L’homme à l’écharpe rouge
157 pages
Français

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L’homme à l’écharpe rouge , livre ebook

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Description

Matthias, écrivain reconnu, est soudain en proie au syndrome de la page blanche. Épuisé par ses nuits d’insomnie, il cherche confusément l’inspiration.
Un énigmatique vagabond, spectateur discret des événements du récit, l’accompagne constamment dans l’ombre.
Sa présence fugace installe peu à peu le doute dans les méandres du cerveau de Matthias ; celui-ci est obligé de se remettre en question, s’interroger sur sa relation aux autres et réfléchir à ce qu’il devrait faire pour ne pas éprouver de regrets, au terme de sa vie.
Le SDF devient, en filigrane, le porte-parole mutique de l’écrivain et de son entourage, où s’opposent douleur amoureuse, amitié déçue, jalousie, méfiance, tromperie et violence. Une violence aussi bien verbale que physique dont est témoin le sans-abri, tandis qu’il erre silencieusement dans le sillage de Matthias.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 juin 2023
Nombre de lectures 5
EAN13 9782370117359
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

L’HOMME À L’ÉCHARPE ROUGE

Catherine Messy


© Éditions Hélène Jacob, 2023. Collection Littérature . Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-735-9
Nous sommes faits de l’étoffe dont sont tissés les songes, et notre vie si courte a pour frontière un sommeil.
William Shakespeare
La Tempête – 1611

Si vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci, répondit madame de Chartres, vous serez souvent trompée : ce qui paraît n’est presque jamais la vérité.
Madame de La Fayette
La princesse de Clèves – 1678
– 1 –
Il fait très chaud, cet après-midi-là, en ce début juillet particulièrement estival. Il n’y a pas un seul nuage pour de temps à autre intercepter les rayons qui font grimper la température d’heure en heure. Le moindre coin d’ombre est le bienvenu. Matthias se tient devant son bureau pour poursuivre la rédaction de son roman entamé il y a une huitaine de jours. Il peine à faire évoluer son histoire, il peine tout simplement à écrire.
Après s’être épongé le front et avoir augmenté le niveau de la ventilation, se jurant, comme chaque été, de faire installer la climatisation pour l’année suivante, il se met debout dans l’intention de tirer le store de la terrasse afin d’occulter la lumière. Des bruits d’eau mêlés de rires sont audibles à l’extérieur. Il envie les jeunes qu’il entend piquer une tête dans la piscine des voisins, en contrebas du terrain qui jouxte le sien. Il sort un instant pour les observer, en mettant sa main en visière, avant de se retrancher très vite chez lui. La fournaise est insupportable, et le parterre est brûlant sous ses pieds nus.
Ils sont tout un groupe d’amis. Certains prénoms parviennent à ses oreilles. Il y a Loïc, Clara, Clément, Nathalie, Rémi, Vincent. Il y a surtout une jeune femme qu’il aperçoit au moment où elle émerge du bassin dans lequel quelqu’un l’a poussée par jeu.
Elle est apparue devant lui après s’être hissée sur les bras pour s’en extraire et rejoindre les autres. Elle est en train de se sécher, et ses mouvements laissent un moment entrevoir son intimité. Les aréoles foncées de ses seins sont visibles sous le tissu blanc qui lui colle à la peau. Elle est maintenant occupée à essorer sa longue chevelure qu’elle presse entre ses mains. Elle lève les yeux un court instant pour répondre à l’appel de son prénom, et devine une présence derrière les stores de la maison en surplomb du jardin situé à proximité. Elle a juste le temps de voir le scintillement reflété sur les lattes du store métallique que l’on a écartées. Matthias retourne prendre place à son bureau.
À peine rassis, il décide de jeter un nouveau coup d’œil, mais constate qu’elle n’y est plus. Il prend le temps d’observer les autres adolescents.
Ceux encore présents s’éclaboussent, heureux de profiter de leur premier jour de vacances. Il se met à considérer les filles dans leurs bikinis colorés et les garçons dans leurs caleçons trempés, dont l’ampleur laisse peu deviner le trouble que la vue des demoiselles peut parfois provoquer. Tout en faisant mine de s’en plaindre, celles-ci apprécient de susciter leur émoi. Certaines acceptent de se laisser embrasser. Les vacances ne font que commencer.
Matthias est de nouveau face à son ordinateur. Il en contemple l’écran vide. La nuit précédente a été fort mauvaise, courte et hachée, comme à l’accoutumée. Elles le sont toutes depuis quinze ans. Elles le voient arpenter les pièces ou déambuler au milieu de la végétation pour calmer les mouvements intempestifs de ses jambes. Il en rédige souvent des textes, accumulés dans un carnet.
Marcher pour soulager,
Marcher pour apaiser
Ce corps qui se rebelle,
Et dont la force est telle
Qu’il régit mes nuits,
Endolorit ma vie.
Il se met à s’activer sur les touches de son clavier, mais supprime instantanément ce qui s’est affiché. Il procède ainsi longtemps, constamment mécontent du résultat. Il finit par se sentir découragé, et s’arrête.
Après quelques minutes passées à méditer, il délaisse son fauteuil, se dirige vers le store baissé plus tôt, le remonte, ouvre la porte-fenêtre, et se rend sur la terrasse dont les dalles sont encore imprégnées du soleil de la journée. Le remue-ménage aquatique et les éclats de voix se sont tus. Il peut distinguer le bassin maintenant désert. La lune qui s’y reflète vibre sous l’effet de la brise nocturne. De la fête de l’après-midi, il ne subsiste que quelques verres et assiettes sur une table basse, un ballon flottant à la surface de l’eau à peine ridée par une légère risée, une serviette de bain et des tongs abandonnées sur une chaise longue, vraisemblablement oubliées par un des baigneurs. Il apprécie le calme et la douceur de cette soirée, avec le chant des cigales en toile de fond, et l’odeur de lavande qui flotte dans l’air. L’azur du ciel s’est enflammé. L’incendie a graduellement perdu de sa vigueur pour s’éteindre derrière la cime des sapins et céder place à l’obscurité.
Il regagne son siège.
Il se sent las. La chaleur conjuguée à la fatigue le plonge dans une douce torpeur. Il finit par s’endormir.
– 2 –
Joanna Sheffield vient de se soumettre au même rituel que les jours précédents : à savoir un lever très matinal avant de se rendre à la piscine municipale pour nager rapidement pendant trois quarts d’heure. Survivance de ses entraînements de compétition.
Ses amis la surnomment Joan. Elle est d’origine anglaise, native d’une ville touristique du Kent, Canterbury.
Elle est de taille moyenne, et son visage ovale a le teint laiteux typique des habitants des contrées du nord. Ses yeux clairs encadrent un nez retroussé, et sa chevelure blonde lui tombe jusqu’au creux des reins. Peu de maquillage, un air rieur, Joan charme son entourage par sa joie de vivre. Elle s’efforce toujours de ne pas laisser les chagrins la submerger, et d’éloigner autant que possible les pensées négatives. Elle montre un tempérament spontané, et elle est appréciée pour sa franchise, même si cela lui vaut parfois quelques inimitiés. Sa devise : les gens m’acceptent comme je suis ou passent leur chemin.
Elle s’est toujours exprimée à la maison en français. Cela, ajouté à ses multiples séjours chez ses grands-parents maternels aujourd’hui décédés, voilà qui lui permet de parler la langue du vieux continent sans qu’aucune trace d’accent shakespearien ne vienne l’émailler.
Elle voit peu sa mère, originaire de Compiègne, maintenant établie à Marseille. Des coups de fil au moment des anniversaires, une visite éclair à Noël chez l’une ou chez l’autre, de façon à maintenir le lien.
Lors d’un séjour dans la région, à l’âge de 18 ans, cinq ans auparavant, elle a fait la connaissance de Paco, étudiant en droit. Elle a partagé sa vie quelque temps. Mais son envie de liberté l’a très vite fait s’en séparer pour rencontrer d’autres hommes. Les aventures sentimentales lui sont nécessaires.
Elle s’est établie dans la maison héritée de ses grands-parents, située aux confins de la ville. Le jardinage est sa passion. Le terrain lui permet de cultiver des légumes, de fleurir des parterres et de récolter des pommes. Elle travaille en tant que bibliothécaire, et occupe son temps libre par des cours de philosophie qu’elle suit parfois à l’université la plus proche. Elle se rend une fois par semaine à un cours de gymnastique.
C’est à cette occasion qu’elle retrouve Clément, plus âgé qu’elle de dix ans. Elle se sent bien en présence de cet homme aux cheveux longs, noirs et frisés, retenus derrière la nuque par un élastique. Il est arrivé trois mois avant les vacances d’été. Il a décidé de s’inscrire pour une nouvelle année. Il est de nouveau le partenaire de Joan pour certains exercices.
* * *
Joan et Clément se sont retrouvés comme chaque mardi. La séance s’est achevée par des exercices d’assouplissement suivis de dix minutes de relaxation.
Ils sortent à présent du centre sportif. Le soleil inonde le trottoir d’une lumière rougeoyante. L’été n’est pas encore tout à fait terminé. Il fait bon se promener.
— Tu viens demain à la séance de tai-chi ?
— Sans moi ! Je ne suis pas libre. Bon ! Alors, à la semaine prochaine !
Elle a déjà fait quelques pas en direction de l’arrêt de bus quand Clément la rattrape.
— Pas si vite !! Si on allait prendre un pot au café d’en face ? Tu donnes chaque fois l’impression que tu as un train à prendre !
— T’en as mis du temps à m’inviter !
— On n’emballe pas une fille dès la première rencontre !
Ils traversent la rue et s’installent en terrasse.
— Alors ? Ces cours de philo dont tu me parles tant, dès qu’il y a une pause ?
— Passionnants ! Voilà comment j’aurais aimé qu’on m’enseigne cette matière, autrefois. Il faut que je trouve un sujet de réflexion pour la semaine prochaine. J’ai pensé à quelque chose comme : vivre en enfreignant la loi.
Clément se met à rire.
— Je peux te parler de mon expérience personnelle, elle sera peut-être une source d’inspiration !
— Pourquoi ? Tu as fait de la prison, vendu de la drogue, persécuté ta mère ?
— J’en ai la tête ?
— On m’a appris à ne jamais me fier aux apparences ! Et je ne vais tout de même pas t’obliger à déballer ta vie privée !
— Non, mais je dis ça pour qu’on puisse faire connaissance, tout du moins un peu mieux qu’en faisant des abdos ! Bon ! Qu’est-ce que tu prends ? Je te vois bien carburer au café !
— Tu n’y es pas du tout ! Ce sera un jus de citron.
Le serveur vient prendre les commandes. Clément opte pour une bière.
— Le monde n’est vraiment plus ce qu’il était ! Elle est loin l’époque des nanas intellos, clope au bec et café posé à côté d’un livre ouvert.
— Tu as tout faux, à l’exception du livre ! Et ce que tu dis pourrait également s’appliquer aux hommes !
— Je fais de la provoc ! J’aime bien !
— En tout cas, tu auras tenté de me draguer ! Et ça marche, car j’accepte de te revoir !
— Alors, viens chez moi un jour, on pourra partager un repas improvisé. Tu aimes les pâtes ? Parce que je ne sais faire que ça ! Et au cas où tu penserais que j’ai des idées derrière la tête, sois rassurée, je vi

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