Koudeta
206 pages
Français
206 pages
Français

Description

Koudeta est un roman dont les jambes des vivants, celles des morts et même les pattes de tous les petits cochons d'Haïti plongent, malgré elles, dans le réel : une semaine à Haïti à la fin de septembre 1991. Une semaine pendant laquelle Jean- Baptiste Aristide « Titid » est chassé du pouvoir par un coup d'État.

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Publié par
Date de parution 04 juin 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782140123061
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

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Extrait

MireilleNICOLAS
Koudetaou une semaine en Haïti Roman
KOUDETA
ou une semaine en Haïti
MireilleNICOLASKOUDETA
ou une semaine en Haïti
Roman
© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-16133-4 EAN : 9782343161334
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Elle était à deux doigts de dire « oui » ; il était à deux mains de tout prendre. Tous seuls aujourd’hui chez lui. – J’avais absolument besoin de vous, Lilas, pour revoir les dernières statistiques sur le projet de coopération agricole, l’Ambassade les demande en urgence ! Elle – fallait-il vraiment la croire ? – si bien fardée, habillée, parfumée, coiffée. Quand vous m’avez appelée, Jean, je rentrais d’une fête (elle s’en excusait presque), quand le téléphone a sonné, je rentrais d’une fête, oui, ce sont les coups de feu du côté du Palais qui nous ont fait fuir. – Vous avez peur, Lilas ? – Non. – Vous savez que la situation risque d’être d’une gravité extrême… Elle le regardait, toute tendue à écouter sa voix, en essayant de cacher son amusement d’être avec lui. – Je n’ai pas peur, Jean ; la seule chose que je souhaite si je suis tuée, c’est de l’être par ceux que je hais ; ce serait trop triste autrement. Ne riez pas, on a vu de ces accidents !
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– Ah, Lilas ! Toujours romantique ! Vous accepteriez donc d’être assassinée par ceux qui viennent de fomenter le putsch, dit-il tendrement. Qui sont-ils d’ailleurs ? On ne le sait pas encore. – N’abusez pas de mes paroles ! Mais si je devais mourir, il serait normal que ce soit par eux. – Savez-vous, chère amie, que j’ai été un des premiers à savoir qu’il se tramait quelque chose ? Vous deviez être à votre fête en train de danser… – Oh, fit-elle, sur un ton qui laissait entendre qu’elle s’était fort ennuyée, qu’elle était beaucoup mieux maintenant, ici, dans le tête-à-tête forcé par les événements. Il perçut ces nuances, se rapprocha et, comme dans l’excitation du récit de cette nuit tragique, il lui prit les mains. Elle les lui laissa, feignant d’être toute dans ce qu’il racontait et comme si sa vie pour le moment était toute là, dans ses deux mains qu’il tenait enfin. – Lilas, reprit-il, la situation est très grave. Et si j’ai eu besoin de vous voir, c’est par crainte de ce qui aurait pu vous arriver mais aussi pour la nécessité, le plus rapidement possible de faire le point sur la coopération agricole entre Haïti et la France. Il se peut qu’elle cesse très vite, la situation n’a jamais été aussi grave qu’en cette fin de septembre 1991. Au début de la nuit, j’étais avec la délégation canadienne à La Souvenance, à Pétionville ; comme toujours, nous avions un peu trop bu et un peu trop mangé, ils ont un petit homard créole, je ne vous dis que ça ! Quand nous sommes sortis, il était quoi, minuit. La rue Gabart était dans une obscurité si complète que le chargé d’Affaires canadien, qui a pourtant l’habitude
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d’Haïti et de nos pannes d’électricité l’a fait remarquer. Autour de nos voitures pas un seul enfant qui mendiait. Rudolph a même dit, un peu grossièrement comme toujours, les black-out ont du bon, les enfants des rues sont allés se coucher… Sur le moment, je ne me suis pas questionné sur leur absence. Pourtant, elle était étrange. Il n’y a vraiment que la pluie ou les balles pour les déloger. – La pluie encore plus que les balles, vous le savez bien, interrompit Lilas. – Il ne pleuvait plus. Et nous ne savions pas à l’intérieur du restaurant que les balles avaient commencé. En tout cas, je devais avoir un peu forcé sur le planteur-punch. En descendant la Panaméricaine, j’ai heurté une voiture ; et la seule qui venait. Oh, à peine ! Mais le conducteur a jailli comme un diable de sa boîte, m’injuriant que j’avais abîmé sa Pajero. Vous pensez ! Il n’avait presque rien et moi j’avais tout l’avant enfoncé. La police est arrivée tout de suite. Pourquoi ? Comment ? C’est si étonnant ici. J’ai été conduit au Poste. À peine avais-je commencé à raconter les faits qu’un vent de folie s’est emparé des hommes. On hurlait des ordres. Des fusils passaient devant moi. J’ai cru à une mutinerie. « Vous attendrez ici, jusqu’au matin », m’a dit le policier, en un excellent français. Je me suis écrié qu’il n’en avait pas le droit, que je ferai appel à mon ambassade, que je travaillais pour l’ambassade de France, que la route de l’Amitié entre Port-au-Prince et Jacmel, c’était nous et le projet porcin de Jacmel et de Thomassin, etc. Il m’écoutait à peine. Sur un morceau de papier chiffonné, ramassé sur le bureau, il inscrivait des noms qu’il appelait tout fort. Des soldats arrivaient en courant. Il leur
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