Farida
189 pages
Français

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Description

Victime du patriarcat qui régissait la société tunisienne au siècle dernier, Farida va toutefois résister au rôle qu’on lui assigne en devenant un exemple de résistance dans cette culture arabo-musulmane qui nie le pouvoir des femmes. Forcée par son père de se marier à un cousin dépravé, elle va petit à petit conquérir son indépendance après avoir mis au monde un garçon, Taoufiq, puis élevé sa petite-fille, Leila, qu’elle veut forte et déterminée.
À travers son histoire, mais aussi celles de sa cousine Fatma et de sa belle-fille Jouda, on peut suivre cette lente affirmation des femmes, qui n’a pas été très souvent dépeinte, mais qui explique pourtant comment la domination des hommes a profondément évolué au cours des quatre-vingts dernières années.
Après Du pain et du jasmin, qui nous transportait au cœur de la Révolution arabe, Monia Mazigh rend ici hommage à une génération entière de femmes qui ont marqué l’histoire récente de la société tunisienne et qui nous forcent à revoir nos vieux clichés sur l’ignorance, l’oppression ou la soumission des femmes arabo-musulmanes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 janvier 2020
Nombre de lectures 234
EAN13 9782895977513
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

FARIDA
DE LA MÊME AUTEURE
Du pain et du jasmin , Ottawa, David, 2015 ; traduit en anglais sous le titre Hope Has Two Daughters , Toronto, House of Anansi Press, 2017.
Miroirs et mirages , Ottawa, L’interligne, 2011 ; traduit en anglais sous le titre Mirrors and Mirages , Toronto, House of Anansi Presss, 2014.
Les larmes emprisonnées , Montréal, Boréal, 2008 ; traduit en anglais sous le titre Hope and Despair : My Struggle to Free my Husband, Maher Arar , Toronto, McClelland and Stewart, 2008.
Monia Mazigh
Farida
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Farida / Monia Mazigh.
Noms : Mazigh, Monia, auteur.
Collections : Voix narratives.
Description : Mention de collection: Voix narratives
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20190231157 | Canadiana (livre numérique) 20190231203 | ISBN 9782895977223 (couverture souple) | ISBN 9782895977506 (PDF) | ISBN 9782895977513 (EPUB)
Classification : LCC PS8626.A955 F37 2020 | CDD C843/.6— dc23

L’auteure remercie le Conseil des arts du Canada et la Ville d’Ottawa pour leur généreux soutien financier lors de l’écriture de ce roman.

Nous remercions le Gouvernement du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa pour leur appui à nos activités d’édition.

Les Éditions David 335-B, rue Cumberland, Ottawa (Ontario) K1N 7J3 Téléphone : 613-695-3339 | Télécopieur : 613-695-3334 info@editionsdavid.com | www.editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 1 er trimestre 2020
Mot de l’auteure
Ce roman n’est pas autobiographique. Farida et tous les autres personnages sont fictifs, fruits de mon imagination, de mes recherches et de mes lectures. Toutefois, j’ai essayé de m’inspirer de certains faits historiques pour créer des personnages qui aspirent à être le plus près possible de la réalité.
Une partie de ce livre a été écrite à Vancouver, en Colombie-Britannique, lors d’une résidence d’écriture dans la maison de la célèbre écrivaine canadienne aux origines japonaises, Joy Kogawa.
J’en ai écrit et révisé plusieurs chapitres dans la chambre d’enfance où Joy Kogawa regardait souvent par la fenêtre l’arbre qui donnait sur la cour arrière des voisins. Depuis, cette chambre est devenue un bureau dans lequel j’ai passé des heures à regarder par cette même fenêtre et à écrire. Cette vieille demeure a frôlé la démolition en 2006, mais, grâce aux efforts de plusieurs citoyens, politiciens et membres de la communauté, elle a pu être sauvegardée. Ainsi, j’ai pu écrire tout en regardant les gens passer dans la petite ruelle arrière où se trouve encore cet arbre, un cerisier, affaibli et vieilli, mais toujours vivant. C’est un arbre miraculeux. Joy Kogawa, encore enfant, l’a entouré de ses petits bras et l’a supplié de ne jamais l’oublier au moment où elle a dû quitter sa maison natale à contrecœur pour aller dans un camp d’internement réservé aux Canadiens d’origine japonaise dans le petit village de Slocan, dans la région de Kootenay, au cours de la Seconde Guerre mondiale. Je regardais ce cerisier tous les jours en pensant à cette petite fille qui, dans son innocence, mais aussi dans son immense tristesse, a lancé un vœu à l’arbre et au vent qui le berçait. Ce vœu sera exaucé des années plus tard quand Joy Kogawa reviendra libre de ses mouvements et reconnue pour ses talents littéraires. Marquée à jamais par cet épisode douloureux, elle revisitera les vestiges de son enfance.
L’histoire de Joy Kogawa est une histoire d’injustice ultime, mais aussi de ténacité comme il y en a beaucoup autour de nous. Il suffit de regarder peut-être les arbres et pourquoi pas sentir les fleurs et surtout se souvenir de faire des vœux. C’est pour garder ces histoires vivantes dans ma mémoire et dans celles des lectrices et des lecteurs que j’ai décidé d’écrire ce roman.
BAB SOUIKA 1941-1964
Je sens bouillonner dans mon cœur Le sang de la jeunesse Des vents nouveaux se lèvent en moi Je me mets à écouter leur chant À écouter le tonnerre qui gronde La pluie qui tombe et la symphonie des vents. Et lorsque je demande à la Terre : « Mère, d étestes-tu les hommes ? » Elle me répond : « Je bénis les ambitieux Et ceux qui aiment affronter les dangers. Je maudis ceux qui ne s’adaptent pas Aux aléas du temps et se contentent de mener Une vie morne, comme les pierres. »
Aboul-Qacem E CHEBBI , poète tunisien (1909-1934)
C HAPITRE 1
Farida
J’étais allongée sur le lit à l’intérieur de l’alcôve surélevée. Les rideaux en mousseline tombaient nonchalamment sur les bords du matelas. J’attendais patiemment dans le noir. Je comptais les battements réguliers de mon cœur. Un muscle de ma cuisse gauche s’est mis soudainement à trembler. J’y ai posé ma main et appliqué un doux massage du bout des doigts et le mouvement s’est calmé aussi rapidement qu’il était apparu.
Tante Hnani et tante Zohra m’ont fait entrer doucement dans la chambre sombre en me tenant par la taille et le bras. Des bougies étaient allumées dans chaque coin de la pièce. Leurs flammes minces et allongées dansaient au gré des déplacements de nos ombres. L’odeur de l’ambre lourde émanant de l’encensoir embaumait l’atmosphère. Avec grands efforts, mes tantes m’ont retiré la keswa 1 que Khadija « la borgne », leur amie, avait brodée pendant des années. Cette keswa , formée de deux pièces se joignant à peine au niveau de mon ventre, pesait sur moi comme la porte en bois massif derrière laquelle je me tenais pour regarder dehors. Des centaines de petites paillettes argentées, les unes collées aux autres et brodées dans des motifs de bouquets de fleurs et de feuillages enchevêtrés, formaient une mer paisible et scintillante sur le tissu de soie blanche. La blouza 2 me serrait les seins, les rendant bombés et proches l’un de l’autre. De petites agrafes attachaient les deux bords du tissu dans mon dos et quand tante Hnani a finalement pu les séparer, j’ai failli pousser un cri de soulagement. Le séroual couvrait mes jambes jusqu’aux chevilles. Un long ruban de tissu servait de ceinture pour assurer que le tout tenait fermement et que le séroual ne glisserait pas par terre. Je marchais les jambes écartées comme un petit garçon endolori après sa circoncision. Le tissu bouffonné ne donnait pas assez d’espace à mes deux jambes, mais je prenais mon mal en patience. Débarrassée de tout cet accoutrement, je me sentis légère comme un pinson frêle au début du printemps. Heureusement qu’il faisait chaud dans la pièce, sinon, j’aurais gelé. Prenant conscience de ma presque nudité, je rougis. Je me trouvais en tenue légère devant ces deux vieilles femmes. Une petite culotte en coton blanc m’arrivait jusqu’aux genoux et un mérioul 3 en bersim 4 me couvrait la poitrine, qui venait de se libérer de la torture de la blouza .
Mes cheveux que la hanana 5 avait coiffés en tresses pendant des heures pour les dompter et les garder sages se sont finalement détachés. Les fleurs de jasmin parcourant mes tresses commençaient à tomber en cascades, les unes après les autres comme des petites boules de grêle. Tante Hnani s’est approchée de moi, elle a commencé à les défaire. Je sentais encore quelques fleurs de jasmin me chatouiller la nuque. L’odeur subtile des fleurs séchées se mélangeait à celle de l’ambre et me donnait subitement envie de m’enfuir de cette chambre où mon destin allait se sceller.
Pas loin de nous, tante Zohra, pliée en deux, les yeux plissés, une moue sur le visage, cherchait dans la petite valise en carton à grands carreaux, celle que l’on m’a montrée toutes les fois que l’on me parlait de mon trousseau de mariage.
— Hnani, es-tu sûre que tu as apporté la chemise de nuit ?
— Oh que oui, ma chère Zohra ! Elle est en dessous… elle est enveloppée du foulard rouge. Cherche bien, tu la trouveras.
Je connaissais le foulard rouge, c’était celui de ma défunte mère, Ommi 6 . À son souvenir, j’ai senti un pincement au cœur. Elle est partie trop vite. La pneumonie l’a emportée comme le vent du sirocco qui balaie tout sur son passage. Sans retour.
Tante Zohra plissait les yeux davantage, elle n’arrivait pas à bien discerner dans la pénombre qui enveloppait de plus en plus la pièce. Finalement, un sourire aux lèvres, elle se dirigea vers nous, la fameuse chemise blanche entre les mains. Cette chemise que j’ai essayée au moins cinq fois. Le col garni d’une chebka 7 , brodée à la main, au fil d’Écosse, par tante Hnani. Le tissu en voile de coton léger et transparent glisserait bientôt sur mon corps nu et me tiendrait compagnie lors de cette nuit fatale.
Je revoyais tante Hnani, son petit traversin rembourré de paille et couvert d’un tissu rose en coton, le tout placé sur ses jambes, assise tous les après-midi d’été sur le banc bleu en bois dans la cour intérieure de notre maison près du citronnier et piquant l’aiguille selon des modèles qu’elle avait appris par cœur depuis qu’elle était gamine. Un pied sous la cuisse, l’autre pied nu ballant sur le côté du banc, elle brodait en silence. Je la surveillais du coin de l’œil, alors que je lisais un article de La Dépêche tunisienne . Je trouvais ces bouts de journal dans la cuisine. Tante Hnani allait les jeter avec les pelures de pommes de terre et de carottes, mais profitant d’un moment d’inattention, je retirais le papier journal et le cachais dans la poche de ma robe. Le papier sentait parfois le poisson. C’était du papier journal que les poissonniers, bouchers et maraîchers utilisaient d’habitude pour y enrouler leurs marchandises avant de les donner aux clients. Le petit commis, Mohamed, qui chaque matin livrait le couffin rempli de pois chiches trempés, d’un morceau de potiron, de quelques pommes de terre, de carottes, d’une poignée de piments, de belles tomates rouges, d’une grosse pastèque verte zigzaguée ou d’oranges brillantes de Menzel Bouzelfa 8 , selon les saisons, me laissait parfois quelques pages intactes de La Dépêche tunisienne sans tache de graisse de mouton o

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