164
pages
Français
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2016
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Ebook
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Publié par
Date de parution
17 février 2016
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342048834
Langue
Français
Cette série de nouvelles raconte l'histoire de petits personnages ordinaires, ni très riches ni très pauvres. Dans le cours de leur vie, ils sont confrontés à des situations qu'ils perçoivent comme exceptionnelles et chargées d'aventure. L'hydravion ou l'avion sert de toile de fond. C'est à la fois l'objet du désir de voler, la motivation dans l'accomplissement d'une performance, la réalisation du rêve, la machine nourricière du travail.
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Date de parution
17 février 2016
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0
EAN13
9782342048834
Langue
Français
L'Hydravion
Jean-Pierre Domec
Mon Petit Editeur
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
L'Hydravion
Pour Maylis et Nicolas
Avant propos
Toutes ces histoires sont de pures inventions
L’hydravion
Le pilote a la tête pleine de rêves. Les rêves et les désirs de vols et de voyages sont quelquefois si forts qu’ils deviennent réalité. De brevet en licences et qualifications, de contraintes en obligations, nous progressons. Je ne regrette pas les voies suivies mais je suis pilote et comme tout un chacun je n’ai pas fini de m’enthousiasmer. Le dernier enthousiasme vient de très loin, de l’époque où l’on parlait encore des hydravions. Les Laté 631 venaient d’être désarmés, les marins aviateurs étaient un peu tristes. Il restait des photos en format 6x9 d’avant-guerre. Avec le temps, elles s’abîmaient pour mieux se faire oublier dans les tiroirs fourre-tout. Comme les enfants retrouvent toujours les photos oubliées, l’enthousiasme peut attendre plus encore. Et un jour, une annonce de Caledonian Seaplanes propose une qualification de pilote d’hydravion sur PA18S. Écrivons. Il faut saisir le bout lancé par la Providence ou par la Publicité avant que le rêve passe. La réponse est là pour m’indiquer que je vais me rendre Ailleurs. Il y a cinq heures de vol en doubles commandes à effectuer, cinq heures d’apprentissage, il y a un examen pratique. Il y a aussi, probablement, trois examens théoriques à choix multiples à passer. Téléphonons. La secrétaire de Caledonian Seaplanes me rassure. Avril est très bien au point de vue météorologique. Fin juin-début juillet n’est pas encore trop pluvieux. Le courrier propose un hôtel pour dormir. Il est situé en face de l’endroit où est stationné l’hydravion, de l’autre côté du loch. Ah oui ! Le loch ! On ne dit pas « le lac » en français ou « the lake » en anglais, on dit et l’on écrit « loch » en gaélique dès l’instant où il est décidé d’aller apprendre l’hydravion en Écosse.
Pour piloter un avion, il nous faut faire un peu d’histoire et un peu plus de géographie. Pour faire de l’hydravion il faut faire aussi de la géographie et de l’hydrographie. L’hydravion est une machine qui satisfait l’esprit de synthèse. Elle permet d’accomplir un exercice de style où le pilote se réalise à nouveau. C’est un paradoxe. Ainsi ce qui est apparent pour les personnes extérieures, les gerbes d’eau, les vagues de sillages, le bruit du moteur, sont autant d’éléments qui relient le pilote à ses exercices d’apprentissage et à sa machine. À l’ancre, amarré à quai, échoué sur la plage, c’est un navire pour lequel il faut prévoir l’évitement, les défenses et les pare-battage, les élingues et l’arrimage. Le ressac et le vent font qu’il reste en mouvement même au repos, comme une personne. D’ailleurs n’a-t-il pas, pour l’identifier, une immatriculation, un port d’attache et une nationalité ? La météo est engageante ce matin. Il faut bien choisir sa météo. Il y a la météo de l’air. Le courant est du nord-ouest. On envisage un plafond de l’ordre de 3 000 pieds avec plus de 4/8 de cumulus, des averses fortes à modérées, un vent de 15 à 20 nœuds. Il y a la météo du loch. Le vent va se soumettre à la géographie du loch et suivre dans un premier temps son axe longitudinal. Mais nous sommes en montagne. Le vent peut aussi descendre du versant exposé au sud pour remonter ensuite le versant exposé au nord. « Le loch est-il volable aujourd’hui ? », me demande George au téléphone. Les vents localement forts sur la côte ouest et les pluies abondantes du nord de l’Écosse laissent présumer des conditions difficiles pour un apprenti. Le loch va devenir gris, puis violet, puis noir, rayé de stries d’écume qui vont relier en plein vent les crêtes des vagues. Des éclaircies tempéreront cet ensemble. Nous utiliserons la partie occidentale du plan d’eau, protégée par le relief, et nous porterons une grande attention aux plaisanciers ; les bateaux, ont la priorité, même s’ils paraissent plus manœuvrables. Si les runabouts ne sortent que de façon épisodique, les voiliers tenteront bien une petite compétition intime de type, la météo est engageante.
Je ne pourrais dire qu’il pleut tous les jours en Écosse, ce serait un mensonge. Il est certain qu’en cette fin de juin, il a plu tous les jours au moins une fois par jour. Rares cependant furent les jours où il ne plut qu’une fois et lorsque ce fut le cas, il ne plut que du matin jusqu’au soir. La condition météorologique la plus récurrente consiste tout de même en cette alternance d’averses et d’éclaircies. Le début des éclaircies est insoutenable pour les moustiques locaux qui ne supportent pas le brusque changement de température et d’hydrométrie. Il paraît qu’ils sont alors agressifs envers les personnes blondes à peau fragile, sèche et rose. Si, comme moi, on est brun à la peau mate, les moustiques ne s’en aperçoivent pas tout de suite. En ce qui me concerne il semble qu’ils s’en inquiétèrent la visite pré-vol terminée, après m’avoir piqué plusieurs fois.
La visite pré-vol permet d’apprécier le lieu dans son ensemble. L’hydravion se découvre échoué sur une plage de sable, étroite, à pente très douce. Je rentre dans l’eau. Une averse brève et tiède passe. Je boucle mon ciré. Je tourne autour de l’hydravion pour apprécier l’instant et l’espace. La machine est bien plus haute que moi. Avec de l’eau au-dessus des genoux, je dois lever la main pour toucher la profondeur. L’hydravion est paradoxal. J’ai l’air et l’eau à ma disposition. Je les appréhende en me forçant à la lenteur.
Nous allons voler. Tout à l’heure tout sera mouvement. Je monte sur le flotteur droit. J’ouvre la porte. La partie basse ne pose jamais de problème à rester ouverte. La partie haute, que j’ai mal fixée, par ma hâte paresseuse, me tombe sur le crâne. Il n’y a rien que de très normal. Je monte sur le marchepied. Je glisse avec mes sandales de trekking à semelles antidérapantes achetées deux jours plus tôt à Perth. Je me cogne trois ou quatre fois. Il y a trop de tubes dans cet avion. Je plonge dans la cale, sépare les gilets de sauvetage de l’ancre et saisis la pompe à vide. Je redescends sur le flotteur, satisfait de m’en être si bien sorti. Chaque flotteur est divisé en compartiments étanches. Les compartiments sont fermés par des balles en composite qui obstruent les orifices où s’applique l’embout de la pompe à vide. À l’intérieur du compartiment, un flexible va chercher l’eau accumulée au point le plus bas. Les quantités d’eau absorbées par les compartiments étanches sont impressionnantes. Certains compartiments en absorbent plus que d’autres. L’eau y rentre de façon continue, la nuit au repos, le jour en opération, à l’échouage sur la plage ou sur la grève, rien n’y fait, l’eau est partout. Il faut donc pomper. De là à dire qu’un pilote d’hydravion est un Shadock, il n’y a qu’un jet de plume. En eau salée il convient de rincer à l’eau douce flotteurs ou œuvres vives. Les flotteurs sont vides. Je contrôle la rigidité des axes et des câbles de tension du gréement dormant et du gréement courant. Je contrôle les points d’attache des ailes et du système de flottaison. Les safrans des gouvernails doivent être relevés à l’arrêt. L’inspection de la cabine me fait contrôler la présence et l’état des gilets de sauvetage, des fusées, de l’ancre. En cas d’opérations maritimes, nous devrions avoir une ancre flottante. Je libère les amarres. Les gouvernes sont libres et essayées sur les trois axes. La quantité d’huile moteur est correcte. Nous allons remplir aux trois quarts les réservoirs d’essence avec une pompe aspirante refoulante. Sur certains amphibies, il faut parfois pomper pour sortir le train d’atterrissage. De là à écrire qu’un Shadock est un pilote d’hydravion, il n’y a qu’un mot. Nous avons pris grand soin de ne pas déverser d’hydrocarbures dans les eaux du loch. Les éleveurs de saumons ont suffisamment d’ennuis avec les épizooties qui surviennent de façon aléatoire. En ces temps d’agriculture britannique troublée, n’augmentons pas le stress des saumons.
Je monte en place avant et le moniteur le lance sur l’eau comme on propulse en dériveur au départ de l’action. Il me prévient du fait qu’il n’a pas d’instrument à sa disposition. Je devrai lire pour deux. Le navire dérive. Les commutateurs des magnétos sont sur « ON ». Le réchauffage du carburateur est sur froid. Le mélange est riche. La manette des gaz est légèrement avancée. Je presse sur le démarreur. Le moteur tourne. Les gouvernails descendent. Plein réduit, nous faisons route vers le milieu du loch. Si je réduis les gaz alors que les gouvernails – en vérité les safrans des gouvernails – sont relevés, alors l’hydravion décrira une courbe vers la gauche ; si je tarde dans la lecture de la check-list, alors je n’aurai plus la même distance disponible pour décoller. L’hydravion est toujours en mouvement. Le compensateur est réglé pour le décollage. Les gaz sont réduits en entier. Le mélange est riche. Le réchauffage du carburateur est sur froid. Le robinet d’essence est ouvert sur le réservoir le plus plein. Les volets sont essayés. Les instruments moteurs sont dans le vert. Les portes et fenêtres sont fermées. Les harnais sont attachés. Les commandes sont libres sur trois axes. L’électricité est en charge. L’hydravion se met dans le vent. L’hydravion est toujours en mouvement. Cela ne présente pas que des inconvénients. La mnémonique au décollage est impérative. « FCARS : Flaps ; Carburettor ; Aera ; Rudder