Laisse : Rejet apparent
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Laisse : Rejet apparent , livre ebook

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Description

La traversée d’une pièce sur le point d’un départ réitéré. Comme d’une géographie précisément bousculée. Avec comme unique impulsion une phrase qui dit à la fois la porte et le palier, l’insoluble traversée d’une limite sans cesse dénoncée et qui fait se décliner le verbe être avec une brutalité qui appartient à son secret – à son rejet apparent. Laisse: si c’est une photographie elle n’est documentaire que par sursis, par l’épuisement qui fait se refondre les murs d’une ville à leur seule idée.
« Ce livre aura eu trois temps, au moins. Sa première écriture remonte à 2006. Elle a fait le relais entre deux corps, morts, dont ni l’un ni l’autre n’a été enterré. Il faut entendre dans ce mot deux, un chiffre indéfini, qui se recompose sans répit, un lieu ne se limitant ni à la dune,
ni au froid de novembre, c’est-à-dire, sans géographie précise, loin d’une idée de recueillement : un chiffre brisé. L’écriture suivante aura eu lieu à l’ombre du Morne Larcher, une sorte de maraude, disons, de sa propre conscription. La traversée d’après, discontinue, et aux innombrables itinéraires, s’est faite dans le voisinage du 29, et plus haut, dans l’avenue Junot, en face du café Marcel où nous avons été à pied dans l’impossibilité de se voir. Il ne sert à rien de dire des noms de mois, ni de personnes, car l’évidence repose justement sur ce qui échappe à la documentation. Il me reste à dire le mot de photographie, qui doit son ahurissement au cheval. C’est cela qu’il me reste de ce livre dont la pellicule se recouvre d’une poussière de guerre. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 octobre 2016
Nombre de lectures 14
EAN13 9782897124243
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Laisse
Nathanaël
Peut-être [l’être humain] ne peut-il rien oublier. L’opération du voir et du connaître est beaucoup trop compliquée pour qu’il soit possible de l’effacer de nouveau entièrement; autrement dit, toutes les formes qui ont été produites une fois par le cerveau et le système nerveux se répètent désormais souvent. La même activité nerveuse reproduit la même image.
Friedrich Nietzsche

« un œil qui simplifie jusqu’à la désolation totale »
Franz Kafka
à Sylvie Glissant
J’ai montré la réalité. La question est de savoir combien de temps elle va durer.
Kurosawa Akira
Laisse
(rejet apparent)
J’y vais. Pas besoin de me bousculer. Ni pour autant de m’en dissuader. Ma décision est prise. La porte là et au-delà de la porte. Une chose au lieu d’une autre chose. Laquelle. Coller un mot à cette chose. Le désir existe. Dans la peau de la chose le mot détaché de la chose. Les preuves sont sans importance. Le bois de la porte. Le bruit de la porte qui se referme. Bois et bois. Le plaisir que procure l’écoute. Le bruit que reçoit le corps. Il est sa seule peau. Avec ses propres mots détachés. Je voudrais que cessent les mots. Que cesse l’élan dans leur direction. Leur directif. Je voudrais pouvoir l’abolir. Ça. Cette pulsion. Cette passion. La promesse de ce plaisir en particulier. Refusé. À cause seulement de son entrain. Si seulement je pouvais me tourner et m’accorder à cette autre direction. Mais le tout suit. Comme c’est pénible. Le seul mouvement. Il se multiplie dans la bouche et dans les mains. Ici les traces laissées par le mouvement. Elles se reproduisent ainsi tel qu’en nombre elles ne sont plus identifiables à elles-mêmes. Je les vois à peine. Il ne s’agit pas d’un mysticisme. Certainement pas. L’âge déborde de mysticismes et c’est regrettable. Ça obscurcit. Si seulement c’était possible de s’appuyer tout bonnement. Le mystique est tout le temps appuyé contre une vitre. La vitre concède la chaleur du soleil et la lumière du ciel mais les expériences sensorielles sont mitigées par la vitre. Sauf celle du corps appuyé contre la vitre. C’est pour les sens que nous agissons ainsi. Que nous sommes debout d’un côté ou de l’autre de la vitre. Parfois la vitre se brise. Nous la brisons. Nous faisons exprès. Nous appuyons trop fort ou bien nous lançons quelque chose directement dessus. Je peux admettre une chose pareille. L’impulsif devient compulsif. Nous mangeons comme du bétail dans une auge empoisonnée. Nous faisons cela. Nous en parlons langoureusement. J’accepte les libertés. Les portes qui se ferment et s’ouvrent. Les corps qui tombent sans retenue du jour au lendemain. Je voudrais t’embrasser. Le champ de vision rétrécit avec le siècle. Nous sommes debout d’un côté ou de l’autre du siècle et c’est le même siècle. Il nous prend dans ses replis. Nous sortons de la guerre tout comme nous y entrons. Je fais de grands efforts pour m’en souvenir. Il échappe. Ce n’est pas la peine de m’en parler. Il est juste au-delà de la fenêtre. Je traverse la rue et je traverse la lande. C’est très efficace. Je veux dire le déboîtement. Je pourrais être n’importe où. J’adore. Je n’ai rien pardonné. Cette guerre tire à toutes les autres guerres. Les fils des guerres. Je m’en défends tout comme toi. Les siècles. Les émaciations. Les cartes nous amincissent. Les veines bleues des rivières avalées par le papier jauni. Les déchirures des replis. Pliés et repus. Les noms devenus illisibles. J’aimerais que mon propre nom soit illisible. Pour que sa trace soit contiguë à la veine bleue de la rivière sans pour cela être divulguée. Les traces palpitent. C’est ainsi qu’elles se révèlent à moi. Cette façon qu’elles ont de trembler. Ce n’est pas électrique. Ça n’a pas l’épaisseur non plus des élancements. Fragile. Un tremblement. Simplifié dans le fil du bois. Dans la peau. La sensation. Tu tournes la tête. Je ne suis pas fou. Pas comme tu te l’imagines. Je porte un chagrin qui m’a marqué. Du pied de la colline je monte jusqu’à Berry Head. Ici les vents délirent. Les herbes se couchent à plat. Et l’eau se rue sur les rochers. J’égare la part de tristesse. Je l’égare sur le sol. Le vent la ramasse et me la rend. J’étouffe en m’écriant et c’est fini. Un dessèchement. Et le petit mot qui se détache. Une histoire de disparitions. Je les aime toutes. Je protège une flamme minuscule avec mes mains et je souffle doucement dessus. Un bois entier prend feu. Une lumière bleue emplit le ciel. Et les noms pleuvent en cendres sur un sol. Je les attrape comme des flocons de neige. Chacun est unique et ils ont tous le même goût. De la même mort. Je veux dire que l’accumulation est petite pour commencer mais au contraire elle est grande déjà. Plus grande que je ne peux l’imaginer. Dans le musée d’art tous les corps sont à découvert. Ils sont à de différents stades de décomposition. Je les touche tous quand même. Je souffle sur certains d’entre eux. La poussière se dépose autour des os secs. Je me roule dans la poussière. Le musée est impassible et me mine. Entre chaque pièce il y a une porte vitrée à pousser. Je gratte la vitre. Une lettre envoyée du désert n’arrive pas à destination. Un fugitif trace la longueur entière d’une rive. Il y a celui qui attend et celui qui fait une offrande. Lorsque je descends de la colline je laisse les cormorans sur un affleurement rocheux. C’est l’hiver dans ce pays comme dans aucun autre. L’homme qui marche fait la collection de petits fragments avec ses mains. Il ne révèle pas ce qu’il trouve. Il prend simplement. Je marche à ses côtés mais déjà c’est le spectre de l’homme qui m’accompagne. Il voudrait que l’instant soit passé. Être seul avec le souvenir qui l’emplit. L’accomplit. Il fait du présent une chose fuyante. Une adoration. Une distinction entre dehors et dedans. Les portes s’ouvrent de biais dans la casbah pour empêcher aux intérieurs d’être visibles. De la rue. Je les imagine fastueux. Rutilants. Ce n’est qu’une imagination. Les toitures crèvent le ciel. Le ciel accroche les cheminées. Je pense à une architecture invisible. Le haut lieu du bâtiment. Sa dissimulation. L’œil gauche embrume et déforme. Un cercle noir est visible au nombril. La maladie durcit la couche inférieure. J’y vais. Les premiers jours il y a un espoir fou. Une série de petites explosions. Elles se propagent de l’intérieur. La lumière est faible et les organes se raidissent et prennent la forme de petits cailloux. La fragilité en fait une plus grande beauté. Les vitraux éclatent en de petites particules. Une charge d’infidélités. J’y vais. Le son monte des planches. Une mèche en crin de cheval tirée sur une corde tendue. L’effort exigé. Arracher un son à une gorge en bois. Les fenêtres d’un village entier ont été condamnées. Et les maisons enveloppées de plastique. Je traverse le village et tire le ciel à moi afin de m’en recouvrir. Nous reculons devant cette absence. Le soupir du sol meurtri sous nos pieds. Les bars sont tout de même bourrés de bagarreurs. Je ne dors pas avant l’aube. C’est plus sûr ainsi. Loin du sang figé dans les tempes. Hindemith ou Rachmaninov. Quel est le nom de la jeune femme entre les murs de la prison. Le jardin n’est pas encore planté. Le marais fait signe. Les morts que nous attendons. Nous affamons les parties qui laissent désirer. Une conviction. Les parties destituées. Les taisons. Quelle est cette chanson. Une saison fermée sur le corps d’un chien. Que vais-je errer. Les parties affamées et désirantes. Les énoncés délaissés. Nous les avons dits. Que les plaisirs nous usent. Allez-vous en. C’est de la simple moutonnerie. Les platitudes. S’avancer sur le quai. Voici l’acte le plus simple à accomplir. En rester là. Tu me dévisages. La promesse du même cadeau est faite. Que seront les corps. J’ai rompu avec tout. Tout rompu. Ces quelques choses. Une pierre turquoise ramenée du Maroc. Une bague en argent de l’Afghanistan. Un tapis usé jusqu’à la corde. Ma sœur me veut du bien. Le temps des religions est passé. Une croyance quelconque. Les frères battent les sœurs. Les mères les fils. À la frontière le douanier demande à voir les papiers. Dans le nouveau monde le corps obtient une mention supplémentaire. Le lui octroie. Je reçois la permission. Comment te l’imagines-tu. L’os cassé en deux morceaux distincts. Une fracture plus totale. Un membre qui adopte une position singulière. Je défends les filles. Je tire au sort les noms des villes. C’est ainsi que je décide de la trajectoire. Nous attendons. Au bord d’une route. Graviers. Quelle condamnation pour s’être comporté. Nous avons dormi dans un lit étroit. À présent il y a un surplus d’éloges. La preuve est dans le déhanchement des jeunes libertins. Et le biais des bâtiments neufs. Les amants se livrent tous éventuellement au despotisme. Dans le guide champêtre des réminiscences je tombe sur un passage consacré à la seule dévotion. La lumière bleue du crépuscule. Échancre un flanc exposé. Les tourments de l’obsolescence. La langueur des champs de blé et des hérons penchés sur des marécages. Les jeunes qui se cisaillent le cœur. Les frottements. Bastingages. Un bouillonnement. L’histoire est la même croyance en chantiers navals et en fellation. Le tout me pénètre par bégaiements. La raison est dans l’incrédulité. Ce qui sera lorsque les corps tombent malades. Je ne le peux à présent. Les symptômes sont manipulés de façon experte. Je touche seulement ce qui ne peut être touché. La vapeur se dégage du bitume au petit matin. Le matin se reconnaît par la maladie dans le corps. Les geignements accrochent. Pourquoi insistes-tu. Il y a sept villes non armées. La première est abandonnée. La seconde est muette. La troisième est oubliée. Les autres sont une fantaisie. J’ai visité chacune d’elles et je n’ai rien retenu. Les coordonnées ont été inventées pour de telles circonstances. Et les séquences de chiffres. Les taux de plaquettes. Les divinités méprisées. La bouche imite un seuil. La parole provient de cette inadvertance. Les endroits comprimés retournés sur eu

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