Il avait 20 ans en 1940
248 pages
Français

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Il avait 20 ans en 1940 , livre ebook

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Description

A travers son double littéraire, Gilbert Soussen se raconte... En 1940, il commence des études de médecine à Paris. Il est Français par toutes ses fibres, mais Juif d'origine algérienne. Menacé d'arrestation, il parvient à s'enfuir. Mobilisé avec l'armée française, il fait la campagne d'Italie comme médecin auxiliaire, puis devient agent de renseignement à Paris. A chaque étape de son parcours, une nouvelle figure de femme fait irruption dans sa vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2008
Nombre de lectures 269
EAN13 9782336271620
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Jean Cocteau à Milly la Forêt Essai Aux éditions 7 presse 1996 Prix Cesare Pavese Aamatour Roman Aux éditions de l’Harmattan 1998 Prix Littré Nouvelles nouvelles de la folie Essai Aux éditions de l’Hrmattan 2001 Théâtre d’un Psy Recueil de pièces de théâtre Aux éditions de l’Harmattan 2006 Les Trois Passages Pièce de théâtre Aux éditions de l’Harmattan 2007 De soufre et de flammes Recueil de pièces de théâtre Aux éditions de l’Harmattan 2008
Il avait 20 ans en 1940

Gilbert Soussen
© L’Harmattan, 2007
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296062702
EAN : 9782296062702
Sommaire
Du même auteur Page de titre Page de Copyright Dedicace Première partie - Marina
I - La « drôle de guerre » II - Un réveillon d’ombre et de lumière III - Tous les hommes sont frères IV - La fuite en douceur
Deuxième partie - Séila
I - La « libération » d’Alger II - De Léila à Léila III - L’hôpital de campagne IV - L’engagement
Troisième partie - Grete
I - Retour à Paris II - Naissance d’un amour III - L’attentat contre Hitler IV - L’étrange petit flacon v - Elle est là, il vivra !
Avertissement de l’auteur
À mon épouse Marguerite
À tous ceux qui ont aimé ce texte et m’ont accompagné dans la rédaction de ce récit.
Spécialement à Jeanne Raymond pour ses conseils éclairés.
Première partie
Marina
I
La « drôle de guerre »
R eçu! Il est reçu... Son nom, sur la liste, prend soudain du relief. Il sonne juste, il sonne clair, au milieu de tous les noms bien français des nouveaux bacheliers qui l’encadrent.
Quittant d’un pas léger la cour de la Sorbonne, Michel Bénaime descend vers les quais par le boulevard Saint-Michel. Un air de valse tourne dans sa tête, il est admis, accepté, coopté. L’avenir s’ouvre devant lui.
À mesure qu’il approche du Châtelet, son enthousiasme commence à fléchir. Français... l’est-il vraiment? En ce mois de juin 1939, il n’en est plus tellement sûr.
Une suite d’images défile dans son esprit : le cours de philo, au lycée Chaptal, il y a environ trois mois. Le professeur, monsieur Leroy, parle debout devant son bureau. C’est un homme très Vieille France , ses cheveux blancs sont peignés si précieusement qu’ils ressemblent à une perruque ; ses yeux, d’un bleu délavé derrière des lunettes cerclées d’or, s’animent quand il parle de Bergson. Patiemment, il essaye de faire saisir aux élèves les nuances fines de sa pensée : l’intuition, l’élan vital, la morale ouverte ; son auditoire a du mal à comprendre mais il est accroché. À ce moment, comme un diable sorti de sa boîte, Desbois se lève. C’est un gaillard baraqué, au teint pâle, au visage boutonneux. En dehors de la classe, il porte toujours un béret basque et nul n’ignore qu’il est inscrit au groupe d’extrême droite des Camelots du roi . Il prend la parole pour révéler que Bergson est Juif et que la France en a plus qu’assez de la pensée juive... Au lieu de le mettre à la porte, le brave prof, un humaniste bon teint, se met à discuter avec lui, déroulant des arguments tels que :
- Vous simplifiez, vous êtes injuste, il y a autant de banquiers protestants que de banquiers juifs... La culture française doit beaucoup aux Juifs, Montaigne lui-même...
Michel se sent paralysé, rivé à son banc. Il voudrait apostropher le prof : lui dire qu’il est inutile de discuter avec un fanatique. Ou encore mieux, aller se mettre devant Desbois et lui crier : « Je suis Juif et aussi Français que toi, mon père a fait la guerre, un de mes oncles y est resté... » Rien ne vient.
Toujours ce problème : il n’arrive pas à s’affirmer... surtout quand il s’agit de son origine, comme s’il avait à cacher un secret de famille !
La classe se termine tranquillement. Le dénommé Desbois a lâché son venin sans que personne n’ait fait allusion à la terreur antijuive qui se déroule en Allemagne et qui jette des vagues de réfugiés sur le pavé parisien.
Tant qu’il faisait ses études secondaires au collège Arago, dont les élèves venaient presque exclusivement des quartiers populaires, Michel était un pote comme les autres. Mais dès son arrivée au lycée Chaptal, où il s’était fait transférer pour préparer la seconde partie du bac en philo, il avait été repéré.
Il revoit un petit événement : peu après le début des cours, un de ses condisciples l’arrête au milieu des marches d’un escalier pour lui demander sur un ton de justicier :

- Tu es Juif, toi ?
Ah, c’était si simple de lui répondre :

— Oui, ça te gêne ?
Mais ces mots là étaient restés dans sa gorge. Il avait lancé :

— Je suis pire que Juif, je suis communiste.
Mais pourquoi avoir dit cela ? Pourtant il le savait bien que ce fils de bourgeois haïssait autant les communistes que les Juifs... Communiste ? Il ne l’était pas vraiment, tout juste sympathisant. Alors que Juif, il l’était par son père, sa mère et tous ses ancêtres. Sans doute préférait-il être rejeté pour un choix politique plutôt que pour sa race.
Ah ! Ce mot race comme il le déteste ! Un de ces mots contre lequel on ne peut rien. On peut évoluer politiquement, sortir du communisme. On ne sort pas de sa race.
Juif? Un vieux souvenir remonte en lui : il a environ cinq ans, il interroge son père :
- À la récréation, un copain m’a dit que j’étais Juif, papa. C’est quoi être Juif?
Celui-ci se concentre avant de lui répondre :
- Tu es Français d’abord, mon fils...
- Alors je ne suis pas Juif.
- Ton grand-père était un Juif algérien, un indigène... mais il a été naturalisé Français et il disait naturalisé comme s’il avait dit anobli. Nous sommes donc, toi et moi, Français de naissance.
Il en prend conscience maintenant : pour son père le mot Juif était associé à un passé colonial dévalorisant.
Avoir été naturalisé, c’était une montée vers le haut.
Michel, né en 1920, vit en France depuis l’âge de 7 ans. Dans sa famille on ne parle jamais de religion ou si rarement... Exactement deux fois dans l’année, le jour de Pâques et au Grand Pardon. C’est à l’occasion de l’affaire Stavisky, en 1933, que ce qui aurait pu être un simple détail était devenu un fait crucial. Alexandre Stavisky, Sacha pour les intimes, chevalier d’industrie, jouisseur et non pratiquant, était né Juif Ce fut l’occasion, pour la presse de droite, de lancer une campagne antisémite ravageuse, comparable à celle déclenchée par l’affaire Dreyfus. Et puis, il y eut le Front Populaire avec Léon Blum, un Juif, à sa tête. Il y eut la montée en puissance d’Adolf Hitler.
Depuis, il fallait s’y faire, le problème juif était dans tous les esprits. Partout on parlait de la race juive et même si on la défendait on ne contestait jamais qu’elle était une race à part.

Jusque là insensible au paysage, enfermé dans ses ruminations, le jeune homme reprend terre rue de Rivoli, au croisement de la rue des Écouffes. Là, parmi les passants ordinaires, apparaissent des hommes pâles, portant lévites, chapeaux noirs et barbes épaisses. Il est en plein dans le quartier des Juifs... Ceux d’Europe centrale. Il a pour eux la vague sympathie qu’on peut éprouver pour des gens qui subissent les mêmes préjugés. Mais sont-ils de la même race que ceux qu’il a connus en Algérie ?
Son grand-père s’appelait Messaoud Ben Haïm, très proche des Arabes musulmans, il portait burnous et turban.
En 1870, le décret Crémieux le transmua en citoyen français comme tous les Juifs d’Algérie. L’employé de mairie barbichu qui l’inscrivit à l’état-civil avait dû lui demander : Vous dites comment ? Ben Haïm ? Très bien. Et il francisa d’autorité Ben Haïm en Bénaime. Pourquoi n’alla-t-il pas jusqu’à Bienaimé ? C’est, en tout cas, un pas que son père franchit tous les jours en adoptant fièrement ce nom bien français sur son papier commercial à en-t&#

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