Dopamine
76 pages
Français

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Description

Être une jeune femme de bonne famille ne met pas à l’abri de tous les périls. À la dérive et obnubilée par le désir de mourir, elle aboutit dans un centre de désintoxication. Entre les thérapies, les moments de détresse et les cigarettes dans le stationnement, elle apprendra à se confronter à elle-même. Au bout de deux mois à faire semblant d’y croire, peut-être sera-t-elle enfin devenue un humain de meilleure fabrication?
Dans un langage cru et sans concession, Jeanne Dompierre raconte le centre de désintoxication vu de l’intérieur par une jeune femme à la dérive et suicidaire, déposée là par sa mère, soulagée de laisser ce problème à quelqu’un d’autre. Au travers de ses rencontres mais, surtout, de ses moments de solitude, la jeune femme se transformera tranquillement en adulte.
Tu n’as jamais été bien nulle part. Déjà, petite, tu avais le sentiment d’être immense, de prendre trop de place, une place qui n’était pas la tienne. Enfant, tu te rêvais ailleurs. Tu ne pouvais pas encore comprendre qu’il était impossible d’échapper à cette vie-là, même si tu ne l’avais pas choisie. Tout le monde a peur. Tout le monde ment. Sans jamais trouver tout à fait le courage de fuir pour de bon, tu as continué à multiplier les tentatives d’évasion, même temporaires. Le parfum de l’adrénaline t’enivrait, tu t’es mise à le traquer partout, dans le mensonge et dans le vol, puis dans l’inanition, dans le sexe, dans la drogue.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 février 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782764435892
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Stéphane Dompierre, directeur littéraire

Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Andréa Joseph [pagexpress@videotron.ca]
Révision linguistique : Isabelle Rolland et Sabrina Raymond
En couverture : Montage avec les oeuvres de Aleynikov Pavel / shutterstock.com et local_doctor / shutterstock.com, typographie de Nouvelle Administration
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Ouvrage composé en Minion Pro, un caractère originalement créé par Robert Slimbach en 1990.

Dopamine a été achevé d’imprimer au Canada sur papier « Enviro 100 » en février 2018 sur les presses de Marquis imprimeur à Louiseville, Québec, pour le compte des Éditions Québec Amérique.
Cette première impression a été tirée à 1000 exemplaires.

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Dompierre, Jeanne, auteur
Dopamine / Jeanne Dompierre.
(La shop)
ISBN 978-2-7644-3587-8 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3588-5 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3589-2 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Shop (Québec Amérique).
PS8607.O58D66 2018 C843’.6 C2017-942697-4 PS9607.O58D66 2018

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2018

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2018.
quebec-amerique.com



À Myriam, les trois


Elle est venue te chercher en voiture très tôt ce matin. Toute la nuit, sans dormir, tu l’as attendue, morose, essayant de trouver une façon de te tuer avant son arrivée. Tu as fini par lâcher prise devant l’inéluctabilité de sa venue. Tu as échoué. Elle ne te laissera pas partir, pas après tout ce qu’elle a investi en toi. Le temps est clément pour la fin octobre, mais tu as mis ton manteau de laine, parce que le froid ronge tes os, et surtout parce que tu sais qu’elle le déteste. Le motif pied-de-poule noir et blanc la révulse, peut-être qu’elle l’a toujours haï, ou peut-être est-ce seulement depuis qu’elle l’associe à toi et à ta vie démissionnée.
Tu ne lui jettes pas un seul regard alors que tu t’enfonces dans le siège du passager comme s’il pouvait t’avaler, tel un vortex qui aurait le pouvoir de te projeter dans un univers parallèle, loin d’elle et de son venin. Tu voudrais te venger, mais tu n’en as plus vraiment les moyens, tu as perdu la partie, c’est fini. Elle t’a volé ta mort. Tu as mis tes lunettes noires de mouche, et elles mangent ton visage, cachant tes cernes violacés, mais surtout les larmes de rage qui perlent au coin de tes yeux. On te sauvera, que tu le veuilles ou non. Tu voudrais la griffer au visage ou la mordre jusqu’au sang.
Elle ne parle pas, elle n’a jamais beaucoup parlé. Peut-être que si elle avait parlé davantage, avant, longtemps avant, vous n’en seriez pas là. Quand tu as ouvert la portière de la Volvo, elle ne t’a pas saluée. Sa déception sentait presque aussi fort que son parfum trop cher. Elle regarde la route nerveusement, les mains crispées sur le volant, même si la voiture est encore immobile. Tu lui rends son mutisme à la puissance mille. Le silence est chargé, mais on ne saurait trop dire de quoi. De désamour, de honte, de peur, de rancune, de regrets. Peut-être tout ça. Peut-être autre chose.
Elle a réussi à se persuader que c’est par amour qu’elle essaye de te sauver de toi-même. Toi, tu blâmes sa peur de l’échec. Ça a toujours couru dans la famille, on ne veut pas perdre, mais malheureusement, vous ne pouvez pas gagner toutes les deux, pas cette fois. Tu ne peux pas à la fois vivre et te tuer.
La voiture ne roule que quelques minutes dans le trafic du lundi matin, peut-être un quart d’heure, pas plus. La clinique n’est pas très éloignée de ton appartement du Vieux-Rosemont, mais tu as l’impression qu’elle se trouve dans une tout autre dimension, un monde hostile et sans repères. La voiture s’introduit dans le stationnement désert. Il est trop tard pour fuir, et de toute façon, tu n’aurais pas cette audace. Tu n’as jamais eu le moindre courage, sauf celui de faire du bruit, de claquer les portières, ce que tu fais en quittant l’habitacle. Tu marches vers le bâtiment vitré, hypermoderne, sans regarder en arrière. Sur ses talons hauts qui claquent, elle te suit de près. Quand tu passes la porte d’entrée, elle t’emboîte presque le pas. A-t-elle donc si hâte d’être débarrassée de toi ?
Sans quitter des yeux le bout de tes orteils, tu te poses sur une des chaises rigides de la salle d’attente. Il y a des fauteuils, aussi, mais tu n’as pas envie d’être confortable, tu ne vas pas renoncer au peu de dignité qu’il te reste. Tu ne réponds pas aux salutations faussement chaleureuses de la femme en tailleur turquoise cheap assise derrière le comptoir de la réception. Elle t’a appelée par ton prénom, comme si elle te connaissait, tu ne veux pas la connaître, tu veux seulement être morte et là, tout à coup, ce n’est plus possible. Ils ne doivent pas attendre beaucoup de visiteurs, aujourd’hui. Lorsque la réceptionniste discute d’une voix feutrée avec celle qui t’a amenée, comme si elles conspiraient contre l’État, tu ne tends pas l’oreille. Tu fixes ton pied droit avec entêtement. Leur conversation ne t’intéresse pas, car rien ne t’intéresse. Elles tracent ensemble les grandes lignes de ton avenir, un avenir que tu as échoué à esquiver. Lorsque sa conversation avec la réceptionniste est terminée, elle ne vient pas s’asseoir à tes côtés, elle ne cherche pas à te parler. Pourtant, elle ne part pas. Dans ce lieu sans âme, aseptisé comme la maison dans laquelle tu as grandi, elle se sent probablement chez elle.
Bientôt, un homme fait son entrée dans la salle d’attente. Petit sexagénaire barbu à l’œil bleu et vif, il te fait signe de le suivre et tu obéis, parce que c’est ce que tu feras, désormais, ne te leurre pas. Tu sens confusément que c’est lui qui décide, ici, qu’il sera maître de ton sort pour le temps qu’il faudra, et qu’il vaut mieux éviter qu’il ne te prenne en grippe. Pour le moment, en tout cas. Quand tu le suis hors de la salle d’attente, tu sens qu’elle pose sur toi un regard soulagé. Tu es devenue le problème de quelqu’un d’autre.
L’homme t’entraîne vers son bureau au bout du couloir, une pièce spacieuse mais décorée sans goût, tu te laisses choir dans un des fauteuils mous qui font dos à la fenêtre, pendant qu’il passe derrière son bureau. Ici, pas de chaise droite pour préserver ta contenance. Les étagères débordent de livres, mais pour la première fois de ton existence, ça ne t’intéresse pas le moins du monde. Ce qu’il raconte ne t’intéresse pas plus. Il pose des questions dans un vocabulaire clinique, déjà tu le sens qui essaye de mettre ta vie et ta personne dans des cases bien nettes. Tu es désormais une patiente, tu as un historique de consommation comme ceci et des habitudes alimentaires comme cela, et des pensées bien sombres, et des idées trop noires, et tu as besoin d’aide, il te le fait savoir. Il passe ton existence au scanner comme s’il faisait ça chaque jour, parce que de toute évidence, il fait ça chaque jour. Il scrute ton corps, aussi, débusque les marques honteuses de ton historique, les nomme froidement pour ce qu’elles sont en ignorant ce qu’elles représentent. Ta souffrance, il l’occulte. Tu auras bien l’occasion de t’y vautrer plus tard.
Face à ses questions et à son regard froid, tu craques enfin. Craquer est un euphémisme, disons que tu exploses, plutôt. Ça fait presque vingt ans que tu retiens tes larmes et c’est le schtroumpf à lunettes avec son interrogatoire préformaté qui a trouvé la valve. Dans son bureau au mobilier aussi hideux qu’ostentatoire, sous ses yeux dénués de compassion, tu te liquéfies sans trop comprendre pourquoi. Tu éclates en mille miettes. Immédiatement, tu te maudis pour ta faiblesse, mais il est trop tard. Tu décides illico de le détester, lui, encore plus que tu te hais toi-même. Il t’annonce que tu resteras ici au moins deux

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