Je fête donc je suis
121 pages
Français
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Description

A peine le paysan Birori a-t-il quitté son village natal pour Bujumbura qu'il y brûle de se marier malgré ses moyens dérisoires. Pressé et bravant la coutume, il envisage de convoler avant la levée de deuil définitive de sa mère Inantango. Maniaque de la tradition, son frère aîné Gatuku s'y oppose. Mais après mille péripéties, Birori finit par contracter un mariage dispendieux avec la dénommée Gasenkere aux moeurs dissolues. Elle ne tarde pas à l'abandonner pour un autre. Déçu par la ville, le délaissé regagne la campagne pour tenter de s'y reconstruire. La fête des retrouvailles remplira-t-elle toutes ses promesses ? Birori le découvrira à ses dépens. Entre rires et larmes, Juvénal Ngorwanubusa dépeint dans une langue subtile une Afrique rurale et une autre urbaine, deux faces faussement irréconciliables.

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EAN13 9789920753296
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

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Extrait

Je fête donc je suis
peine le paysan Birori a-t-il quitté son village natal pour Bujumbura qu’il y brûle de se marier malgré ses moyens deÀconvoler avant la levée de deuil déïnitive de sa mère dérisoires. Pressé et bravant la coutume, il envisage Inantango. Maniaque de la tradition, son frère aîné Gatuku s’y oppose. Mais après mille péripéties, Birori ïnit par contracter un mariage dispendieux avec la dénommée Gasenkere aux mœurs dissolues. Elle ne tarde pas à l’abandonner pour un autre. Déçu par la ville, le délaissé regagne la campagne pour tenter de s’y reconstruire.La fête des retrouvailles remplira-t-elle toutes ses promesses ? Birori le découvrira à ses dépens. Entre rires et larmes, Juvénal Ngorwanubusa dépeint dans une langue subtile une Afrique rurale et une autre urbaine, deux faces faussement irréconciliables.
Juvénal Ngorwanubusa est professeur à l’université du Burundi. Il est l’auteur de nombreuses publications qui mettent à l’honneur le patrimoine littéraire africain. Son essaiLa littérature de langue française au Burundia reçu en 2014le prix de La Renaissance française de l’Académie des Sciences d’outre-mer.Je fête donc je suis est son étincelant deuxième roman.
Prix: 90 DH / 18 € ISBN:9789920753296 pôtlégal:2021MO4145
Juvénal Ngorwanubusa
Je fête donc je suis Roman Je fête donc je suis
Juvénal Ngorwanubusa
ïSbN :978-99-753-9-6 Dépôt éga :MO445 © Édîtîons a Croîsée des Chemîns 6, Rue Mouaffak Eddîne ïmm. A Rés. Dîagh Quartîer des hôpîtaux - Casaanca înfo@acroîseedeschemîns.ma
www.acroîseedeschemîns.ma
Juvénal Ngorwanubusa
Je fête donc je suis
Roman
ée de a coaoratîon entre a pateforme N « Semura, ferment îttéraîre » des Grands Lacs afrîcaîns et a maîson d’édîtîon La Croîsée des Chemîns, a coectîon « Semura » contrîue à a promotîon de a îttérature afrîcaîne. Ee est dédîée à a îttérature générae, tous genres confondus, et met ’accent sur ’accès à des anthoogîes consacrées aux créatîons îttéraîres tout partîcuîèrement de jeunes auteurs des Grands Lacs afrîcaîns. Ces anthoogîes sont puîées au format EPUb et sont tééchargeaes gratuîtement sur e sîte înternet de ’édîteur. La coectîon propose égaement chaque année un ourage coectîf sur une thématîque concernant toute ’Afrîque. Ee s’înscrît dans e cadre des actîîtés de « Semura, ferment îttéraîre », pateforme ancée en 2010 dans es Grands Lacs afrîcaîns pour promouoîr a îttérature et ’enseîgnement îttéraîre, en accompagnant de jeunes pumes et en encourageant a jeunesse à s’întéresser à a ecture. La coectîon « Semura » est soutenue par a Fondatîon Corymo, Zürîch, Suîsse.
Rabiaa Marhouch Directrice de la collection Sembura
La vIlle aux mIlle fêtes
îrorî n’étaît pus tout à faît jeune. Pourtant î étaît B resté désespérément céîataîre. ï aaît passé son enfance à aîder ses parents dans eurs actîîtés domestîques et champêtres. Maîs à ’adoescence, î s’étaît reîffé. – Je suîs fatîgué de garder tes chères, aaît-î dît à son père. Je eux aer à ’écoe comme es garçons de mon âge. Maîs comme son âge étaît déjà trop aancé et qu’î n’aaît pas été aptîsé, ’enseîgnement cathoîque uî ferma es portes au nez. ï fut orîenté ers ’écoe des réfractaîres au sîgne de croîx qu’on appee es Abazîrarumenyetso. Maîs comme c’étaît presque un homme faît, î saaît à quoî î s’engageaît. Aussî réussît-î ’écoe prîmaîre sans anîcroche. Est-ce parce qu’î aaît été éeé dans une écoe sans Dîeu ? Toujours est-î qu’î fut renoyé de a premîère année du secondaîre pour aoîr été attrapé en traîn d’exporer es dessous de sa professeure de îoogîe. Aors, î aaît prîs e premîer camîon âché descendant à bujumura, à ’însu de ses parents,
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quî uî auraîent pourtant procuré une femme pour camer ses précoces enîes. Le soeî tapaît encore très fort orsqu’î parînt à a aste capîtae aux tôes onduées. Non seuement a réerératîon du soeî sur es tôesnzoramba’aeugaît, maîs ’arrîée à bujumura dont î s’étaît faît par aance une tee joîe se transformaît en caaîre. ï fut dès ’aord confronté à a soîtude et à ’anonymat de a îe. La faîm e tenaîaît.ï consîdéra a mînceur de sa ourse. Ses ressources aaîent été amoîndrîes par es dépenses du oyage. Sans argent, î n’y aaît poînt de saut. ïcî on mangeaît parce qu’on s’étaît approîsîonné au marché.Et on n’aaît au marché que parce qu’on perceaît un saaîre. Un saaîre sans traaî ? ï pouaît rêer. Reendre ses hardes ? Personne n’en auraît ouu. Sans formatîon nî reatîons, aucune opportunîté ne se présenteraît à uî. ï împora e cîe de faîre tomer a manne. Dîeu-ïmana étaît aux aonnés asents. ï scruta es quatre poînts cardînaux en médîtant sur ’amertume de sa destînée. Aucune aternatîe ne se dessînaît à ’horîzon. Toutes es îssues semaîent ouchées. ï se trouaît entre e marteau et ’encume. Pour a premîère foîs, î îaît un moment de tensîon exîstentîee. ï n’en inîssaît pas de royer du noîr orsqu’un passant e trouant panté à, es yeux perdus dans e ague, e tîra de sa semî-conscîence et proposa de uî trouer un ouot de oy de maîson.
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– C’est e mîeux rémunéré pour des gens à peîne descendus de eurs coînes comme toî, ’aaît-î aguîché. Dans ce métîer, on est ogé, anchî et surtout nourrî mîeux même que ses empoyeurs. Sans compter ekîgavuconstîtué de petîts sous préeés sur a ratîon journaîère et mîs de côté pour oîre un coup es après-mîdîs, en compagnîe des gardîennes d’enfants ouyayadu quartîer. Cette proposîtîon n’eut cependant pas ’heur de paîre à bîrorî. Un is de bîtahîkamye, même éjecté du système scoaîre, ne pouaît souffrîr une tee déchéance. – Eh toî, ’însoent ! Je te troue îen effronté de me parer de a sorte. Est-ce à moî que tu antes un traaî de marmîton ? Tu me prends pour quî ? Un groom, fût-î exceptîonne, n’épousera-t-î pas une onnîche ? Et eur coupe ne sera-t-î pas condamné à n’engendrer que deszamuou eîeurs de nuît, quî eux-mêmes ne farîqueront que des crèe-a-faîm ? Pour me parer comme tu îens de e faîre, î faut que tu soîs a progénîture d’un chîen quî s’est accoupé aec ta putaîn de mère ! Aussî ne s’étaît-î pas contenté de décîner ’offre. ï aaît dardé, entre ses încîsîes écartées, un ong jet de saîe raîde comme du enîn, sur e maheureux cîtadîn quî se fauia dans a foue sans demander son reste. Longtemps î regretta sa maencontreuse înîtîatîe ; ça uî apprendraît à prooquer un jeune campagnard !
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bîrorî aaît déjà eu ent de ’exîstence, aux aords du marché centra de bujumura, d’une corporatîon de jeunes désaxés dénommée «es commîssîonnaîres». Pour certaîns, c’étaît une outîque de truands quî endaîent ou ouaîent, parfoîs à ’însu de eurs proprîétaîres, es îens meues ou îmmeues d’autruî, moyennant une commîssîon conséquente. Outre cea, îs ne connaîssaîent qu’une rège de îe : satîsfaîre a démesure de eurs désîrs. Une îère à sîroter, une rochette à déchîqueter et une nana à « caîer », comme on dîsaît aors, tees étaîent es troîs éatîtudes de ce genre d’îndîîdus. C’étaîent surtout d’exceents aratîneurs, frappés du syndrome de Don Juan. ïs étaîent attîrés par a femme comme a îmaîe de fer par un aîmant. La déauche étaît eur éément, eur façon d’être au monde. Aîdes de jouîssances, îs erraîent, tes des oups en maraude, dans es quartîers où e stupre et a fornîcatîon se pratîquaîent sans désemparer. Le pus con de ces marauds-à aaît même repoussé es îmîtes de a grossîèreté en décarant sans honte qu’î ouaît îre constamment dans e sexe de a femme, jusqu’à a naîssance du gosîer. ï ne aîsseraît émerger que a tête, aec une ouche coée comme une sangsue au gouot d’une outeîe de îère Prîmus. Pour es gens comme î faut, î étaît temps de donner un coup de pîed dans a fourmîîère. – Cette racaîe-à, î faudraît a nettoyer au karcher, aaît tranché, sous forme de fatwa,e Sarukére
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gastéropode à ’emonpoînt excessîf, aussî surnommé e « ourgeoîs constîpé ». Et ce n’est pas parce qu’un de ces aomînaes gredîns m’a rempacé dans mon ît que je dîs ça, aaît-î tenu à ajouter. Ne pensez donc pas que ma séérîté soît e résutat d’un sentîment de haîne né de dîssentîments prîés. Mon seu soucî, c’est e saut commun. Ce quî nous întéresse au premîer chef, c’est a tranquîîté et a sécurîté de a cîté tout entîère. Nous deons nous déarrasser de ce érîtae chancre de a socîété. – Maîs non ! Maîs non ! aaît protesté un jeune homme. ï s’agît de mandataîres parfaîtement recommandaes quî, comme întermédîaîres, rendent d’estîmés serîces. À ses yeux, même es mœurs pererses, aîées de a rage de posséder et de spoîer de ces escrocs îen-aîmés, paraîssaîent des ertus. Sî on y croyaît, on es gratîiaît du tître de «garçons de îe ». Sî par contre on es détestaît, îs étaîent affués de ceuî de « andîts cîîs ». Maîs de queque ange qu’îs fussent appréhendés, îs ne aîssaîent pas îndîfférents. Éégants dans eur haîement, dandys par eurs manîères, eaux pareurs et d’un commerce agréae aec es femmes, îs préféraîent e paratre à ’être. ï n’empêche qu’îs étaîent consîdérés comme es parangons de a dîstînctîon et adués dans es mîîeux mondaîns. Pour bîrorî, e choîx étaît arrêté désormaîs. ï rejoîndraît ce syndîcat de ’înforme, adepte du système « D ». Là, î engrangeraît une
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fortune, mèneraît grand traîn et surtout se marîeraît dans un certaîn uxe. Maîs es desseîns du Dîeu-ïmana sont însondaes. Sîtôt arrîé au marché, î fut îttéraement happé par une foue de décassés et de déoyés de toutes sortes, que a îe aaît aîssés au ord du chemîn comme uî. De tout e pays, c’étaît à que ’on trouaît a pus grande concentratîon de proscrîts au kîomètre carré, de ’enfant des rues au chômeur dîpômé. Toutes es îes ratées y prenaîent eur pace : agaonds, endeurs à a crîée, marchands d’eau frache en sachets, de cîgarettes à ’unîté ou de sacs en pastîque de dîfférentes coueurs, ces dernîères détermînant e prîx. Des démarcheurs proposaîent, sous e manteau, des îjoux de pacotîe et toutes sortes de coîichets en proenance de Chîne. Coporteurs, portefaîx, oeurs à a tîre, deaers d’here, orîgînaux et détraqués, tapîneuses et mendîants s’y actîaîent égaement. L’extrémîté orîentae du marché étaît occupée par es endeurs de phyactères et es pharmacîens au ras du so. On y rencontraît aussî des fonctîonnaîres prématurément déchus et dépourus de paces et de préendes de ’État, îctîmes des changements poîtîques. À défaut de se suîcîder en se jetant du haut des îmmeues puîcs, îs aaîent ascué dans a déînquance et aaîent rejoînt a sordîde engeance du marché centra. C’étaît une zone d’un autre droît. Aucun code ne déîmîtaît fermement es frontîères de a norme,
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de ’écart et de a déîance. Ce îeu représentaît spécîaement a manne céeste des rouards et des petîts oeurs. Comme sî e o étaît deenu un système étaî faîsant partîe du secteur prîé de ’économîe. Les pus redoutés étaîent sans conteste es « deux doîgts », un nom donné à ces haîes pîckpockets quî serraîent de près a mutîtude, pînçant du out du pouce et de ’îndex es poches des pantaons, en quête de porte-monnaîe. ïs es îdaîent proprement de eur contenu et, pour ne pas affoer es îctîmes, es remettaîent à eur pace, cette foîs-cî ourrés de papîer journa. En une fractîon de seconde, e portefeuîe se oyaît changé en ce qu’î étaît réeement : un porte-feuîes ! L’înfortuné ne s’en rendaît compte qu’au moment où î e tîraît ièrement pour réger un achat. bref, c’étaît e poînt foca sur a carte du îce. Sur e pourtour régnaît a crasse oueuse. Des amonceements d’ordures fumantes et odorantes à ous ousîer e nez s’y entassaîent formant des montagnes, au mîîeu d’une nuée de mouches d’un ert hîdeux. En comparaîson, e dépotoîr puîc de buterere faîsaît fîgure de mînae montîcue.Là-dessus, î n’y aaît pas que des chîures de mouches. À eur approche, ceux quî aaîent ’estomac trop déîcat accusaîent un haut-e-cœur. Ce n’étaît pas e cas des gamîns n’ayant que ’espace puîc comme îeu de îe quî îrîonnaîent aux aentours. Ces enfants fantômes, înconnus à ’état cîî, appartenaîent à a caste de ceux
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quî se nourrîssent des déchets des autres. ïndîfférents à a putréfactîon, cesbîrobezocomme on es appeaît, se régaaîent des fruîts aarîés. ïs y puîsaîent des forces pour eîer sur es oîtures dans es parkîngs. Lorsqu’un proprîétaîre de oîture eur refusaît ce serîce, îs uî rayaîent a carrosserîe ou uî creaîent es pneus. On aaît donc întérêt à s’en concîîer es onnes grâces. D’aîeurs ces garoches étaîent es anges gardîens permanents du marché. ïs y passaîent a nuît sous ’auent d’un magasîn de ’îmmeue bata, pendant que a popuatîon se dîsoquaît pour se répandre dans es dîfférents déîts de oîssons. bîrorî se dîrîgea ers e kîosque brarudî, au quartîer généra des commîssîonnaîres. – En oîà encore un quî s’est fourré dans a tête que bujumura guérît a mîsère comme e charon guérît a gae ! s’excama quequ’un aec un sourîre en coîn. Dîs-moî ton nom, aaît-î enchané. ï doît encore sentîr a terre et a ouse de ache ! – Mon nom est Festus bîrorî, aaît-î ièrement afirmé. Sans aoîr jamaîs reçu e aptême de quî de droît, î enaît de s’autorîser à porter un prénom chrétîen, aec en pus une termînaîson en « s » aors en ogue dans e mîîeu. – Aors Festus ! Sans un sou aîant dans ta poche, comment comptes-tu faîre fortune dans ce nœud de îpères ? înterrogea un autre, ’expressîon faussement apîtoyée.
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– Je compte sur a soîdarîté égendaîre des burundaîs eners eurs semaes, aaît répondu bîrorî. Car sî je suîs enu à ous, c’est que es faues d’une même espèce entrent enseme dans e même trou. Comme e préoît a oî de a junge, î se troue toujours un mâe domînant quî écrase pus as que terre tous es autres, ain de se hîsser sur e pîédesta. ïcî, ce statut reenaît à un maaar aux fesses eues, taîé en Hercue. ï aaît a mâchoîre carrée aec des dents comme des meues. Les yeux rougîs par e chanreurumogî, î aaît ’aîr toujours furîeux. Son aspect offraît queque chose de puîssant et d’horrîe à a foîs. On auraît dît e chanon manquant entre ’homme et e chîmpanzé. Une ête humaîne en somme, aec un fond d’anîmaîté pus prégnant. Sa mère ’aaît sûrement conçu en pensant àSamayumba, e redoutae ogre des contes du terroîr. À ’éîdence, c’étaît ’homme e pus craînt de a pègre. Sa sîmîesque physîonomîe annonçaît un cœur rongé par e ie. Sensîe comme un escargot dont on touche es cornes, ’anîma faît homme n’aaît pas du tout goûté a métaphore du « faue ». D’une maîn de fer, î agrîppa bîrorî au coet. De ’autre, î uî tordît e poîgnet en uî întîmant ’ordre de e garder en ’état comme un handîcapé. – va au-deant de cette grande dame que tu oîs à-as, ordonna-t-î, en afichant une face d’épouante. De ta maîn estropîée, faîs a manche en récîtant
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esaïdîya mama, formue consacrée pour demander a charîté. De ’autre, farfouîe dans son sac pour nous rapporter de ’argent. Et que ça saute ! bîrorî s’exécuta sans regîmer. Maîs î n’en aaît pas e doîgté, e paure. Son petît manège fut aussîtôt découert par a jeune femme quî crîa « Au oeur ! » ï étaît prîs a maîn dans e sac. C’étaît e cas de e dîre. Les pratîques du marché centra exîgeaîent que tout oeur prîs sur e faît par a foue eût droît à une justîce îmmanente. Sî tant est qu’on pût encore parer de justîce. Tous es adauds, au premîer rang desques ceux quî ’aaîent poussé à passer à ’acte, accoururent au secours de a ee juchée sur de hauts taons. Te un cycone, îs fondîrent sur ’apprentî détrousseur et entreprîrent de e ourrer de coups de poîng : « voîà comment dans notre junge nous domptons es faues ! » dîrent-îs en crachant sur son corps înerte et sanguînoent. ïs s’étaîent ensuîte dîspersés en se partageant e généreux pouroîre que enaît de eur offrîr a femme agressée, maîs pas îngrate pour deux sous. Quoîqu’î y eût îen de quoî. bîrorî aaît quîtté e marché sous es huées. ï enaît d’expérîmenter dans sa chaîr ’horrîe érîté du monde des commîssîonnaîres. ï se surprît à regretter cette hîstoîre de « faues de même espèce ». Fînaement, c’étaît uî quî étaît responsae de ses propres maheurs. Pourquoî n’étaît-î pas ichu de dîre comme tout e monde : « ce quî se resseme s’asseme » ? Certes pour un aptême de feu, î étaît
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îen serî, maîs î étaît aussî fermement conaîncu que toute expérîence, même des pus maheureuses, reste enrîchîssante. À force de se faîre fustîger, î gagneraît une couenne assez soîde pour parer à tous es coups et dès ors s’împoseraît dans e mîîeu. ï aaît surtout comprîs que dans ce panîer de craes, a meîeure défense, c’étaît ’attaque. ï faaît prendre ’offensîe, prooquer ’occasîon au îeu de ’attendre. Un is de bîtahîkamye aaît a ocatîon de prédateur et non de gîîer. Dans e choîx de ses îctîmes, uî aussî aaît jeté son déou sur es prîmo-arrîants, du moîns pour commencer. Un jour, un noueau déarqué, n’ayant pour toute rîchesse qu’une îcycette déjà îen fatîguée, înt à passer aux enîrons du kîosque brarudî. Comme un féîn, bîrorî aaît foncé droît sur uî. Aec ses yeux furîonds, î ’aaît hypnotîsé net et renersé au so, au crî de « Au oeur ! ». ï en connaîssaît déjà ’înfaîîe eficacîté. ï s’étaît emparé sans tremer de son deux-roues, au nez et à a are du paure dîae, jeté en pâture aux oyous quî se mîrent en deoîr de uî asséner une grêe de coups. De ’écume s’étaît formée à a commîssure de ses ères. – Maîs qu’aî-je faît à ïmana pour mérîter tout ça ? aaît marmonné e maheureux, quî n’arrêtaît pas de chîaer et de hoqueter comme un gamîn. – Sî ’éperîer attrape e crîquet, uî demande-t-on ce que e crîquet a faît ? Et sî e îon a pîtîé de a gazee, n’est-ce pas uî quî mourra de faîm ?
18 — Je fête donc je suîs
C’étaît tout ce qu’î aaît reçu comme réponse. bîrorî s’étaît déarrassé du éo à î prîx, maîs a somme étaît sufisante pour se désatérer aondamment à coups de Prîmus, en compagnîe des ies de joîe quî papîonnaîent aux aords du marché. ï es aaît égaement gaées de rochettes de chère, aant d’en înîter certaînes dans sa pîaue aux murs en chaux défraîchîe, ouée dans une maîson-ote d’aumettes du quartîer sans arres de Kînogono. Un îdonîe dans a îe. Le endemaîn, î s’étaît retroué paure comme Jo, car « îen ma acquîs ne proite jamaîs », dît ’adage popuaîre. Aors î s’étaît creusé es ménînges pour trouer es moyens de remédîer à a paureté. ï urgeaît de dénîcher e remède mîrace dans es méandres de son cereau. Dans e jargon du kîosque brarudî, cea se dîsaît « cuîsîner a tête ». Et î a cuîsîna tant et sî îen qu’î sortît un apîn de son chapeau : î emprunta à un de ses compères une îeîe montre de marque înconnue. Puîs î se mît à ’astîquer et y împrîma une marque prestîgîeuse, assortîe de « Farîquée en Suîsse ». ï a gîssa sous un étuî transparent, aec un prîx artîicîeement gonlé igurant sur un des outs. C’étaît cette rîcoe qu’î s’éertua à fourguer à un jeune campagnard en ma de paratre : – Fîs de ma mère ! ’aaît-î aordé. Quee îdée de te aader en îe sans montre, aors qu’îcî tout se rège en termes d’heures, de mînutes et de secondes !
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Le désormaîs ex-cu-terreux jeta un regard sur ’écat de a marchandîse et en fut émereîé. Les noueautés éeîent toujours ’întérêt des hommes. Son attentîon fut surtout attîrée par son tîc-tac pus sonore que ceux qu’î aaît entendus jusque-à, ce qu’î prît pour un ae de quaîté : – J’achèteraîs oontîers ta montre, uî dît-î, maîs e prîx afiché dépasse mes paures moyens. – Ce n’est que e rapport quaîté-prîx ! e rassura bîrorî. Je îens à ’înstant de sutîîser cette montre des étas du Nîcatro, un magasîn tenu par un hîndou à ’aenue de a Mîssîon. Ee est encore sous ’emaage d’orîgîne et son prîx a été ixé par e farîcant uî-même depuîs Genèe. Croîx de oîs, croîx de fer, que je deîenne muet sî je tentaîs de te mentîr! L’honneur me ’înterdît et Dîeu m’est témoîn. Maîs ce n’est pas pour te trouer. Entre frères sortîs des mêmes entraîes, nous nous deons de trouer un terraîn d’entente, ’aaît-î aéché. Le campagnard, pas ma joard, îgnoraît encore que confondre a érîté aec son întérêt étaît a marque déposée du commîssîonnaîre. Au contraîre, î se oyaît déjà en traîn de anter à ses amîs a proenance heétîque de sa montre. ï donna donc îmmédîatement dans e panneau, surtout que e endeur menaît a transactîon d’un ton affae. ï aaît remîs toutes ses économîes au genteman escroc, quî aa retrouer es cîentes d’un ar ma famé de Kamenge. Aant que ’acheteur pumé aît remarqué
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