A peine le paysan Birori a-t-il quitté son village natal pour Bujumbura qu'il y brûle de se marier malgré ses moyens dérisoires. Pressé et bravant la coutume, il envisage de convoler avant la levée de deuil définitive de sa mère Inantango. Maniaque de la tradition, son frère aîné Gatuku s'y oppose. Mais après mille péripéties, Birori finit par contracter un mariage dispendieux avec la dénommée Gasenkere aux moeurs dissolues. Elle ne tarde pas à l'abandonner pour un autre. Déçu par la ville, le délaissé regagne la campagne pour tenter de s'y reconstruire. La fête des retrouvailles remplira-t-elle toutes ses promesses ? Birori le découvrira à ses dépens. Entre rires et larmes, Juvénal Ngorwanubusa dépeint dans une langue subtile une Afrique rurale et une autre urbaine, deux faces faussement irréconciliables.
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Extrait
Je fête donc je suis
peine le paysan Birori a-t-il quitté son village natal pour Bujumbura qu’il y brûle de se marier malgré ses moyens deÀconvoler avant la levée de deuil déïnitive de sa mère dérisoires. Pressé et bravant la coutume, il envisage Inantango. Maniaque de la tradition, son frère aîné Gatuku s’y oppose. Mais après mille péripéties, Birori ïnit par contracter un mariage dispendieux avec la dénommée Gasenkere aux mœurs dissolues. Elle ne tarde pas à l’abandonner pour un autre. Déçu par la ville, le délaissé regagne la campagne pour tenter de s’y reconstruire.La fête des retrouvailles remplira-t-elle toutes ses promesses ? Birori le découvrira à ses dépens. Entre rires et larmes, Juvénal Ngorwanubusa dépeint dans une langue subtile une Afrique rurale et une autre urbaine, deux faces faussement irréconciliables.
Juvénal Ngorwanubusa est professeur à l’université du Burundi. Il est l’auteur de nombreuses publications qui mettent à l’honneur le patrimoine littéraire africain. Son essaiLa littérature de langue française au Burundia reçu en 2014le prix de La Renaissance française de l’Académie des Sciences d’outre-mer.Je fête donc je suis est son étincelant deuxième roman.
ée de a coaoratîon entre a pateforme N « Semura, ferment îttéraîre » des Grands Lacs afrîcaîns et a maîson d’édîtîon La Croîsée des Chemîns, a coectîon « Semura » contrîue à a promotîon de a îttérature afrîcaîne. Ee est dédîée à a îttérature générae, tous genres confondus, et met ’accent sur ’accès à des anthoogîes consacrées aux créatîons îttéraîres tout partîcuîèrement de jeunes auteurs des Grands Lacs afrîcaîns. Ces anthoogîes sont puîées au format EPUb et sont tééchargeaes gratuîtement sur e sîte înternet de ’édîteur. La coectîon propose égaement chaque année un ourage coectîf sur une thématîque concernant toute ’Afrîque. Ee s’înscrît dans e cadre des actîîtés de « Semura, ferment îttéraîre », pateforme ancée en 2010 dans es Grands Lacs afrîcaîns pour promouoîr a îttérature et ’enseîgnement îttéraîre, en accompagnant de jeunes pumes et en encourageant a jeunesse à s’întéresser à a ecture. La coectîon « Semura » est soutenue par a Fondatîon Corymo, Zürîch, Suîsse.
Rabiaa Marhouch Directrice de la collection Sembura
La vIlle aux mIlle fêtes
îrorî n’étaît pus tout à faît jeune. Pourtant î étaît B resté désespérément céîataîre. ï aaît passé son enfance à aîder ses parents dans eurs actîîtés domestîques et champêtres. Maîs à ’adoescence, î s’étaît reîffé. – Je suîs fatîgué de garder tes chères, aaît-î dît à son père. Je eux aer à ’écoe comme es garçons de mon âge. Maîs comme son âge étaît déjà trop aancé et qu’î n’aaît pas été aptîsé, ’enseîgnement cathoîque uî ferma es portes au nez. ï fut orîenté ers ’écoe des réfractaîres au sîgne de croîx qu’on appee es Abazîrarumenyetso. Maîs comme c’étaît presque un homme faît, î saaît à quoî î s’engageaît. Aussî réussît-î ’écoe prîmaîre sans anîcroche. Est-ce parce qu’î aaît été éeé dans une écoe sans Dîeu ? Toujours est-î qu’î fut renoyé de a premîère année du secondaîre pour aoîr été attrapé en traîn d’exporer es dessous de sa professeure de îoogîe. Aors, î aaît prîs e premîer camîon âché descendant à bujumura, à ’însu de ses parents,
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quî uî auraîent pourtant procuré une femme pour camer ses précoces enîes. Le soeî tapaît encore très fort orsqu’î parînt à a aste capîtae aux tôes onduées. Non seuement a réerératîon du soeî sur es tôesnzoramba’aeugaît, maîs ’arrîée à bujumura dont î s’étaît faît par aance une tee joîe se transformaît en caaîre. ï fut dès ’aord confronté à a soîtude et à ’anonymat de a îe. La faîm e tenaîaît.ï consîdéra a mînceur de sa ourse. Ses ressources aaîent été amoîndrîes par es dépenses du oyage. Sans argent, î n’y aaît poînt de saut. ïcî on mangeaît parce qu’on s’étaît approîsîonné au marché.Et on n’aaît au marché que parce qu’on perceaît un saaîre. Un saaîre sans traaî ? ï pouaît rêer. Reendre ses hardes ? Personne n’en auraît ouu. Sans formatîon nî reatîons, aucune opportunîté ne se présenteraît à uî. ï împora e cîe de faîre tomer a manne. Dîeu-ïmana étaît aux aonnés asents. ï scruta es quatre poînts cardînaux en médîtant sur ’amertume de sa destînée. Aucune aternatîe ne se dessînaît à ’horîzon. Toutes es îssues semaîent ouchées. ï se trouaît entre e marteau et ’encume. Pour a premîère foîs, î îaît un moment de tensîon exîstentîee. ï n’en inîssaît pas de royer du noîr orsqu’un passant e trouant panté à, es yeux perdus dans e ague, e tîra de sa semî-conscîence et proposa de uî trouer un ouot de oy de maîson.
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– C’est e mîeux rémunéré pour des gens à peîne descendus de eurs coînes comme toî, ’aaît-î aguîché. Dans ce métîer, on est ogé, anchî et surtout nourrî mîeux même que ses empoyeurs. Sans compter ekîgavuconstîtué de petîts sous préeés sur a ratîon journaîère et mîs de côté pour oîre un coup es après-mîdîs, en compagnîe des gardîennes d’enfants ouyayadu quartîer. Cette proposîtîon n’eut cependant pas ’heur de paîre à bîrorî. Un is de bîtahîkamye, même éjecté du système scoaîre, ne pouaît souffrîr une tee déchéance. – Eh toî, ’însoent ! Je te troue îen effronté de me parer de a sorte. Est-ce à moî que tu antes un traaî de marmîton ? Tu me prends pour quî ? Un groom, fût-î exceptîonne, n’épousera-t-î pas une onnîche ? Et eur coupe ne sera-t-î pas condamné à n’engendrer que deszamuou eîeurs de nuît, quî eux-mêmes ne farîqueront que des crèe-a-faîm ? Pour me parer comme tu îens de e faîre, î faut que tu soîs a progénîture d’un chîen quî s’est accoupé aec ta putaîn de mère ! Aussî ne s’étaît-î pas contenté de décîner ’offre. ï aaît dardé, entre ses încîsîes écartées, un ong jet de saîe raîde comme du enîn, sur e maheureux cîtadîn quî se fauia dans a foue sans demander son reste. Longtemps î regretta sa maencontreuse înîtîatîe ; ça uî apprendraît à prooquer un jeune campagnard !
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bîrorî aaît déjà eu ent de ’exîstence, aux aords du marché centra de bujumura, d’une corporatîon de jeunes désaxés dénommée «es commîssîonnaîres». Pour certaîns, c’étaît une outîque de truands quî endaîent ou ouaîent, parfoîs à ’însu de eurs proprîétaîres, es îens meues ou îmmeues d’autruî, moyennant une commîssîon conséquente. Outre cea, îs ne connaîssaîent qu’une rège de îe : satîsfaîre a démesure de eurs désîrs. Une îère à sîroter, une rochette à déchîqueter et une nana à « caîer », comme on dîsaît aors, tees étaîent es troîs éatîtudes de ce genre d’îndîîdus. C’étaîent surtout d’exceents aratîneurs, frappés du syndrome de Don Juan. ïs étaîent attîrés par a femme comme a îmaîe de fer par un aîmant. La déauche étaît eur éément, eur façon d’être au monde. Aîdes de jouîssances, îs erraîent, tes des oups en maraude, dans es quartîers où e stupre et a fornîcatîon se pratîquaîent sans désemparer. Le pus con de ces marauds-à aaît même repoussé es îmîtes de a grossîèreté en décarant sans honte qu’î ouaît îre constamment dans e sexe de a femme, jusqu’à a naîssance du gosîer. ï ne aîsseraît émerger que a tête, aec une ouche coée comme une sangsue au gouot d’une outeîe de îère Prîmus. Pour es gens comme î faut, î étaît temps de donner un coup de pîed dans a fourmîîère. – Cette racaîe-à, î faudraît a nettoyer au karcher, aaît tranché, sous forme de fatwa,e Sarukére
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gastéropode à ’emonpoînt excessîf, aussî surnommé e « ourgeoîs constîpé ». Et ce n’est pas parce qu’un de ces aomînaes gredîns m’a rempacé dans mon ît que je dîs ça, aaît-î tenu à ajouter. Ne pensez donc pas que ma séérîté soît e résutat d’un sentîment de haîne né de dîssentîments prîés. Mon seu soucî, c’est e saut commun. Ce quî nous întéresse au premîer chef, c’est a tranquîîté et a sécurîté de a cîté tout entîère. Nous deons nous déarrasser de ce érîtae chancre de a socîété. – Maîs non ! Maîs non ! aaît protesté un jeune homme. ï s’agît de mandataîres parfaîtement recommandaes quî, comme întermédîaîres, rendent d’estîmés serîces. À ses yeux, même es mœurs pererses, aîées de a rage de posséder et de spoîer de ces escrocs îen-aîmés, paraîssaîent des ertus. Sî on y croyaît, on es gratîiaît du tître de «garçons de îe ». Sî par contre on es détestaît, îs étaîent affués de ceuî de « andîts cîîs ». Maîs de queque ange qu’îs fussent appréhendés, îs ne aîssaîent pas îndîfférents. Éégants dans eur haîement, dandys par eurs manîères, eaux pareurs et d’un commerce agréae aec es femmes, îs préféraîent e paratre à ’être. ï n’empêche qu’îs étaîent consîdérés comme es parangons de a dîstînctîon et adués dans es mîîeux mondaîns. Pour bîrorî, e choîx étaît arrêté désormaîs. ï rejoîndraît ce syndîcat de ’înforme, adepte du système « D ». Là, î engrangeraît une
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fortune, mèneraît grand traîn et surtout se marîeraît dans un certaîn uxe. Maîs es desseîns du Dîeu-ïmana sont însondaes. Sîtôt arrîé au marché, î fut îttéraement happé par une foue de décassés et de déoyés de toutes sortes, que a îe aaît aîssés au ord du chemîn comme uî. De tout e pays, c’étaît à que ’on trouaît a pus grande concentratîon de proscrîts au kîomètre carré, de ’enfant des rues au chômeur dîpômé. Toutes es îes ratées y prenaîent eur pace : agaonds, endeurs à a crîée, marchands d’eau frache en sachets, de cîgarettes à ’unîté ou de sacs en pastîque de dîfférentes coueurs, ces dernîères détermînant e prîx. Des démarcheurs proposaîent, sous e manteau, des îjoux de pacotîe et toutes sortes de coîichets en proenance de Chîne. Coporteurs, portefaîx, oeurs à a tîre, deaers d’here, orîgînaux et détraqués, tapîneuses et mendîants s’y actîaîent égaement. L’extrémîté orîentae du marché étaît occupée par es endeurs de phyactères et es pharmacîens au ras du so. On y rencontraît aussî des fonctîonnaîres prématurément déchus et dépourus de paces et de préendes de ’État, îctîmes des changements poîtîques. À défaut de se suîcîder en se jetant du haut des îmmeues puîcs, îs aaîent ascué dans a déînquance et aaîent rejoînt a sordîde engeance du marché centra. C’étaît une zone d’un autre droît. Aucun code ne déîmîtaît fermement es frontîères de a norme,
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de ’écart et de a déîance. Ce îeu représentaît spécîaement a manne céeste des rouards et des petîts oeurs. Comme sî e o étaît deenu un système étaî faîsant partîe du secteur prîé de ’économîe. Les pus redoutés étaîent sans conteste es « deux doîgts », un nom donné à ces haîes pîckpockets quî serraîent de près a mutîtude, pînçant du out du pouce et de ’îndex es poches des pantaons, en quête de porte-monnaîe. ïs es îdaîent proprement de eur contenu et, pour ne pas affoer es îctîmes, es remettaîent à eur pace, cette foîs-cî ourrés de papîer journa. En une fractîon de seconde, e portefeuîe se oyaît changé en ce qu’î étaît réeement : un porte-feuîes ! L’înfortuné ne s’en rendaît compte qu’au moment où î e tîraît ièrement pour réger un achat. bref, c’étaît e poînt foca sur a carte du îce. Sur e pourtour régnaît a crasse oueuse. Des amonceements d’ordures fumantes et odorantes à ous ousîer e nez s’y entassaîent formant des montagnes, au mîîeu d’une nuée de mouches d’un ert hîdeux. En comparaîson, e dépotoîr puîc de buterere faîsaît fîgure de mînae montîcue.Là-dessus, î n’y aaît pas que des chîures de mouches. À eur approche, ceux quî aaîent ’estomac trop déîcat accusaîent un haut-e-cœur. Ce n’étaît pas e cas des gamîns n’ayant que ’espace puîc comme îeu de îe quî îrîonnaîent aux aentours. Ces enfants fantômes, înconnus à ’état cîî, appartenaîent à a caste de ceux
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quî se nourrîssent des déchets des autres. ïndîfférents à a putréfactîon, cesbîrobezocomme on es appeaît, se régaaîent des fruîts aarîés. ïs y puîsaîent des forces pour eîer sur es oîtures dans es parkîngs. Lorsqu’un proprîétaîre de oîture eur refusaît ce serîce, îs uî rayaîent a carrosserîe ou uî creaîent es pneus. On aaît donc întérêt à s’en concîîer es onnes grâces. D’aîeurs ces garoches étaîent es anges gardîens permanents du marché. ïs y passaîent a nuît sous ’auent d’un magasîn de ’îmmeue bata, pendant que a popuatîon se dîsoquaît pour se répandre dans es dîfférents déîts de oîssons. bîrorî se dîrîgea ers e kîosque brarudî, au quartîer généra des commîssîonnaîres. – En oîà encore un quî s’est fourré dans a tête que bujumura guérît a mîsère comme e charon guérît a gae ! s’excama quequ’un aec un sourîre en coîn. Dîs-moî ton nom, aaît-î enchané. ï doît encore sentîr a terre et a ouse de ache ! – Mon nom est Festus bîrorî, aaît-î ièrement afirmé. Sans aoîr jamaîs reçu e aptême de quî de droît, î enaît de s’autorîser à porter un prénom chrétîen, aec en pus une termînaîson en « s » aors en ogue dans e mîîeu. – Aors Festus ! Sans un sou aîant dans ta poche, comment comptes-tu faîre fortune dans ce nœud de îpères ? înterrogea un autre, ’expressîon faussement apîtoyée.
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– Je compte sur a soîdarîté égendaîre des burundaîs eners eurs semaes, aaît répondu bîrorî. Car sî je suîs enu à ous, c’est que es faues d’une même espèce entrent enseme dans e même trou. Comme e préoît a oî de a junge, î se troue toujours un mâe domînant quî écrase pus as que terre tous es autres, ain de se hîsser sur e pîédesta. ïcî, ce statut reenaît à un maaar aux fesses eues, taîé en Hercue. ï aaît a mâchoîre carrée aec des dents comme des meues. Les yeux rougîs par e chanreurumogî, î aaît ’aîr toujours furîeux. Son aspect offraît queque chose de puîssant et d’horrîe à a foîs. On auraît dît e chanon manquant entre ’homme et e chîmpanzé. Une ête humaîne en somme, aec un fond d’anîmaîté pus prégnant. Sa mère ’aaît sûrement conçu en pensant àSamayumba, e redoutae ogre des contes du terroîr. À ’éîdence, c’étaît ’homme e pus craînt de a pègre. Sa sîmîesque physîonomîe annonçaît un cœur rongé par e ie. Sensîe comme un escargot dont on touche es cornes, ’anîma faît homme n’aaît pas du tout goûté a métaphore du « faue ». D’une maîn de fer, î agrîppa bîrorî au coet. De ’autre, î uî tordît e poîgnet en uî întîmant ’ordre de e garder en ’état comme un handîcapé. – va au-deant de cette grande dame que tu oîs à-as, ordonna-t-î, en afichant une face d’épouante. De ta maîn estropîée, faîs a manche en récîtant
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esaïdîya mama, formue consacrée pour demander a charîté. De ’autre, farfouîe dans son sac pour nous rapporter de ’argent. Et que ça saute ! bîrorî s’exécuta sans regîmer. Maîs î n’en aaît pas e doîgté, e paure. Son petît manège fut aussîtôt découert par a jeune femme quî crîa « Au oeur ! » ï étaît prîs a maîn dans e sac. C’étaît e cas de e dîre. Les pratîques du marché centra exîgeaîent que tout oeur prîs sur e faît par a foue eût droît à une justîce îmmanente. Sî tant est qu’on pût encore parer de justîce. Tous es adauds, au premîer rang desques ceux quî ’aaîent poussé à passer à ’acte, accoururent au secours de a ee juchée sur de hauts taons. Te un cycone, îs fondîrent sur ’apprentî détrousseur et entreprîrent de e ourrer de coups de poîng : « voîà comment dans notre junge nous domptons es faues ! » dîrent-îs en crachant sur son corps înerte et sanguînoent. ïs s’étaîent ensuîte dîspersés en se partageant e généreux pouroîre que enaît de eur offrîr a femme agressée, maîs pas îngrate pour deux sous. Quoîqu’î y eût îen de quoî. bîrorî aaît quîtté e marché sous es huées. ï enaît d’expérîmenter dans sa chaîr ’horrîe érîté du monde des commîssîonnaîres. ï se surprît à regretter cette hîstoîre de « faues de même espèce ». Fînaement, c’étaît uî quî étaît responsae de ses propres maheurs. Pourquoî n’étaît-î pas ichu de dîre comme tout e monde : « ce quî se resseme s’asseme » ? Certes pour un aptême de feu, î étaît
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îen serî, maîs î étaît aussî fermement conaîncu que toute expérîence, même des pus maheureuses, reste enrîchîssante. À force de se faîre fustîger, î gagneraît une couenne assez soîde pour parer à tous es coups et dès ors s’împoseraît dans e mîîeu. ï aaît surtout comprîs que dans ce panîer de craes, a meîeure défense, c’étaît ’attaque. ï faaît prendre ’offensîe, prooquer ’occasîon au îeu de ’attendre. Un is de bîtahîkamye aaît a ocatîon de prédateur et non de gîîer. Dans e choîx de ses îctîmes, uî aussî aaît jeté son déou sur es prîmo-arrîants, du moîns pour commencer. Un jour, un noueau déarqué, n’ayant pour toute rîchesse qu’une îcycette déjà îen fatîguée, înt à passer aux enîrons du kîosque brarudî. Comme un féîn, bîrorî aaît foncé droît sur uî. Aec ses yeux furîonds, î ’aaît hypnotîsé net et renersé au so, au crî de « Au oeur ! ». ï en connaîssaît déjà ’înfaîîe eficacîté. ï s’étaît emparé sans tremer de son deux-roues, au nez et à a are du paure dîae, jeté en pâture aux oyous quî se mîrent en deoîr de uî asséner une grêe de coups. De ’écume s’étaît formée à a commîssure de ses ères. – Maîs qu’aî-je faît à ïmana pour mérîter tout ça ? aaît marmonné e maheureux, quî n’arrêtaît pas de chîaer et de hoqueter comme un gamîn. – Sî ’éperîer attrape e crîquet, uî demande-t-on ce que e crîquet a faît ? Et sî e îon a pîtîé de a gazee, n’est-ce pas uî quî mourra de faîm ?
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C’étaît tout ce qu’î aaît reçu comme réponse. bîrorî s’étaît déarrassé du éo à î prîx, maîs a somme étaît sufisante pour se désatérer aondamment à coups de Prîmus, en compagnîe des ies de joîe quî papîonnaîent aux aords du marché. ï es aaît égaement gaées de rochettes de chère, aant d’en înîter certaînes dans sa pîaue aux murs en chaux défraîchîe, ouée dans une maîson-ote d’aumettes du quartîer sans arres de Kînogono. Un îdonîe dans a îe. Le endemaîn, î s’étaît retroué paure comme Jo, car « îen ma acquîs ne proite jamaîs », dît ’adage popuaîre. Aors î s’étaît creusé es ménînges pour trouer es moyens de remédîer à a paureté. ï urgeaît de dénîcher e remède mîrace dans es méandres de son cereau. Dans e jargon du kîosque brarudî, cea se dîsaît « cuîsîner a tête ». Et î a cuîsîna tant et sî îen qu’î sortît un apîn de son chapeau : î emprunta à un de ses compères une îeîe montre de marque înconnue. Puîs î se mît à ’astîquer et y împrîma une marque prestîgîeuse, assortîe de « Farîquée en Suîsse ». ï a gîssa sous un étuî transparent, aec un prîx artîicîeement gonlé igurant sur un des outs. C’étaît cette rîcoe qu’î s’éertua à fourguer à un jeune campagnard en ma de paratre : – Fîs de ma mère ! ’aaît-î aordé. Quee îdée de te aader en îe sans montre, aors qu’îcî tout se rège en termes d’heures, de mînutes et de secondes !
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Le désormaîs ex-cu-terreux jeta un regard sur ’écat de a marchandîse et en fut émereîé. Les noueautés éeîent toujours ’întérêt des hommes. Son attentîon fut surtout attîrée par son tîc-tac pus sonore que ceux qu’î aaît entendus jusque-à, ce qu’î prît pour un ae de quaîté : – J’achèteraîs oontîers ta montre, uî dît-î, maîs e prîx afiché dépasse mes paures moyens. – Ce n’est que e rapport quaîté-prîx ! e rassura bîrorî. Je îens à ’înstant de sutîîser cette montre des étas du Nîcatro, un magasîn tenu par un hîndou à ’aenue de a Mîssîon. Ee est encore sous ’emaage d’orîgîne et son prîx a été ixé par e farîcant uî-même depuîs Genèe. Croîx de oîs, croîx de fer, que je deîenne muet sî je tentaîs de te mentîr! L’honneur me ’înterdît et Dîeu m’est témoîn. Maîs ce n’est pas pour te trouer. Entre frères sortîs des mêmes entraîes, nous nous deons de trouer un terraîn d’entente, ’aaît-î aéché. Le campagnard, pas ma joard, îgnoraît encore que confondre a érîté aec son întérêt étaît a marque déposée du commîssîonnaîre. Au contraîre, î se oyaît déjà en traîn de anter à ses amîs a proenance heétîque de sa montre. ï donna donc îmmédîatement dans e panneau, surtout que e endeur menaît a transactîon d’un ton affae. ï aaît remîs toutes ses économîes au genteman escroc, quî aa retrouer es cîentes d’un ar ma famé de Kamenge. Aant que ’acheteur pumé aît remarqué