Julie Tôt ou tard ces salauds recommencent , livre ebook

icon

165

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2013

Écrit par

Publié par

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

165

pages

icon

Français

icon

Ebook

2013

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

La violence faite aux femmes n'épargne aucun milieu social Julie existe, c'est elle qui a inspiré cette histoire en se confiant à l'auteur. Née dans une famille très aisée, repoussée par sa mère, elle subit un viol atroce par son beau-père, elle a tout juste dix ans, Elle est alors séparée de sa mère et recueillie par un oncle et une tante fortunés. Jean-Pierre Millet raconte avec une sensibilité rare, le destin d'une jeune femme martyrisée, meurtrie, broyée, ses joies et ses peines, sa lutte éprouvante pour essayer de se reconstruire. Sa màre meurt sans lui révéler l'identité de son père biologique. Elle aussi porte un lourd secret. Elle a peut-être été victime elle aussi d'un viol, ou d'un inceste? La réalité est bien plus complexe. Julie fuit les hommes, parvindra-t-elle à aimer un jour?
Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

09 décembre 2013

Nombre de lectures

0

EAN13

9782312026619

Langue

Français

Julie, Tôt ou tard ces salauds recommencent

Jean-Pierre Millet
Julie, Tôt ou tard ces salauds recommencent














LES ÉDITIONS DU NET 22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
À Lily
À mes enfants
À Lune qui a inspiré le personnage de Julie
À nos Sœurs violentées




























© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-02661-9
Marie Saint-Kast
Sa mère était morte depuis quatre jours, le dix-huit juillet exactement. Julie de Teyssadre était passée par ce vieux cimetière pour voir où elle allait reposer. Jadis il fut isolé et tranquille, au milieu des champs de tournesol, à l’écart de la ville. Il était maintenant cerné de tours et d’immeubles collectifs gris et sans originalité tous semblables. Leurs balcons étroits où pendaient des tapis ou du linge coloré étaient boutonnés de paraboles blanc-sale, toutes dirigées dans la même direction comme les héliotropes éteints d’octobre avant que les paysans les fauchent. Un périphérique bourdonnant et vrombissant séparait la cité du cimetière. La construction d’un mur anti-bruit n’avait pas été envisagée. Les morts ont le sommeil profond et ne se plaignent jamais. Les habitants de la Cité ont fui la misère des gourbis, de quoi se plaindraient-ils ? La proximité du cimetière et du périphérique avait permis d’exproprier à bon prix les terrains classés en zone constructible.
Un peu plus loin dans ce qui était alors la grande campagne existait, il y a quarante ans, un aéro-club, simple hangar en bois. À côté, une maisonnette abritée par un majestueux orme centenaire servait de bureau et de buvette, c’est ici que se retrouvait le dimanche un petit groupe de passionnés de voltige et de planeurs. Avec l’expansion de la ville et l’activité économique des années d’après guerre, il s’était transformé en une aérogare dynamique. La graphiose avait eu raison de l’orme, en même temps que l’industrie venait à bout de la paysannerie. Ce n’était certes pas Orly ou Roissy, l’activité était essentiellement diurne. Les avions décollaient ou atterrissaient selon le vent en frôlant les tours de la Cité. Le bruit assourdissant des réacteurs tarissait les conversations l’espace d’un instant.
La lourde pierre tombale en granit avait été déplacée le matin même par deux solides mâcons en débardeurs trempés de sueur. Le plus âgé à la figure fortement colorée par une vie en plein air et la bonne chair, les ailes du nez et les plis naso-géniens rougis par une dermite tenace, était massif et épais. Trop court sur pattes, presque difforme, avec des mains épaisses et calleuses couvertes de taches brunes. Il était fagoté d’un bleu de travail râpé, trop grand pour lui. D’une poche étroite située sur une jambe du pantalon dépassait un mètre pliant en bois. Le plus jeune, vingt-cinq ans tout au plus, portait un jean crasseux effiloché au niveau des genoux et des chevilles. Il était de taille ordinaire mais large d’épaules. Son torse vigoureux et ses bras impressionnants tatoués de signes cabalistiques d’inspiration maoris devaient impressionner les poulettes ravies de se pavaner à son côté les soirs de fête. Les yeux étroits, très clairs, faisaient oublier la banalité de ses traits. Le vieux était aux commandes et indiquait le bon endroit où placer la barre d’acier pour lever la dalle massive. Dans le marbre était gravé en lettres dorées Famille Saint-Kast - de Teyssadre. Au signal du vieux, ils unissaient leurs forces afin de faire glisser avec des leviers la lourde pierre sur des rondins en bois. Malgré l’heure matinale, la chaleur était déjà oppressante. Les deux hommes s’affairaient sans précipitation. Ils avaient le temps, l’inhumation était prévue pour quinze heures.
Les deux fossoyeurs avaient terminé leur travail, ils prirent congé, le vieux en soulevant le béret qui couvrait son front ridé et ruisselant laissant apparaître une calvitie luisante, impeccablement blanche. Quelques rares cheveux ébouriffés d’un blanc jaunâtre subsistaient, collés par la sueur sur un crâne osseux.
L’homme au béret, intrigué par sa présence, lui demanda par pure curiosité, si elle connaissait le défunt qui allait prendre possession pour l’éternité de sa dernière demeure.
« Oui, c’est ma mère, répondit-elle. »
Sa réponse, brusque, inattendue, sans la moindre émotion perceptible, eut le mérite de ne pas appeler de commentaires. Juste put-il bredouiller une vague excuse. Tout à coup ils se sentirent de trop et déguerpirent, après avoir rangé leurs outils dans une brouette qu’ils allèrent remiser à vingt mètres de là, dans l’appentis en planches appuyé contre le mur en moellons voisin.
La cérémonie religieuse lui parut interminable. Une vraie messe d’enterrement, bien traditionnelle et ennuyeuse, une de ces cérémonies trop longues, avec homélie et hommages à la défunte qui vident à coup sûr les églises.
Depuis quatre jours elle était définitivement, et à jamais, orpheline, sans aucune famille, seule et malheureuse.
Autour du caveau il y avait foule. Essentiellement des clients de l’étude de son beau-père et de la pharmacie de sa mère, des notables reconnaissables à leurs vêtements, peut-être aussi quelques amis. Elle était partie depuis si longtemps, et si jeune, onze ans s’étaient écoulés. Elle était devenue une étrangère, inconnue de tous, anonyme dans un vieux cimetière ensoleillé.
Sa mère avait été admise à la maison de rééducation fonctionnelle de Vigny-lès-Moines. Un AVC l’avait clouée à quarante-six ans dans un fauteuil, le côté gauche paralysé, avant qu’une seconde attaque, deux mois plus tard, la foudroie, comme le coup de grâce accordé au fusillé.
Il y avait aussi Jérémie et Carole les jumeaux que sa mère avait eus de son mariage avec Dominique Saint-Kast.
Caroline Saint-Kast, la fille de Dominique née d’un premier mariage, était absente. Julie ne l’aurait d’ailleurs probablement pas reconnue. Elle était venue rendre visite à son père trois ou quatre fois après son remariage, elle avait alors onze ans et Julie neuf. Plus de nouvelles depuis, elle resta définitivement chez sa mère, ce qui sembla arranger la mère de Julie et son mari.
Les Saint-Kast à l’exception de cette gamine ne lui étaient pas rien, ils étaient ses ennemis intimes, l’objet de sa haine, spécialement le père.
Retenue par quatre croquemorts, à l’aide de grosses cordes de chanvre enfilées dans les poignées chromées, la bière en cyprès blond descendit doucement. Lâchée un peu trop tôt, elle cogna sèchement la dalle en ciment. Le caveau était vide. Saint-Kast avait acheté une concession et avait commandé cette pierre tombale il y avait deux mois sans en parler à sa femme. Les cordes résonnèrent sur le bois du cercueil quand les fossoyeurs laissèrent filer une extrémité pour les récupérer, comme les bouts tombent à l’eau lorsqu’on libère le bateau avant qu’il ne quitte le quai. Là, c’était le monde des vivants qui s’éloignait pour toujours de sa mère, les amarres venaient d’être larguées.
Chacun se crut obliger de prononcer un dernier mot. D’abord Saint-Kast, le mari, bel homme de haute stature, le cheveu dru et grisonnant, des yeux bleus abrités derrière des lunettes à large monture en écaille. Bien fait de sa personne, la cinquantaine avenante, il avait pris un sérieux embonpoint, empâté par une nourriture de riche bourgeois que le costume de serge noir fait sur mesure parvenait difficilement à estomper. Il avait l’air d’un notaire de province, ce qu’il était d’ailleurs. Debout devant la fosse, il se fendit d’un discours de circonstance qu’il avait dû polir comme un galet avec des mots choisis, des belles phrases, trop ampoulées où manquait l’émotion. Il y était question d’amour éternel, d’épouse exemplaire, de mère aimée et aimante, de femme modèle. Faux, archi faux, ce baratin révoltait Julie. Saint-Kast ne s’adressait qu’à ceux qui ne connaissaient pas le fond des choses. Julie l’observait sans jamais le quitter des yeux, cherchant son regard pour le provoquer, insensible

Voir icon more
Alternate Text