La marge d erreur
119 pages
Français

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La marge d'erreur , livre ebook

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Description

Gabriel Salin, double de Nicolas Rey, apprend à 47 ans qu'il n'a plus que quelques mois à vivre. Errant comme un fantôme dans un terrain vague depuis que son dernier amour l'a quitté, aveuglé par la dépression, assommé par la télé, il ne trouve plus de sens à son existence, n'a plus aucun désir. Lorsque sa toux persistante se change en arrêt de mort, les dés sont jetés : cancer du poumon. Que faire de ce compte à rebours ? Affronter la réalité ou s'asseoir dessus ? Revoir une dernière fois toutes celles qu'il a aimées ou s'arranger pour tomber amoureux une dernière fois ? Entre désinvolture et grâce déchue, autofiction et fantaisie romanesque, La Marge d'erreur fait le portrait hilarant d'un dépressif chronique plein de rage de vivre qui ravira les lecteurs de Nicolas Rey et convaincra tous les autres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 mai 2021
Nombre de lectures 12
EAN13 9791030704648
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

« Savoir finir en beauté ? C’est tout un art. »
 
Entre désinvolture et grâce déchue, débandade et érotisme débridé, autofiction et fantaisieromanesque, La Marge d’erreur fait le portrait hilarant d’un dépressif chronique plein derage de vivre, pour les dernières semaines qu’il lui reste.
 
Lauréat du Prix de Flore, Nicolas Rey a publié romans, nouvelles et chroniques. Dos au mur ,son dixième livre au Diable vauvert, a reçu le Prix Gatsby.
 

Nicolas Rey
 
 

La Marge d’erreur
 
 

Roman
 
 
 

À Fanny
 
1
 
Tout commence presque par la fin. Vingt-huit jours plus tôt pour être bien précis. Àl’hôpital Cochin. Le scanner thoracique fait unbruit sourd et métallique. Je ne le redoute pas.Ni lui, ni son verdict. Je suis déjà passé de l’autrecôté. Sept jours plus tard, on m’annonce l’existence d’une lésion : s’impose un bilan général.La semaine d’après, je suis hospitalisé pour unefibroscopie bronchitique. On prélève ma lésionet on établit mon bilan.
Le vingt-huitième jour, donc, je me retrouveassis dans un bureau clair et bien rangé, face à unjeune pneumologue qui tripote son iPhone. J’aibeau réussir à distinguer un minuscule morceau deciel bleu à travers un petit carreau de fenêtre, il m’estimpossible d’échapper au monologue suivant :
« Bon, les nouvelles ne sont pas bonnesmonsieur Salin. Pas bonnes du tout. Vous étiez venu au départ pour une consultation de routineau sujet d’une toux persistante et il va falloir vousarmer de courage. Tout est confirmé. Le canceraux poumons à petites cellules dont vous êtesatteint est foudroyant. C’est six mois de survieen moyenne.
— Six mois ?
— Pas vraiment hélas. Le scanner du cerveaumontre qu’il y a déjà des métastases. Même avecde la chimiothérapie, c’est en moyenne troismois de survie.
— Et sans chimiothérapie ?
— Même résultat. Avec un certain confort devie en plus.
— Trois mois vous dites ?
— C’est une moyenne. Il est possible desoulager la souffrance et d’apporter du réconfortdans les tout derniers jours avec d’innombrablesproduits morphiniques. En revanche, à ce stade,aucun traitement ne peut retarder l’échéance.Vous êtes croyant ?
— Oh que non.
— Vous avez une femme ?
— Oui docteur. J’avais une femme. J’avais. »
Je me suis retrouvé faubourg Saint-Jacquesà rester debout, les pieds vissés au trottoir. Puisj’ai décidé de marcher machinalement jusqu’au jardin du Luxembourg. Je me suis assis sur unemarche et j’ai enchaîné les cigarettes. À quelquesmètres de moi, j’ai observé un trio d’adolescentscomme on regarde un documentaire animalier.Une fille et deux garçons. Le premier avait unskate, les cheveux longs, un jean troué, il devaitêtre populaire dans son lycée et fort suivi surles réseaux sociaux. Le second avait des petiteslunettes rondes, les cheveux bouclés et un livredans la poche arrière de son pantalon. J’ai priédans l’espoir que, pour une fois, tout ne se passepas comme prévu, mais la jeune fille est tout demême partie avec le premier des deux garçons.Ce ne serait pas si mal s’il y avait un jour dans lemonde une application pour distinguer les bonsdes méchants.
 
2
 
Je m’appelle Gabriel Salin. J’ai quarante-septans. Je n’ai plus d’âge. Je suis un fantôme perdudans un terrain vague. Je suis un automate. Jene suis plus composé que d’une enveloppe charnelle. Je ne ressens ni joie, ni peine. Je suis devenuune machine à vivre sans la moindre existencesur terre valable. Par exemple, je me suis levé cematin uniquement parce que mon portable asonné. Ensuite, je suis allé prendre une doucheparce que je sais que l’on doit prendre unedouche après son réveil. Heureusement, il ne mereste que trois mois à poursuivre cette mascarade.Et puis j’ai avalé mes antidépresseurs. Je n’ai pasde femme. Pas de camarade. Et encore moins demeilleur ami. Je n’ai pas non plus de psychanalyste. C’est inutile. Mon cas a dépassé le stadede la psychanalyse depuis fort longtemps. Monsalon, ma chambre et toutes les autres pièces de mon appartement sont décorés de la façon laplus impersonnelle possible. Je sors de chez moi.Je prends un taxi. J’arrive au journal. Je pénètredans mon bureau. Je jette un œil sur mes mails.
En fin de matinée, je me dirige à pied vers unebrasserie pour réaliser l’interview d’une jeunecomédienne qui joue dans une comédie socialeet populaire. Je n’ai rien ressenti devant son film.Mais elle n’y est pas pour grand-chose. C’est moiqui ne ressens plus rien depuis fort longtemps. Jela salue. J’enclenche mon enregistreur.
Pendant une heure, je pose des questionsinutiles auxquelles elle tente de répondre dumieux possible. Je devine à ses sourires et à sestremblements qu’elle fait toujours partie desvivants. C’est le genre de fille qui doit avoir denombreux amis et encore plus de followers. Legenre de fille pour laquelle les choses de la vieont un sens.
Pour elle, son film a un sens, son amoureux aun sens, sa famille a un sens, sa carrière a un senset sa santé aussi, bien évidemment.
Alors, histoire de mettre un peu de fraîcheur dans mon papier, je lui demande si elleest maman. Oui, elle me rétorque, j’ai un fils dequatre ans ! S’exclame-t-elle. Et puis d’un seulcoup, cette saloperie de vitalité prend encore plus le dessus. Voilà qu’elle me parle de son gosse,qu’elle se marre et se confie totalement. Moi jesuis très gêné face à toute cette guimauve qu’elleme balance d’un coup. Elle évoque son avenirprofessionnel qu’elle trouve totalement dérisoireà côté de la noble tâche d’être parent.
« Enfin quelque chose de plus important quenotre petite affaire privée », elle ajoute crânement. Ensuite, elle poursuit en faisant de largesgestes : « On serait capable de filer illico notrefoie pour que ce sale gosse ne chope pas debronchiolite ! »
À la fin, elle me pose la question suivante :
« Vous êtes papa, vous aussi ?
— Oui.
— Et quel âge a votre fils ?
— Il vient d’avoir quinze ans.
— Et ça se passe bien avec lui ?
— Cette question va très peu m’aider pourmon interview, vous savez mademoiselle. Maisalors vraiment très peu. »
 
3
 
Je respire une fois rentré chez moi. Ma sœurtente de me joindre. Je ne décroche pas. Je saisexactement ce qu’elle va me dire. Elle va me direque j’ai besoin d’être hospitalisé une nouvellefois. Mais je refuse d’être hospitalisé une nouvellefois. J’ai passé la moitié de mon existence enhôpitaux psychiatriques et cela n’a rien changé.Mon père m’appelle une demi-heure plus tard. Jerefuse de le prendre en ligne aussi. Lui va vouloirme rendre visite afin de « discuter ». Il pense que« discuter » avec lui pourrait me faire revenir ducôté des vivants.
Je mange une compote dans la cuisine enécoutant France Info. Et puis je me gave de tranquillisants en regardant Chernobyl sur OCS . Il n’ya que le mélange de médicaments et de séries quiarrive un peu à combler mon gouffre immense.La nuit venue, je regarde en replay l’émission : N’oubliez pas les paroles ! présenté par Naguy.L’animateur affirme avec force qu’il est formellement favorable au dépistage du cancer du sein.J’avale un nombre conséquent de somnifères etje m’allonge dans mon lit. Au début, je suis mortde trouille à l’idée de repenser à son sourire.Alors je m’accroche aux chansons comme unmort la faim. Un candidat chante qu’il voudraitmarcher cinq minutes avec toi et regarder lesoleil qui s’en va. Heureusement, assez vite, lachimie commence à faire effet. Et je m’endorssans même m’en apercevoir.
 
4
 
Le lendemain, nous sommes dimanche. Il vafalloir fêter l’anniversaire de mon fils, Hippolyte.Je lui ai acheté un vingt-et-unième maillot du PSG . Je sais, je sais : c’est ma croix. Il aurait pu êtrefan des Verts, des Sang et Or lensois, ou, mieuxencore, des crocodiles de Nîmes… Mais non.Mais non. Malgré tous mes efforts pour lui enseigner la beauté qui consiste à se ranger toujoursdu côté des plus faib

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