sauf une exception nommée Charline présentement en voyage dans l’Ouest canadien – qu’elle voyait de temps en temps dans les bars ou dans les partys. À l’occasion, elle revoyait un ou deux ex aussi, portant respectivement les noms de Paul et Phil. Trois devrait-on dire par souci d’exactitude, en comptant les deux semaines de Ti-Will. Par-dessus tout, Darlène avait une famille finement et modestement composée de sa mère Annick, et de son frère Grégoire, de son grand-père Maurice, de sa grand-mère Doris, de son oncle André, de sa cousine Mégane et de son cousin Antoine.
Bien au-dessus du monde et de ce qui vient d’être raconté, Darlène renifle la douce odeur des pains Gailuron en cuisson annonçant son deuxième café de la journée. Elle entre dans la Brûlerie de la Poste et commande un grand latté, elle commence tout juste à aimer boire du café. Moins pour le goût amer que pour l’accélération de ses battements de cœur. Darlène adore se sentir trop petite pour ce qu’elle ressent en dedans. Depuis qu’elle a découvert que cette légèreté se vend en petit, moyen et grand format, elle s’en autorise deux par jour. Un premier le matin, et un deuxième l’après-midi.
À ce latté-là, elle ajoute deux sucres et de la cannelle, pour essayer. Elle le prend pour emporter et ressort en disant merci, merci beaucoup à la caissière, et en oubliant de ramasser son change. Darlène est assez distraite. Oui, distraite. Distraite, et d’une agréable distraction.
Ses parents ont remarqué, vers l’âge de quatre ans, qu’elle était prédisposée à tomber dans un état de rêverie éternelle, perpétuellement dans la lune, le regard fixé sur des choses inintéressantes, la bouche ouverte et les yeux mi-clos. Suivant les précieux conseils de leur amie Nathalie qui travaille au gouvernement comme réceptionniste, ils ont cru bon l’amener voir un pédopsychiatre qui pourrait, advenant le cas, lui diagnostiquer un trouble du spectre de l’autisme. Le jour du rendez-vous, ils ont attendu plus d’une heure dans la salle d’attente. Heureusement, Darlène est une fille patiente. Peut-être parce qu’elle est née deux semaines en retard, peut-être parce qu’elle aime aller lentement, peut-être aussi parce qu’elle voit dans l’attente une occasion d’avoir la paix. Sa performance de patience la plus grandiose était l’assemblage d’un casse-tête de trois mille pièces, pendant dix heures d’affilée sans regarder l’image , que sa mère disait souvent. Et Darlène ajoutait dans sa tête si j’ai pas regardé l’image, c’est pas parce que je voulais augmenter le niveau de difficulté, c’est juste parce que j’y avais pas pensé. Alors, bien sûr, elle appréciait cette attente de samedi matin, savourant les minutes à coup de vingt-cinq cents dans les machines à bonbons. On a finalement appelé son nom complet dans un télévox beige. Elle a quitté sa chaise de plastique pour le moelleux d’un matelas d’examen. On lui a dit qu’elle avait pas besoin de s’y asseoir, mais elle a insisté parce qu’elle voulait entendre le papier craquer sous ses fesses. Un médecin en chemise blanche lui a posé une série de questions en lui accordant plus d’attention qu’elle en avait jamais eu de la part d’un inconnu. La bouche du médecin a formé un s horizontal étrange, une moue impossible, puis il a acquiescé dans le vide avant d’annoncer aux parents de Darlène que leur fille était en parfaite santé, au grand dam de son père Armand qui aurait bien aimé qu’une maladie ou un syndrome ou encore une malédiction explique les absences de sa fille, sa nonchalance et son visage endormi. Le cerveau de votre fille est fonctionnel et tout à fait normal , a dit le médecin.
Rien de moins sûr.
Darlène est pas attardée – un test de QI l’avait plus tard démontré, elle est même intelligente, mais ça se voit pas du premier coup d’œil. Si quelqu’un devait la décrire, par exemple l’homme gras et chauve de tout à l’heure, il aurait dit quelque chose comme eh ben, en partant est vraiment pas grosse, même que j’dirais maigre, cute itou, dans le sens de belle, mais pas sexy, mais ça dépend pour qui, pis elle a pas l’air vite, fait que globalement : Mitsou dans le temps de « Bye bye mon cowboy

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