L Amour est Paradis
114 pages
Français

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L'Amour est Paradis , livre ebook

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Description




– Pourquoi le monde est-il devenu aussi sanguinaire ?




– C’est l’aboutissement logique de toutes les injustices commises depuis des siècles. On a tué Dieu au nom de l’humanité, et l’humanité a fini par se massacrer au nom de Dieu.




– Et l’amour ? Et la fraternité ? Et l’humanisme dans tout ça ? Pourquoi l’Homme est devenu un monstre ?




– C’est parce qu’on lui a appris à se méfier de ses semblables. On a séparé les humains à coups de frontières et de visas ; on a créé la race noble et la race bâtarde ; on a inventé l’axe du Bien et l’axe du Mal, le juste et le barbare, le peuple élu et les peuples bannis et on s’étonne maintenant que l’Homme finisse par massacrer l’Homme.




– Il faut agir, il faut agir pour sauver l’humanité.




– La seule façon de la sauver est de s’aimer. Seul l’amour peut sauver l’humanité.






À travers une écriture qui jongle avec plusieurs registres de la langue, dans un texte qui mêle savamment le désenchantement à l’ivresse, Mo Chaoui nous offre une plongée dans les abysses de l’âme humaine avec ce qu’elle a de démoniaque et d’angélique.


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Informations

Publié par
Date de parution 18 janvier 2019
Nombre de lectures 50
EAN13 9782374536361
Langue Français

Extrait

Présentation
– Pourquoi le monde est-il devenu aussi sanguinaire ?
– C’est l’aboutissement logique de toutes les injustices commises depuis des siècles. On a tué Dieu au nom de l’humanité, et l’humanité a fini par se massacrer au nom de Dieu.
– Et l’amour ? Et la fraternité ? Et l’humanisme dans tout ça ? Pourquoi l’Homme est devenu un monstre ?
– C’est parce qu’on lui a appris à se méfier de ses semblables. On a séparé les humains à coups de frontières et de visas ; on a créé la race noble et la race bâtarde ; on a inventé l’axe du Bien et l’axe du Mal, le juste et le barbare, le peuple élu et les peuples bannis et on s’étonne maintenant que l’Homme finisse par massacrer l’Homme.
– Il faut agir, il faut agir pour sauver l’humanité.
– La seule façon de la sauver est de s’aimer. Seul l’amour peut sauver l’humanité.
À travers une écriture qui jongle avec plusieurs registres de la langue, dans un texte qui mêle savamment le désenchantement à l’ivresse, Mo Chaoui nous offre une plongée dans les abysses de l’âme humaine avec ce qu’elle a de démoniaque et d’angélique.
L'AMOUR EST PARADIS
Mo CHAOUI
38 lignes blanches
Amour
Aube de toutes les délices ! Lumière qui reverdit mon cœur ! Passion qui régénéra mon corps ! Jamais je n’aurais cru qu’un tel miracle pût advenir. Moi qui n’attendais que la faucheuse, me voici davantage attaché à la vie. Moi le vieillard, me voici rajeuni pour des années. Ressuscité. L’amour, l’amour, l’amour… seul philtre qui ne sèche jamais.
Me voici amoureux à en perdre la raison. À côté de moi s’allongeait le souffle de ma nouvelle flamme, la flamme de mon nouveau souffle. Il dormait encore après une nuit épuisante. Je ne le touchais pas de peur de le réveiller. Je me contentais de le caresser du regard. Tout en lui dégageait la douceur virile et la force tranquille. Je glissai du lit, enfilai ma gandoura, me préparai un café. La friture de la veille était toujours par terre. Les quatre bouteilles vides de millésime gisaient sur le tapis du salon. L’appartement ressemblait à un champ de bataille. Je n’avais pratiquement pas dormi. Du balcon, je jouissais des premières lueurs matinales en cette belle journée tangéroise. Un calme sacerdotal régnait tout autour. Quelques rais de lumière envoyaient déjà leurs brillances sur le détroit. Des chalutiers qui revenaient d’une nuit de pêche cisaillaient le bleu calme du port engourdi. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté .
Quelques heures auparavant, nous avions consacré toute la nuit à échanger nos corps et nos esprits. Il m’avait demandé si j’avais lu Doux blasphème . Je répondis non. Dommage ! s’était-il exclamé ; c’est un livre à lire, écrit par un certain Aziz Z. Zahara. En fait, c’est un livre dans le livre puisqu’il est inséré dans Soufi, mon amour de la Turque Elif Chafak. Je promis de le lire et réclamai plus de précision. C’est l’histoire d’un derviche errant qui répond au nom de Shams de Tabriz, continua-t-il, et de Jalal Eddin Rûmi, le plus grand poète de l’amour de tous les temps. On y apprend comment purifier ses multiples nafs. C’est quoi nafs  ? questionnai-je. Ce sont les différentes âmes-egos qui habitent l’être humain. Dans le Coran, Allah parle de trois catégories de nafs , classées de la pire à la meilleure : la nafs al-Ammara bissu’a (âme instigatrice du mal), la nafs al-lawwama (âme réprobatrice) et la nafs al-mutma`inna (âme apaisée). Chez les soufis, les nafs sont au nombre de sept, comme les sept portes du Paradis ou de l’enfer, les sept cieux, les sept péchés majeurs, les sept tours que chaque pèlerin doit effectuer autour de la Kaâba, les sept jours, etc. (Il se tut comme attrapé par un triste souvenir, psalmodia la sourate Al Fatiha et murmura « Qu’Allah bénisse ton âme papa ! ») Je ne compris rien à la digression, mais prêtai l’oreille à la suite. Le chiffre sept est sacré dans toutes les religions, surtout dans le soufisme. Le savais-tu ? Plus ou moins, opinai-je. Eh bien, sache que les soufis insistent sur la voie de la vérité qui doit passer par sept nafs : la nafs dépravée qui éloigne du Bien et incite au Mal ; la réprobatrice qui blâme ; l’inspiratrice qui ouvre les voies du savoir ; la sereine qui rend sage ; l’accomplie qui invite à la Soumission (pas celle de Michel Houellebecq, glissa-t-il ironiquement, et je fus surpris qu’il ait déjà lu ce livre) et la nafs épanouie qui place la lumière divine dans le cœur des élus. Toute personne qui veut atteindre la vérité doit apprendre à passer par les sept niveaux, ce que les soufis appellent maqamats . Ainsi va pour l’amour. Parce que l’amour s’apprend ? questionnai-je. Non, il ne s’apprend pas ; il se cultive, et pour qu’il donne une moisson saine, il faut semer les bons ingrédients. Nous sourîmes et refîmes l’amour avant de nous abandonner dans les bras de Morphée.
Ainsi passaient mes rencontres avec Mehdi. Lui enseignait et moi j’apprenais. Pourtant, c’était lui qui n’avait pas encore atteint la quarantaine et moi qui dépassais la soixantaine. Le vieux était le disciple et le jeune le maître. Pouvait-il en être autrement ? Par la suite, vous comprendrez pourquoi.
Le jour se levait sur Tanger. Appuyé à la rambarde, je sirotais mon café et inspirais à pleins poumons toute la fraîcheur matinale. Tanger est belle quand elle dort. Son charme ne se livre qu’au petit matin. Ici on l’appelle âroussou chamal , la mariée du Nord. Le jour, elle est pucelle ; la nuit, femme fatale. Tel est peut-être son mystère qui continue de charmer ses prétendants. Charmé je le fus et c’est pourquoi j’y suis resté. Maintenant que j’y ai rencontré mon salut, comment pourrais-je la quitter ?
Alors que je voguais sur les dunes du calme et de la volupté, les bras de Mehdi m’enlacèrent par-derrière et ses lèvres déposèrent un baiser suave sur ma nuque.
« Alors Michel ! T’as passé une bonne nuit ?
— La meilleure de toute ma longue existence.
— Elle fut délicieuse pour moi aussi. J’ai tenu à ce qu’elle soit la meilleure. »
Il lâcha sa phrase comme s’il était sûr que ce que nous venions de vivre n’aurait pas de suite. Une lame de glace sectionna mon corps. Il ne me laissa que le temps de frémir et se rendit à la cuisine pour préparer le petit-déjeuner. Mille appréhensions traversaient mon esprit. Je fis appel à toute ma dignité pour ne rien laisser paraître, en sachant qu’on ne peut rien lui dissimuler. Mehdi savait lire dans les cœurs, surtout le mien. Je le rejoignis au salon où il était assis en tailleur et mangeait une tartine. Il préférait toujours manger par terre. Plus on est en contact avec la terre, plus notre âme s’élève au ciel, me disait-il souvent. Dans ce cas, répliquais-je ironiquement, il faudrait confectionner des salles à manger dans des tombes. Il me sourit. Je lui souris. Dans un silence de cimetière. J’attendais qu’il dît quelque chose. Il n’ouvrait sa bouche que pour se sustenter et je n’ouvrais mes yeux que pour l’admirer. Il me beurra du pain grillé et me le tendit. Je pris le pain et gardai sa main dans la mienne. Une douce pression de ses doigts me signifia qu’il comprenait mon désarroi. La joie comme la souffrance s’expriment aussi par le silence, surtout par le silence.
Mon portable vibra et nous sortit de notre torpeur. Un message de mon ami Laurent : « Regarde la télé. » J’allumai la télé et nous restâmes foudroyés par ce que nous voyions et entendions. Deux frères armés jusqu’aux dents avaient pénétré dans les locaux du journal satirique Charlie Hebdo et tué plusieurs journalistes. La vidéo qui tournait en boucle montrait les deux frères cagoulés sortir de leur voiture, tuer un agent de sécurité, crier « Nous avons vengé notre Prophète Mohamed. Nous avons tué Charlie. » et partir tranquillement.
Le regard de Mehdi et le mien se croisèrent et se figèrent. Est-ce une blague ? Je zappais, passant d’une chaîne à une autre, pour me convaincre qu’il ne s’agissait que d’un canular. Non. La barbarie venait de sévir en plein cœur de Paris. Je restai sans voix. J’avais laissé la France et les Français derrière moi. Je m’étais défrancisé depuis longtemps. Avec Mehdi, nous nous aimions, nous discutions, nous apprenions l’un de l’autre, et voici que la réalité nous rattrapait pour nous rappeler nos origines, notre nationalité, nos différences. Je me surpris à fredonner : « C’est pas vrai ! C’est pas vrai ! » Il me prit la main, la pressa et me dit :
« Les fanatiques sont tous persuadés qu’ils sont les soldats de Dieu et que Celui-ci valide tous leurs actes, aussi barbares soient-ils. »
Je le regardai, les yeux hagards, tel un enfant qui attend plus d’explications, puis m’exclamai :
« Pourquoi le monde est-il devenu aussi sanguinaire ?
— C’est l’aboutissement logique de toutes les injustices commises depuis des siècles. On a tué Dieu au nom de l’humanité, et l’humanité a fini par se massacrer au nom de Dieu.
— Et l’amour ? Et la fraternité ? Et l’humanisme dans tout ça ? Pourquoi l’Homme est devenu un monstre ?
— C’est parce qu’on lui a appris à se méfier de ses semblables. On a séparé les humains à coups de frontières et de visas ; on a créé la race noble et la race bâtarde ; on a inventé l’axe du Bien et l’axe du Mal, le juste et le barbare, le peuple élu et les peuples bannis, et on s’étonne maintenant que l’Homme finisse par massacrer l’Homme.
— Il faut agir, il faut agir pour sauver l’humanité.
— La seule façon de la sauver est de s’aimer. Seul l’amour peut sauver l’humanité. C’est son seul salut… Toi qui es écrivain, ça serait bien que tu publies un livre sur l’amour en ces temps de haine. »
J’élargis mon rictus en signe de désenchantement et répondis que la verve m’avait quitté depuis des lustres.
« Elle est justement comme l’amour, la verve, elle te tombe dessus quand on s’y attend le moins.
— En ce qui me concerne, elle continue de me fuir.
— L’amour, notre amour, la fera revenir, » insista Mehdi en s’approchant de moi et en m’étreignant de toutes ses forces. Son étreinte exhalait l’haleine du soldat qui part en g

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