Des oiseaux de passage , livre ebook

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Extrait : "Assurément, le pire ce sont les nuits.
Parce que pendant la journée, au moins, il y a toujours des gens autour de nous. Infirmières, médecins, personnel auxiliaire, visites. Ils discutent entre eux ou avec nous, plaisantent, s’agitent, font des choses. Et rien qu’à les observer, à écouter ce qu’ils disent, le temps s’écoule.
Parfois, j’écoute la radio. Sans grande attention. Surtout des programmes musicaux.
Je peux lire, aussi, encore que peu de temps. Très vite je me fatigue. Cela fait déjà plusieurs mois que je lis le même livre. Une encyclopédie sur le comportement animal. Je n’arrive jamais à aller au-delà de deux pages par jour.
De mon lit, par la fenêtre, je parviens à voir le bord d’une terrasse, sur un fond de ciel. Ce pan de ciel est parfois bleu, parfois gris. Parfois des nuages passent. Les matins, une jeune femme étend du linge. Puis, les après-midi, elle sort le dépendre. Je ne fais que l’attendre. Le jour où il pleut, la première chose à laquelle je pense c’est que ce jour-là la jeune fille ne sortira pas. "
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Date de parution

21 janvier 2019

Nombre de lectures

5

Langue

Français

JOSÉ MARÍA DE LEYVA
DES OISEAUX DE PASSAGE Roman
Traduit de l’espagnol par François Trotet
ÉDITIONS AÏNI BENNAÏ 131, bd d’Anfa, 20000 Casablanca, Maroc eds.aini.bennai@wanadoo.net.ma
er 1 semestre 2019 Publication numérique YOUSCRIBE
© Éditions Aïni Bennaï 2019 © J. M. Riera de Leyva 1993
DU MȆME AUTEUR
Loin de Marrakech,l’Arpenteur-Gallimard 1989 Territoire ennemi,Climats 1994
José Maria Riera de Leyva
DES OISEAUX DE PASSAGE
Traduit de l’espagnol par François Trotet
À ma famille. À mes amis
1 HÔPITAL
Assurément, le pire ce sont les nuits. Parce que pendant la journée, au moins, il y a toujours des gens autour de nous. Infirmières, médecins, personnel auxiliaire, visites. Ils discutent entre eux ou avec nous, plaisantent, s’agitent, font des choses. Et rien qu’à les observer, à écouter ce qu’ils disent, le temps s’écoule. Parfois, j’écoute la radio. Sans grande attention. Surtout des programmes musicaux. Je peux lire, aussi, encore que peu de temps. Très vite je me fatigue. Cela fait déjà plusieurs mois que je lis le même livre. Une encyclopédie sur le comportement animal. Je n’arrive jamais à aller au-delà de deux pages par jour. De mon lit, par la fenêtre, je parviens à voir le bord d’une terrasse, sur un fond de ciel. Ce pan de ciel est parfois bleu, parfois gris. Parfois des nuages passent. Les matins, une jeune femme étend du linge. Puis, les après-midi, elle sort le dépendre. Je ne fais que l’attendre. Le jour où il pleut, la première chose à laquelle je pense c’est que ce jour-là la jeune fille ne sortira pas.
Lentement, l’obscurité gagne. Jusqu’à ce que, vers les huit heures, ils apportent le dîner. Puis, un moment plus tard, ils reviennent et reprennent les plateaux. Ensuite, presque aussitôt, l’infirmière baisse les persiennes, éteint la lumière et nous souhaite une bonne nuit. Tout demeure alors dans la pénombre. On ne voit plus, ici et là, que quelques fins rais de lumière, sous les lits, et une lueur, très diffuse, qui provient du couloir. À partir de ce moment-là, les visites ne sont plus autorisées. Ni la radio. Et l’on ne peut plus parler à haute voix. Dès lors la nuit commence. Au début, on ressent une vague inquiétude. Autour de moi, ils deviennent nerveux. Certains maudissent à voix basse. D’autres s’agitent dans leur lit, bruyamment, peut-être en guise de protestation. Puis, peu à peu, ils se calment tous et font silence. On n’entend plus, de temps en temps, qu’une toux ou qu’un soupir. Au loin, d’une autre partie de l’hôpital, parviennent de légers bruits. Des voix, un bruit de pas, des tintements.
Je reste immobile, les yeux ouverts, à regarder vers le plafond. Je sais que je vais mettre encore longtemps à m’endormir. Je sais aussi que je dois conserver mon calme. Il ne faut pas que je m’énerve. Je tâche de ne pas faire cas de la douleur, des
démangeaisons, des petits tiraillements. J’essaie de ne pas être conscient de mon corps. Et le temps passe. Peu à peu je parviens à me détendre. Ensuite, mon esprit entre en action. Avec une certaine prudence. Je ne veux penser à rien de pénible. Je fais des projets pour l’avenir. J’ai décidé qu’au sortir de l’hôpital, dès qu’ils m’auront déclaré guéri et que je pourrai me débrouiller seul, je m’achèterai une fourgonnette. Oui, une fourgonnette Volkswagen. Et je consacrerai mon temps à voyager. Une longue période. Peut-être un an ou deux. J’irai d’un endroit à l’autre, sans objectif précis. Juste pour le plaisir de me sentir en mouvement. Je pense aménager la fourgonnette de façon à pouvoir dormir à l’intérieur. Avec des sièges rabattables, de ceux qui se transforment en lit. Et des rideaux sombres aux fenêtres. J’installerai également une lampe supplémentaire, assez puissante pour pouvoir lire la nuit. Après quoi, je dresse la liste de mon équipement : deux oreillers, deux sacs de couchage, deux édredons. Une paire de sacs de voyage, grands et légers, pour y ranger les vêtements. Ils doivent être mous et pouvoir loger sous les sièges. Une trousse de toilette et une boîte à pharmacie. Quelques livres, en petit nombre. Quelques cassettes bien choisies. Des cartes et des guides touristiques. Une paire de jumelles. Une lampe-torche. Quelques outils. Certaines fois, je m’amuse à aller un peu plus loin. Je choisis chaque vêtement, chaque livre, chaque cassette. Je dresse la liste des médicaments. Puis je calcule la somme d’argent qu’il me faut. Pas grand chose. Je peux dormir dans des campings, ou sur des aires d’autoroute. Et manger dans des bars, ou dans ces petits restaurants bon marché dans lesquels ils servent de la cuisine familiale. Je voyagerai dans plusieurs pays, mais toujours près de la mer. Je ferai la connaissance de personnes étranges : vagabonds, auto-stoppeurs, prostituées, camionneurs. Peut-être écrirai-je un roman. Oui, ce pourrait être un roman sur quelqu’un vivant dans une fourgonnette. Il est possible qu’il soit écrivain. Les choses ne se seraient pas très bien passées pour lui. À un moment précis, il lui arrive quelque chose qui l’oblige à reconsidérer sa façon de vivre. Il prend conscience qu’il s’est fourvoyé. Et qu’il a besoin de réfléchir. Alors il décide de prendre des vacances et de renouer avec la route, sur laquelle, lorsqu’il était jeune, il a été très heureux. Le temps passe. J’ai fermé les yeux. Presque sans m’en rendre compte, je perds peu à peu le contrôle de mes propres pensées. D’un endroit obscur, au fond de moi, commencent à émerger quelques images. Des visages, des paysages, des situations.
À ce moment-là, vaguement, je réalise que quelqu’un, près de moi, est en train d’appeler l’infirmière. Je fais mon possible pour ne pas écouter. J’entends le bourdonnement de la sonnette. Puis le bruit feutré de pas et les chuchotements dans la pénombre. Une voix
demande un verre d’eau et un somnifère. Ou, au moins, un sédatif, si possible. J’essaie de préserver mon rêve. Je monte dans la fourgonnette. Je ferme la portière. Je mets le moteur en marche. J’attends qu’il chauffe. Et ensuite je démarre en douceur. Aussitôt je suis sur la route. À cette heure-là il n’y a pour ainsi dire aucune circulation. Au loin, la ligne bleue des montagnes commence à s’éclairer. L’obscurité se dissipe peu à peu, et les distances se creusent. La lumière frissonne dans l’air. L’aube point. Alors, j’appuie doucement sur l’accélérateur et je m’éloigne, droit devant, sur la route, tout en somnolant encore un peu, avec l’enivrante sensation que je prends la direction d’un lieu mystérieux, un territoire sans limites, où le temps n’existe pas et où, en bien ou en mal, tout est possible…
2. CARREFOUR
Oui, c’était là. Le bar était bien celui-là. Juste après la station service, avant d’arriver aux arbres, sur l’esplanade de gravier, au soleil. Un bâtiment en bois, bas et allongé, avec de vastes baies vitrées et une étroite avancée comportant des tables et des bancs. À première vue, il avait l’aspect d’un refuge de montagne. Je me suis garé juste en face, entre une petite voiture et un camion. L’intérieur n’avait pas non plus tellement changé. En tout cas, il était tel que je m’en souvenais. Les murs sombres, le long comptoir fait de troncs d’arbres et le grand miroir oblong, occupant tout l’espace derrière les étagères couvertes de bouteilles alignées. Tout au bout du comptoir, deux types à l’allure de chauffeurs routiers buvaient une bière et discutaient avec la serveuse. Tous les trois se retournèrent pour me regarder. De l’autre côté, près de la porte, une vieille femme vêtue de noir, avec un étrange chapeau et très maquillée, fumait près de la machine à sous. Je lui ai adressé un petit salut de la tête, mais elle ne m’a pas répondu. Elle s’est contentée de me regarder fixement, à travers un nuage de fumée, sans bouger. Puis elle a actionné le levier. J’ai entendu la machine tourner, la petite musique tinter, et presque aussitôt le bruit des pièces qui tombaient. J’ai gagné le comptoir et je me suis assis. La serveuse a abandonné sa cigarette, s’est excusée auprès des camionneurs et elle est venue jusqu’à moi en souriant. C’était une fille blonde, assez jeune, assez jolie. Elle portait une tenue rose, plutôt serrée à la taille, qui lui allait très bien. Je lui ai demandé un café. Elle est repartie jusqu’au percolateur et pendant qu’elle me le préparait, elle s’est remise à fumer et à échanger des plaisanteries avec les deux camionneurs. Tous trois paraissaient de fort bonne humeur. Ils ne cessaient de rire. Ensuite la fille a apporté le café et je l’ai bu, lentement, le dos tourné au comptoir, regardant vers les tables de la terrasse. À l’une de ces tables, il y de cela fort longtemps, je m’étais trouvé assis avec un ami, consultant une carte, tout en buvant chacun une bière. C’était en tout début d’été et nous parcourions la région à mobylette. Nous transportions des tentes, des sacs de couchage et nous n’avions aucune hâte à arriver quelque part. Il y avait de cela déjà presque vingt ans.
Les chauffeurs routiers qui avaient terminé leur bière prirent congé. Ils passèrent juste devant moi et quittèrent le bar. Par la baie vitrée je les ai vus monter dans le camion. La vieille continuait à jouer devant la machine à sous.
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