217
pages
Français
Ebooks
2016
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Ebook
2016
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Publié par
Date de parution
09 août 2016
Nombre de lectures
3
EAN13
9782895975601
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Publié par
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09 août 2016
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3
EAN13
9782895975601
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Français
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L’OMBRE DE CHACAL
DE LA MÊME AUTEURE
Œuvres – Jeunesse
Un tintamarre dans ma tête (roman), Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 2003.
Le vœu en vaut-il la chandelle ? (roman), Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 2003.
La Chandeleur de Robert (album, illustrations de Denise Bourgeois), Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 2002.
Élise à Louisbourg (album, illustrations de Suzanne Dionne-Coster), Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 2002.
Romans
Chacal, mon frère , Ottawa, Éditions David, 2010.
Je regardais Rebecca , Moncton, Éditions d’Acadie, 1999.
L’a ntichambre , Moncton, Éditions d’Acadie, 1997.
Théâtre
Enfantômes suroulettes (jeunesse), Moncton, Michel Henry Éditeur, 1989.
Mon mari est un ange , Moncton, Michel Henry Éditeur, 1988.
Les ans volés , Moncton, Michel Henry Éditeur, 1988.
Le gros ti-gars (jeunesse), Moncton, Michel Henry Éditeur, 1986.
Gracia Couturier
L’ombre de Chacal
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Couturier, Gracia, 1951-, auteur L’ombre de Chacal / Gracia Couturier.
(Voix narratives) Publié en format imprimé(s) et électronique(s). ISBN 978-2-89597-534-2. — ISBN 978-2-89597-559-5 (PDF). — ISBN 978-2-89597-560-1 (EPUB)
I. Titre. II. Collection : Voix narratives
PS8555.O834O43 2016 C843’.54 C2016-903644-8 C2016-903645-6
L’auteure tient à remercier le Conseil des arts du Nouveau-Brunswick pour son soutien lors de l’écriture de ce roman.
Les Éditions David remercient le Conseil des arts du Canada, le Bureau des arts franco-ontariens du Conseil des arts de l’Ontario, la Ville d’Ottawa et le gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada.
Les Éditions David 335-B, rue Cumberland, Ottawa (Ontario) K1N 7J3 Téléphone : 613-830-3336 | Télécopieur : 613-830-2819 info@editionsdavid.com | www.editionsdavid.com
Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 3 e trimestre 2016
À Geneviève femme de lumière sensible aux êtres écorchés
… n’eût été… il aurait… mais il a…
Étienne a écrit tout l’hiver. Le manuscrit suit son cours, sans relâche, depuis la chute des premières feuilles. La fenêtre ouverte sur la nuit sans lune laisse entendre les premiers craquements de la rivière, sons sourds, amortis par la falaise encore enneigée. La rivière se gonfle tranquillement sous la blancheur. Cet après-midi, au cours de sa marche quotidienne, il a remarqué les premières stries ciselées par le soleil dans l’épaisse couche de glace, signe que la rivière commence à s’émouvoir de l’approche du printemps.
Déjà !
Bientôt, la rivière crèvera ses eaux et le flux dévalera en torrent, entraînant avec lui tous les rejets de l’hiver. Un tumulte déchaîné charriera, sans discernement, tout ce qui se trouve sur son passage, peut-être même des maisons, que la crue aura été arracher à leurs fondations.
Rien n’est immuable.
Étienne ne craint pas pour lui, protégé par l’élévation de la falaise d’un côté et par la forêt sur les trois autres faces. Il peut s’épancher sur les forces de la nature sans craindre d’être emporté. Il se sent en totale sécurité dans son alcôve du Bois des songes, bien abrité, bien isolé. De tout. De tous.
Se croyant seul.
DU BOIS DES SONGES
Je vous écris du Bois des songes, alcôve de mes désillusions…
1
Étienne s’est retranché dans l’alcôve de sa forêt presque vierge, à l’écart du village et de ses habitants. À l’abri des éléments. Et, croit-il, à l’abri de Bruno. Dans la sérénité de son refuge, il laisse le temps cicatriser ses écorchures. Ainsi isolé depuis des mois, il lui semble que la saison n’a été qu’une longue nuit figée dans la neige. Le silence après la destruction, alors qu’il ne reste que les débris de ce qui a été.
Dès les premiers flocons de l’automne, il s’est laissé couler dans son gouffre, vociférant sa révolte à coup de phrases lapidaires, parfois vulgaires, ses doigts crachant sur le clavier le venin trop longtemps retenu qui l’empoisonnait. Il écrivait de longues heures, surtout la nuit, très tard, jusqu’à l’épuisement. La plupart du temps, il tombait endormi dans son fauteuil, un verre de scotch à la main ou déjà renversé par terre. Il se réveillait quand les rayons de midi lui dardaient la figure à travers la façade vitrée de son pavillon.
Un matin, au lendemain de la pire de ses cuites, il peinait à retrouver ses esprits. La tête prête à éclater, il étouffait littéralement dans l’atmosphère rancie de son cloître. L’urgence de respirer. Il frôlait la panique. La bouche pâteuse, la nausée au ventre, il peina à se traîner jusqu’à la porte, restée fermée depuis des jours.
Sitôt sorti sur le perron, il sentit une rafale de vent le fouetter en pleine figure. L’air vif de la montagne, le trop d’oxygène d’un seul coup déclenchèrent un haut-le-cœur imprévisible. Il éjecta dans la neige les surplus de scotch suri, liquide brunâtre, strié de filets de bile. Machinalement, il poussa la neige avec son pied et se frotta le visage et le cou de neige fraîche. Il respira un peu mieux. Devant lui, la forêt. Les verts si verts des conifères qui s’ébrouaient dans la brise, débarrassant leurs branches de la neige frivole. Étienne imita les arbres et se secoua un peu, ce qui l’aida à se dégourdir. Ses poumons s’habituèrent progressivement à l’oxygène, le sang recommença à circuler dans ses artères. Le corps se défigeait progressivement. Comme une machine qui se remet en marche après des mois d’arrêt.
Un frisson soudain l’obligea à rentrer. L’air vicié de sa demeure lui sauta au nez. Chaque respiration provoquait des haut-le-cœur d’amertume et de dérision. Impossible de subir plus longtemps cette atmosphère. Il enfila son manteau et ses bottes, se fraya un chemin jusqu’à la remise derrière le pavillon, y dénicha les raquettes de son père, qu’il avait gardées dans un moment de nostalgie, et prit du côté de la forêt.
Il marchait lentement entre les arbres. La neige n’étant pas très profonde en décembre, le sentier se présentait sans embûches, sauf quelques branches qui gênaient le passage. Étienne marchait très lentement, la fatigue l’empêchant d’aller plus vite. « Je vous écris de mon abîme, écuelle de mon amertume », pensa-t-il. Cette phrase qu’il se répétait sans arrêt durant toute la soirée de la veille, cette phrase qu’il ravalait chaque fois avec une gorgée de scotch, refrain incessant, rébarbatif, qui finalement avait eu raison de sa raison. Et de sa résistance. Il s’était effondré. Il éprouva une honte sourde de s’être laissé abêtir à ce point.
Il progressait dans la forêt, qui l’enveloppait de son bruissement si paisible. La lourdeur de son pas contrastait avec l’agilité des sapins qui agitaient leurs branches comme des oiseaux à tire-d’aile, aspergeant la neige de paillettes d’effeuilleuse.
Tout cet air pur lui creusa l’appétit. Depuis plusieurs semaines, il se nourrissait du minimum pour se garder en vie. Il rebroussa chemin.
Sa demeure ressemblait à un shack abandonné. Il ouvrit toutes les fenêtres à pleine grandeur. Il avait faim, son estomac n’était plus qu’un grand trou vide. Plus un grain de café. Il n’y en avait plus depuis au moins deux jours. Il s’était rabattu sur le scotch. « Est-ce possible que je m’enivre ainsi depuis deux jours ? » Sa voix caverneuse le surprit lui-même. Il avait tellement faim, l’estomac lui tordait violemment, il aurait donné sa dernière chemise pour un bol de soupe de tante Alice. Ce potage l’aurait remis d’aplomb sûrement, mais il ne se rappelait pas la dernière fois qu’il avait parlé à sa tante.
Une boîte de consommé, la seule chose qui restait. Une boîte de consommé de bœuf, exactement comme celle que Charles Rousseau avait dénichée dans la maison des lilas le soir où Étienne avait voulu en finir au fond du remous, sous l’œil du grand pin sentinelle. « Mais Lorraine m’en a empêché. Elle portait notre fille. » Étienne avala ce bouillon, par petites lampées. « Je voulais aller au fond de mon abîme, eh bien, j’y suis ! » Il fixait le fond du bol vide. « Je ne vis plus que la nuit… je suis devenu un rapace… isolé… isolé et amer… comme Bruno… et je n’ai plus que moi-même à détruire. »
Tant d’amertume.
Étienne se sentait étranger à lui-même.
Le bouillon lui procura un bien-être qu’il n’avait pas ressenti depuis longtemps. « Jusqu’où me laisserai-je agoniser avant de renaître ? Si je ne su